Commentaire composé du poème Plainte de Charles Cros
On remarque que le poète oppose le paysage urbain et le paysage naturel. Le poète rejette la ville, c’est pour lui un lieu de perdition (“Vrai sauvage égaré dans la ville de pierre”). Il la compare à un minéral inerte (“ville de pierre”), comme si la ville était quelque chose de mort et contre la nature. Le poète vit du soleil et non de la lumière faite par le gaz, qui est une lumière artificielle qui le fait mourir (“À la clarté du gaz, je végète et je meurs.”). Le passage romantique “Je rêve de passer ma vie en quelque coin Sous les bois verts ou sur les monts aromatiques” montre que la nature est le refuge du poète, c’est le lieu où il se cache et où il se sent bien. Il il veut partir le plus loin possible ( “En Orient, ou bien près du pôle, très loin”), le poète recherche l’éloignement, et suit la mode du XIXème siècle de vouloir partir en Orient. Charles Cros veut s’éloigner de la foule et du monde citadin qui est trop politique et mercantile pour lui (“Loin des journaux, de la cohue et des boutiques”). Il dans ses pensées proche de Baudelaire : il partage les mêmes idées que lui sur la société dans laquelle il vit.
Le poète fait aussi une opposition entre lui même et sa bien aimée. Tout d’abord, comme nous le montre le vers 3 (“Mais vous vous y plaisez, et vos regards charmeurs”), Charles Cros s’adresse à la femme qu’il aime, même si aller en ville pour la voir le fait souffrir (“M'attirent à la mort”). L’allitération en [r] (“vrai”, “égaré”, “pierre”, “clarté”, “meurs”, “regards”, “charmeurs”, “M'attirent”, “mort”, “parisienne fière”, “rêve”, “verts”, “aromatiques”, “Orient”, “rochers, “mourrais”, “brûlés”, “en clair peignoir ruché”, “verdure”) témoigne de sa difficulté d’être auprès d’elle. De plus, fière vient du latin fiera qui signifie la bête féroce (“parisienne fière”), le poète accentue le fait que la ville le dérange. En réalité, sa bien-aimée est son contraire : “Mais vous aimez la foule et les éclats de voix”. En effet, elle préfère la vie parisienne, l’agitation et le bruit alors qu’il préfère la campagne, le calme et l’isolement. Cette femme vit de nuit, à la lumière artificielle des lampadaires
(“Le bal de l'Opéra, le gaz”) alors qu’il vit que de jour, à la lumière naturelle du soleil. Le poète est un romantique, pour lui la ville signifie la mort, il se force à changer pour elle mais cela le déchire et il se perd lui-même (“Moi, j’oublie, à vous voir, les rochers et les bois, Je me tue à vouloir me civiliser l’âme.”). On comprend que même si il aime cette femme, ils ont des caractères tellement opposés, que la voir lui fait du mal.
On remarque aussi l'expression d'une fatalité tragique. En effet, si le poète ennuie cette femme, elle va forcément le quitter, (“Je vous ennuie à vous le dire si souvent”), c’est évident qu’elle le l’abandonne si ils ne partagent pas les mêmes centres d'intérêts. Par ailleurs, le poète fait référence au mythe d’Icare, qui est mort en s’approchant trop près du soleil : “Je mourrai, papillon brûlé, si cela dure..”. De plus, de nombreuses fois, le poète fait référence à la mort, qui est inéluctable : si il continue de la voir, il ne survivra pas (“M'attirent à la mort”, “Je me tue”, “je mourrai”). En réalité, cette plainte est son dernier espoir, sa dernière possibilité de faire revenir sa bien-aimée et de la garder auprès de lui pour lui éviter de mourir : il est face à un dilemme cornélien, il a le choix d’abandonner sa bien-aimée en restant dans la nature ou de la suivre mais de devoir faire face à la vie parisienne .
Malgré tout, Charles Cros arrive à mettre une touche d’humour dans son poème. Premièrement, il fait un jeu de mots entre végétal et végéter (“je végète”) : les végétaux ont normalement besoin de lumière, mais celle ci est pour le poète mauvaise car elle est artificielle et le dérange. Le poète se transforme en “plante verte” au sens où il ne peut plus avancer, il reste figé. Deuxièmement, il dit que sa bien-aimée aime la publicité (“et la réclame”), ce qui sous-entend qu’elle aime faire les magasins, et qu’elle est donc une véritable citadine. Enfin, le poète essaye une dernière fois de l’attirer dans son monde, il la flatte et lui dit que en pleine nature, habillée et coiffée de façon naturelle, elle serait encore plus belle : “Vous feriez bien pourtant, vos cheveux noirs au vent, En clair peignoir ruché, sur un fond de verdure!”.
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