Commentaire composé sur La Curée de Zola chapitre 2

Commentaire composé sur La Curée de Zola chapitre 2

Texte

Zola, La Curée (1871), Chapitre 2 : description de Paris

 

Ce jour-là, ils dînèrent au sommet des buttes, dans un restaurant dont les fenêtres s'ouvraient sur Paris, sur cet océan de maisons aux toits bleuâtres, pareils à des flots pressés emplissant l'immense horizon. Leur table était placée devant une des fenêtres. Ce spectacle des toits de Paris égaya Saccard. Au dessert, il fit apporter une bouteille de bourgogne. Il souriait à l'espace, il était d'une galanterie inusitée. Et ses regards, amoureusement, redescendaient toujours sur cette mer vivante et pullulante, d'où sortait la voix profonde des foules. On était à l'automne; la ville, sous le grand ciel pâle, s'alanguissait, d'un gris doux et tendre, piqué çà et là de verdures sombres, qui ressemblaient à de larges feuilles de nénuphars nageant sur un lac; le soleil se couchait dans un nuage rouge, et tandis que les fonds s'emplissaient d'une brume légère, une poussière d'or, une rosée d'or tombait sur la rive droite de la ville, du côté de la Madeleine et des Tuileries. C'était comme le coin enchanté d'une cité des Mille et Une Nuits, aux arbres d'émeraude, aux toits de saphir, aux girouettes de rubis. Il vint un moment où le rayon qui glissait entre deux nuages, fut si resplendissant, que les maisons semblèrent flamber et se fondre comme un lingot d'or dans un creuset.

"Oh ! vois, dit Saccard, avec un rire d'enfant, il pleut des pièces de vingt francs dans Paris!"

Angèle se mit à rire à son tour, en accusant ces pièces-là de n'être pas faciles à ramasser. Mais son mari s'était levé, et s'accoudant sur la rampe de la fenêtre:

"C'est la colonne Vendôme, n'est-ce pas, qui brille là-bas?... Ici, plus à droite, voilà la Madeleine... Un beau quartier, où il y a beaucoup à faire... Ah! cette fois tout va brûler ! Vois-tu?... On dirait que le quartier bout dans l'alambic de quelque chimiste".

 

Emile Zola, La Curée, extrait du chapitre 2. (1871)


Commentaire composé

Comment Zola fait-il une description de son personnage à travers le regard qu’il pose sur la ville ?

 

I) La description de la ville

a) Une description naturaliste

L’auteur dépeint Paris avec une minutie caractéristique du naturalisme, révélant une ville immense et vivante. En utilisant une métaphore maritime, il écrit : “Ce jour-là, ils dînèrent au sommet des buttes, dans un restaurant dont les fenêtres s'ouvraient sur Paris, sur cet océan de maisons aux toits bleuâtres, pareils à des flots pressés emplissant l'immense horizon.” Cette comparaison de la ville à un océan souligne non seulement l'étendue de Paris mais aussi sa dynamique presque fluide. De plus, la description détaillée de l’automne révèle la richesse visuelle de la ville : “On était à l'automne; la ville, sous le grand ciel pâle, s'alanguissait, d'un gris doux et tendre, piqué çà et là de verdures sombres, qui ressemblaient à de larges feuilles de nénuphars nageant sur un lac; le soleil se couchait dans un nuage rouge, et tandis que les fonds s'emplissaient d'une brume légère, une poussière d'or, une rosée d'or tombait sur la rive droite de la ville, du côté de la Madeleine et des Tuileries.” L’utilisation de longues phrases parsemées de virgules donne une impression de vastitude et de continuité, caractéristiques d’une description naturaliste très détaillée. Cette méthode s'étend également à des descriptions géographiques précises, comme le montre la phrase : “C'est la colonne Vendôme, n'est-ce pas, qui brille là-bas?... Ici, plus à droite, voilà la Madeleine...”.

b) La richesse de la ville

La richesse de Paris est mise en avant par des métaphores précieuses. Le narrateur évoque une “poussière d'or, une rosée d'or” qui tombe sur la ville, notamment sur la rive droite, soulignant ainsi l'opulence et la splendeur des lieux. De plus, cette richesse est intensifiée par des comparaisons enchanteuses : “C'était comme le coin enchanté d'une cité des Mille et Une Nuits, aux arbres d'émeraude, aux toits de saphir, aux girouettes de rubis.” Ici, la ville est décrite comme un trésor inestimable, regorgeant de pierres précieuses. L'éclat et la brillance sont également évoqués à travers des termes lumineux : “C'est la colonne Vendôme, n'est-ce pas, qui brille là-bas?” Le champ lexical de la lumière renforce l’idée d’une ville éclatante et prospère.

II) Le point de vue de Saccard

a) Le caractère de Saccard

Saccard s'émerveille devant le spectacle de Paris, exprimant une fascination presque enfantine. La description “Ce spectacle des toits de Paris égaya Saccard” illustre cette joie pure et naïve. Son émerveillement est encore accentué par des termes romantiques et sensuels : “Il souriait à l'espace, il était d'une galanterie inusitée. Et ses regards, amoureusement, redescendaient toujours sur cette mer vivante et pullulante, d'où sortait la voix profonde des foules.” L’auteur utilise une métaphore maritime pour décrire Paris, tandis que le champ lexical de l’amour montre une relation sensuelle entre Saccard et la ville. Par ailleurs, la comparaison de Paris à une cité magique des Mille et Une Nuits (“C'était comme le coin enchanté d'une cité des Mille et Une Nuits, aux arbres d'émeraude, aux toits de saphir, aux girouettes de rubis”) accentue le côté rêveur et enchanté de son point de vue. Ce caractère enfantin et émerveillé de Saccard est également visible lorsqu’il s'exclame : “Oh ! vois, dit Saccard, avec un rire d'enfant”.

b) Le point de vue d’un homme d’affaires

Cependant, Saccard n’est pas seulement un rêveur; il possède également une vision pragmatique et matérialiste. Lorsqu'il contemple le coucher de soleil, il y voit une symbolique de richesse : “Il vint un moment où le rayon qui glissait entre deux nuages, fut si resplendissant, que les maisons semblèrent flamber et se fondre comme un lingot d'or dans un creuset.” Cette image illustre son obsession pour l’or et la richesse. Son regard d’homme d’affaires est encore plus explicite lorsqu’il déclare : “il pleut des pièces de vingt francs dans Paris!”. Cette perspective pragmatique est également reflétée dans son observation sur le potentiel économique de certains quartiers : “Un beau quartier, où il y a beaucoup à faire…”. Enfin, son désir de transformer la ville en richesse est comparé à l’alchimie : “On dirait que le quartier bout dans l'alambic de quelque chimiste.” Saccard est ainsi représenté comme un alchimiste moderne, cherchant à transformer tout ce qu’il voit en or.

 

En conclusion, le narrateur nous offre une vision complexe et détaillée de Paris à travers les yeux de ses personnages. La ville est dépeinte avec une richesse naturaliste et une métaphore maritime, tout en étant teintée d’une fascination enfantine et d’une ambition dévorante.


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Commentaires: 3
  • #1

    eliot adorna (lundi, 04 avril 2022 17:32)

    merci pour le commentaire

  • #2

    Sanae (lundi, 09 janvier 2023 10:54)

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  • #3

    Abdo (mercredi, 18 janvier 2023 09:09)

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