Commentaire composé de Victor Hugo, “Les caves de Lille”

Commentaire composé du discours "Les caves de Lille" de Victor Hugo

I) Un discours pathétique

Victor Hugo, dans son discours “Les Caves de Lille”, emploie le registre pathétique pour dénoncer la misère avec une intensité marquante. Il commence par décrire les conditions de vie des enfants pauvres avec des détails qui suscitent la compassion. Ces “enfants vêtus de guenilles mouillées qui ne sèchent pas de tout l'hiver” traduisent non seulement le froid qu’ils endurent, mais aussi leurs maladies probables. Les enfants “arrachés de trop bonne heure à leur sommeil” perdent ainsi non seulement leur repos nécessaire, mais aussi leur enfance. En insistant sur leur faim permanente, Hugo souligne la malnutrition extrême qui les frappe, au point qu’ils mangent des “feuilles vertes trouvées dans la boue”, une image forte qui animalise ces enfants et illustre leur désespoir.

Hugo va plus loin en décrivant la souffrance des parents. Ils subissent une “double souffrance” : celle de leur propre misère et celle de voir leurs enfants dépérir. L’expression “petits êtres” rend les enfants encore plus vulnérables et fragiles aux yeux des auditeurs. Le pathétique atteint son paroxysme lorsqu’il accuse son auditoire de ne pas avoir de cœur, en affirmant que, s’ils avaient vu cette misère de leurs propres yeux, ils “auraient le cœur serré”. Ce reproche direct implique les auditeurs et les responsabilise.

Hugo utilise également des questions rhétoriques pour renforcer son discours. Par exemple, il interpelle : “Pourquoi vous méprenez-vous ? Parler pour les pauvres, ce n’est pas parler contre les riches !”. Par cette formule, il cherche à apaiser les craintes des riches tout en montrant que le combat contre la pauvreté est universel. Enfin, par une énumération des villes frappées par la misère – Rouen, Lyon, Paris – Hugo révèle que cette condition n’est pas isolée mais généralisée, touchant aussi bien les milieux industriels qu’agricoles. Il décrit la misère comme une “montagne” qui semble insurmontable, ce qui amplifie l’urgence de la combattre.

Avec des procédés tels que l’anaphore (“je vous dénonce la misère !”), la gradation et les verbes à l’impératif, Hugo martèle l’urgence de la situation. La misère est décrite comme un fléau collectif, une “longue agonie” qui détruit les pauvres mais menace également la société tout entière.

 

II) Un discours poétique

Hugo ne se limite pas à un discours pathétique : il le sublime grâce à une dimension poétique qui donne une force supplémentaire à son plaidoyer. En tant que poète, il crée un monde sensible et ému par la parole, s’adressant directement à ses auditeurs par des apostrophes comme “Ah ! Messieurs !”. Cette interpellation les implique directement dans son discours. Il adopte également des tournures rhétoriques qui appellent à l’empathie : “Si ceux qui s’irritent à mes paroles avaient vu ce que j’ai vu…”. Par cette phrase, il place les auditeurs dans sa propre position, les forçant à ressentir ce qu’il a vécu, ce qui rend son argumentation presque irréfutable.

L’anaphore de “s’ils avaient vu” accentue l’émotion tout en affirmant qu’une fois témoins de cette souffrance, même ses opposants deviendraient ses alliés. Il imagine leurs réactions : “ils me crieraient : courage ! Parlez pour les pauvres !”. Ce discours direct donne une voix aux absents et renforce le rôle d’intercesseur que s’attribue Hugo, à la manière du Christ souffrant pour les autres. Par cette analogie, il se positionne comme un défenseur des pauvres auprès des hommes et de Dieu, lorsqu’il déclare qu’il “prie pour eux”.

Hugo joue aussi sur les rythmes et les sonorités pour traduire la douleur. Par exemple, l’allitération en [r] dans “arrachés de trop bonne heure à leur sommeil” reflète la violence faite aux enfants. La métaphore de la misère comme une “nuit” qu’il oppose au “jour” à venir souligne l’espoir de vaincre cette souffrance grâce à l’action collective. L’union entre “l’action sociale” et “l’action providentielle” est une invitation à croire en la possibilité d’un avenir meilleur.

Enfin, Hugo rappelle que la misère est à l’origine de troubles sociaux, citant des événements comme les “jacqueries” et les émeutes de juin 1848. Il avertit que si rien n’est fait, la misère pourrait engendrer de nouvelles révoltes. En cela, la misère devient non seulement une souffrance individuelle mais une menace pour l’ordre social.

Victor Hugo allie donc une dénonciation poignante et des élans poétiques pour toucher à la fois la raison et les émotions de son auditoire. Sa parole, rythmée et riche en images, donne une puissance inégalée à son plaidoyer, transformant une critique sociale en un véritable appel à l’action.

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Commentaires: 3
  • #1

    Théo (dimanche, 24 juin 2018 16:04)

    Merci pour ce commentaire, je n'avais pas d'informations sur ce texte dans mes cours, je vais pouvoir faire ma fiche révision maintenant !

  • #2

    Gloria (dimanche, 24 juin 2018 17:21)

    Merci Théo, heureuse de t'avoir aidé !

  • #3

    CHRISTIANE COLLE (lundi, 11 janvier 2021 14:15)

    merci, ce commentaire m'a beaucoup aidé à améliorer mes écrits