Dans son sonnet, Maurice Rollinat utilise la nuit comme une source d'inspiration à double tranchant, mêlant l'inquiétude et la fascination, un thème récurrent dans le romantisme noir. L'analyse du poème se décline en deux parties principales, chacune explorant un aspect différent de la nuit.

I) Une nuit inquiétante

a. Un romantisme sombre

Dès le premier quatrain, Rollinat établit un cadre sombre et angoissant. Il personnalise la nuit en l'associant à des éléments funèbres et amoureux, illustrant ainsi les principales sources d'angoisse nocturnes. La nuit devient la protectrice des voleurs et des joueurs, un espace où l'obscurité favorise des activités louches. Les hiboux, symboles classiques des sorcières, renforcent l'atmosphère démoniaque, tandis que la synesthésie employée évoque une immersion sensorielle totale dans cet univers nocturne.

b. Rien ne peut surpasser la nuit

Le poète exprime un sentiment d'impuissance et d'insuffisance face à la grandeur de la nuit. Son usage du terme "hélas" et la description de ses pas chancelants soulignent un profond désarroi. Il reconnaît que malgré ses efforts, il ne peut pleinement capturer l'essence de la nuit, un thème récurrent dans le romantisme où la nuit modifie la perception du réel, redessinant les objets et les environnements.

II) Une nuit fascinante

a. Le poète ne voit pas la nuit d’une façon ordinaire

Ici, Rollinat révèle une dimension plus personnelle et intime de son rapport à la nuit. En l'aimant, il personnalise la nuit, la transformant en une source de calme et d'inspiration. La nuit devient un espace de tranquillité où il trouve la paix, un contraste frappant avec l'atmosphère inquiétante évoquée précédemment.

b. Un poète voyeur

Le poète se dépeint comme un voyeur, fasciné par les mystères de la nuit. Il aspire à des capacités visuelles surhumaines pour mieux pénétrer ses secrets. Cette avidité de voir et de comprendre s'exprime à travers son désir d'observer les "spectres livides", des images macabres et envoûtantes qui captivent son imagination.

En conclusion, ce sonnet de Maurice Rollinat illustre parfaitement le romantisme noir. La nuit est présentée comme une entité à la fois inquiétante et fascinante, reflétant les dualités internes du poète. Comme chez Baudelaire dans "L'Albatros", Rollinat se démarque par sa capacité à trouver de l'inspiration et une certaine sérénité dans ce qui effraie ou dérange les autres, soulignant ainsi la singularité et l'isolement du poète dans la société. La nuit, avec ses ombres et ses mystères, devient un miroir de l'âme du poète, révélant ses craintes, ses désirs, et son génie créatif.