Commentaire composé du portrait de Hauteclaire dans Le Bonheur dans le crime - Jules Barbey d'Aurévilly
Texte
Je ne la voyais alors que de profil ; mais, le profil, c'est l'écueil de la beauté ou son attestation la plus éclatante. Jamais, je crois, je n'en avais vu de plus pur et de plus altier. Quant à ses yeux, je n'en pouvais juger, fixés qu'ils étaient sur la panthère, laquelle, sans doute, en recevait une impression magnétique et désagréable, car, immobile déjà, elle sembla s'enfoncer de plus en plus dans cette immobilité rigide, à mesure que la femme, venue pour la voir, la regardait ; et - comme les chats à la lumière qui les éblouit - sans que sa tête bougeât d'une ligne, sans que la fine extrémité de sa moustache, seulement, frémît, la panthère, après avoir clignoté quelque temps, et comme n'en pouvant pas supporter davantage, rentra lentement, sous les coulisses tirées de ses paupières, les deux étoiles vertes de ses regards. Elle se claquemurait.
- Eh ! eh ! panthère contre panthère ! - fit le docteur à mon oreille ; - mais le satin est plus fort que le velours.
Le satin, c'était la femme, qui avait une robe de cette étoffe miroitante - une robe à longue traîne. Et il avait vu juste, le docteur ! Noire, souple, d'articulation aussi puissante, aussi royale d'attitude, - dans son espèce, d'une beauté égale, et d'un charme encore plus inquiétant, - la femme, l'inconnue, était comme une panthère humaine, dressée devant la panthère animale qu'elle éclipsait ; et la bête venait de le sentir, sans doute, quand elle avait fermé les yeux. Mais la femme - si c'en était un - ne se contenta pas de ce triomphe. Elle manqua de générosité. Elle voulut que sa rivale la vît qui l'humiliait, et rouvrît les yeux pour la voir. Aussi, défaisant sans mot dire les douze boutons du gant violet qui moulait son magnifique avant-bras, elle ôta ce gant, et, passant audacieusement sa main entre les barreaux de la cage, elle en fouetta le museau court de la panthère, qui ne fit qu'un mouvement... mais quel mouvement ! ... et d'un coup de dents, rapide comme l'éclair ! ... Un cri partit du groupe où nous étions. Nous avions cru le poignet emporté : Ce n'était que le gant. La panthère l'avait englouti. La formidable bête outragée avait rouvert des yeux affreusement dilatés, et ses naseaux froncés vibraient encore...
Le Bonheur dans le crime - Jules Barbey d'Aurévilly
Commentaire composé
En quoi ce portrait, écrit par Jules Barbey d’Aurévilly, présente-il un personnage à la fois fascinant et inquiétant qui semble plus panthère que femme.
I. Une anecdote saisissante
1. Un spectacle frappant
Ce spectacle est frappant, une femme noble, ancienne servante, domine une panthère, sans avoir aucune craine : “elle ôta ce gant, et, passant audacieusement sa main entre les barreaux de la cage”. Nous pouvons relever une connexion surnaturelle à travers leur regard entre la panthère et la femme, comme si elles pouvaient communiquer. Elles se fascinent mutuellement : “une impression magnétique et désagréable”. Toutes deux sont dans un duel de regards, chacune essaie de dominer l’autre. Le silence est assourdissant.
2. Le poids des regards
Dans cet extrait, on peut voir un duel de regards entre la panthère et la femme, elles ne se quittent pas du regard : “Quant à ses yeux, [...] fixés qu'ils étaient sur la panthère, [...] en recevait une impression magnétique et désagréable, car, immobile déjà, elle sembla s'enfoncer de plus en plus dans cette immobilité rigide, à mesure que la femme, venue pour la voir, la regardait”. On relève, également, le champ lexical du regard : “voyais”, “avais vu”, “ses yeux”, “fixés”, “impression magnétique et désagréable”, “la voir”, “la regardait”, “éblouit”, “paupières”, “regard”, "rouvrit les yeux pour la voir”, “avait rouvert des yeux affreusement dilatés”. Ce champ lexical permet d’accentuer le poids du regard entre la femme et la panthère.
3. La dramatisation du récit
Le récit est dramatisé par le narrateur par plusieurs points. Tout d’abord, hormis le fait que le docteur commente la scène aux visiteurs, les actions se font dans un grand silence : “défaisant sans mot”. Ce silence peut être pesant et angoissant pour le lecteur. Le texte se sépare en deux parties, toutes deux séparées par l’intervention du docteur. Dans la première partie, les actions sont lentes : “rentra lentement”, puis le rythme s'accélère dans la deuxième partie avec des mouvements secs et brutaux : “elle en fouetta le museau”, “un coup de dents, rapide comme l'éclair !”, “nous avions cru le poignet emporté”, “la panthère l'avait englouti”. A travers ces éléments, l’auteur veut transmettre au lecteur un sentiment d'angoisse et de peur. Le silence se rompt par un cri de peur venant d’un spectateur, ce qui accentue la dramatisation de ce récit : “un cri partit du groupe où nous étions.” On relève le champ lexical du théâtre qui accentue le fait que le récit soit dramatisé : “la bête”, “fouetta”.
II. Le parallèle entre la femme et la panthère
1. La situation dans l'espace
Dans cet extrait, nous arrivons à bien définir la place de chaque personnage. Nous savons que nous nous situons dans un zoo. Au premier plan, nous voyons cette femme mystérieuse avec sa grande robe imposante devant la cage de la panthère. Ensuite, en arrière plan, le docteur commente, comme un vrai guide, aux spectateurs, cette scène impressionnante : “le profil, c'est l'écueil de la beauté ou son attestation la plus éclatante”, “- Eh ! eh ! panthère contre panthère ! - fit le docteur à mon oreille ; - mais le satin est plus fort que le velours.”
2. La panthère-femme
Cet animal est un double de Hauteclaire : “la femme, l'inconnue, était comme une panthère humaine”. La panthère, un animal imposant, majestueux et très féminin, possède toutes les caractéristiques physiques et morales de la femme. La panthère est décrite par l’auteur comme un être humain, elle est donc personnifiée : “la panthère, après avoir clignoté quelque temps, et comme n'en pouvant pas supporter davantage, rentra lentement, sous les coulisses tirées de ses paupières, les deux étoiles vertes de ses regards.”
3. La femme-panthère
Cette femme mystérieuse possède les mêmes caratéristiques que la panthère, elle est imposante, majestueuse et feminine. A première vu, grace à sa robe imposante, nous comprenons rapidement que c’est une femme supérieure aux autres et qui veut se faire remarquer : “c'était la femme, qui avait une robe de cette étoffe miroitante - une robe à longue traîne”.
III. La supériorité de la femme : un épisode fantastique et révélateur
1. La double victoire de la femme
Hauteclaire est une femme puissante, belle et orgueilleuse aux yeux du public et du lecteur mais elle veut affirmer cette supériorité face à la panthère. Elle lui porte un regard tellement puissant et perçant qu’elle réussit à lui faire baisser les yeux : “comme les chats à la lumière qui les éblouit - sans que sa tête bougeât d'une ligne”. La panthère est un animal majestueux, mais Hauteclaire se permet de la fouetter et étonnement la panthère mange seulement son gant : “Eh ! eh ! panthère contre panthère ! - fit le docteur à mon oreille ; - mais le satin est plus fort que le velours.”
2. Un pouvoir surnaturel ou fantastique
Cette femme, qui nous est étrange, a un pouvoir surnaturel sur la panthère. Nous relevons le champ lexical du mystère : “Le satin, c'était la femme, qui avait une robe de cette étoffe miroitante”. Le fait qu’elle porte du satin nous montre bien qu’elle est noble et plus encore. Elle toise les autres pour se donner encore plus d’importance avec “une robe à longue traîne.” La forme de sa robe est imposante et prend de la place tout comme elle, ce qui nous montre bien que personne ne peut l’approcher et qu’elle ne se mélange pas aux autres.
3. Un événement qui révèle le caractère inquiétant du personnage
Hauteclaire est inquiétante aux yeux du public et du lecteur. Elle nous ai, comme, inconnue et ne peut être définie, c’est une femme puissante avec beaucoup de caractère. Elle est féroce comme la panthère à tout moment, elle peut attaquer comme la panthère. A première vue, le public et le lecteur savent qu’elle est différente, et qu’elle veut le montrer à tous, par sa tenue. On sent sa supériorité rien qu'à son physique imposant, elle éblouit le lecteur.
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