Commentaire composé sur Baudelaire, Un hémisphère dans une chevelure
Introduction :
“Un hémisphère dans une chevelure” est un poème en prose extrait du recueil Le Spleen de Paris publié à titre posthume en 1869 et rédigé par Charles Baudelaire. Charles Baudelaire (1821-1867) est un critique d’art et un poète tourné vers la modernité. Il a vu, en 1857, son oeuvre majeure Les fleurs du mal être censurée pour cause d’atteinte à la morale publique. Le poème en prose étudié est la réecriture du poème en vers “La chevelure” inspiré par Jeanne Duval, amante du poète qu’il surnomme “la Vénus noire”. Ce poème est un hommage à la femme aimée dont la chevelure fait naître un monde imaginaire et exotique (d’où “hémisphère” dans le titre).
I) Un blason
Dans ce poème, on peut observer la grande utilisation du champ lexical de la chevelure: “cheveux” (l.1-5-7-23), “chevelure” (l.11-15-18-19-20), “tresses” (l.22). La chevelure comporte aussi pour le poète un aspect sensuel avec le CL de l’érotisme: “respirer”, “odeur”, “mouchoir odorant”, “air”, “parfum”, “atmosphère parfumée”, “odeurs”, “comme un homme altéré dans l’eau d’une source”, “les agiter avec ma main”, “je sens”, “j’entends”, “musique”, “je vois”, “la peau humaine”, “espace le plus bleu”, “chants”, “j’entrevois”, “ciel immense”, “les gargoulettes raffraichissantes”, ‘caresser”, “bercées par le roulis”, “sucre”, “je m’enivre”, “huile de coco”, “les rivages duvetés”, “je vois resplendir”, “mordre”, “mordille”, “mange”. A la ligne 5, on passe d’une chevelure réelle à une chevelure fantasmée: “Si tu pouvais savoir tout ce que je vois! tout ce que je sens! tout ce que j'entends dans tes cheveux ! Mon âme voyage sur le parfum comme l'âme des autres hommes sur la musique”
II) Le voyage
Le champ lexical de la rêverie est présent avec “mon âme voyage”, “rêve”, “j’entrevois”, “il me semble” et “je m’enivre”. Le champ lexical de la rêverie évoque le désir de quitter l’endroit présent pour s’évader imaginairement vers des ailleurs. On sait que Baudelaire voyage grâce à “voilures” et “matures” à la ligne 7, “grandes mers” et “moussons” à la ligne 8, “l’espace est plus bleu et plus profond” à la ligne 9, “l’océan de ta chevelure” et “port” à la ligne 11, “navires” aux lignes 12 et 16, “port” à la ligne 17, et “les rivages duvetés” à la ligne 21. L’exotisme du voyage nous mène certainement dans l’hémisphère Sud grâce au champ lexical de l’exotisme: “les moussons” (l.8), “de charmants climats” (l.8-9), “l’éternelle chaleur” (l.14), “les gargoulettes” (l.18), “le tabac” (l.19), “l’opium” (l.19), “le sucre” (l.20), “le musc” et “l’huile de coco” (l.22). Tout ceci était très exotique, surtout au XIXème siècle. Ca nous plonge dans un univers ni parisien ni européen. De plus, le titre de ce poème résume bien l’effet produit par la chevelure, qui transporte le poète vers le Sud.
III) La musicalité du poème en prose
Ce poème en prose est constitué de 25 lignes réparties en 7 paragraphes. Dans ce poème, nous pouvons remarquer 2 parallélismes, le premier est présent au début des paragraphes 1 et 7 avec “Laisse-moi respirer” et “Laisse moi mordre”. Le deuxième parallélisme, quant-à-lui, est présent au début des 4ème, 5ème et 6ème paragraphes avec “Dans l’océan de ta chevelure”, “Dans les caresses de ta chevelure” et “Dans l’ardent de ta chevelure”. Ces parallélismes créent un effet d’écho. Nous avons des répétitions au premier paragraphe: “longtemps” à la ligne 1, et “comme” aux lignes 2 et 3. Au deuxième paragraphe, “tout ce que” aux lignes 4 et 5. Au troisième paragraphe, “où” (ligne 9) est répété. Dans le quatrième paragraphe, “toutes” (ligne 12) est répété. Il y a aussi des parallélismes dans ce poème, dans le premier paragraphe aux lignes 2 et 3. Les allitérations sont donnent de la musicalité au poème et apportent de la douceur, il y a des allitérations en [m] aux lignes 5 et 6 ainsi qu’aux lignes 8 et 9; il y a aussi une allitération en [r] aux lignes 16 et 17, et en [p]. On peut remarquer que le premier et le dernier paragraphe font l’effet d’une boucle.
Conclusion:
L’étude de ce poème nous a permis de voir que la chevelure est un support à la rêverie du poète, elle le porte à la rêverie, tout en rendant hommage à la femme aimée à travers le blason. Ce poème est typiquement Baudelairien avec les références aux rêves, à l’exotisme, et à la sensualité. Ce poème n’est pas sans rappeler “L’invitation au voyage” de Baudelaire, qui évoque lui aussi l’exotisme, la sensualité, ainsi que la femme aimée. Mais on peut aussi le rapprocher du poème de Paul Eluard intitulé “La courbe de tes yeux”, lui aussi un blason, dans lequel Paul Eluard utilise les vers libres pour évoquer les yeux de Gala, faisant ainsi l’éloge de la femme aimée à travers un voyage cosmique.
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