Commentaire composé sur la fable de La Fontaine Le rat qui s'est retiré du monde
I) L’art du conteur
1. La structure du conte
La situation initiale (vers 1 à 12) montre un rat qui va en hollande pour vivre dans un fromage ce qui le rend “gros et gras”. Les péripéties (vers 13 à 299) montrent des rats qui vont demander secours au rat reclus, celui-ci va refuser en expliquant qu’il ne sera d’aucune utilité, alors qu’il pourrait très bien leur donner du fromage. La situation finale (vers 30 à 35) contient la morale implicite qui dénonce certains faits par le biais de l’ironie.
“Ayant parlé de cette sorte Le nouveau Saint ferma sa porte.” Cette citation est le début de la morale qui est une critique violente du clergé, dénonçant le fait que le clergé détient toutes les richesses mais ne donne rien au peuple qui meurt de faim. Cependant ils pensent toujours être des saints, c’est-à-dire être parfaits aux yeux de Dieu.
“Qui désignai-je, à votre avis, Par ce Rat si peu secourable ? Un Moine ? Non, mais un Dervis : Je suppose qu'un Moine est toujours charitable.” Ici La Fontaine continue à insister sur le fait que les moines et le clergé sont parfois des imposteurs tout en se protégeant de la censure en situant son texte en orient.
2. La gaieté
On remarque une hétérométrie. Les alexandrins portent les idées qui concernent la religion, la demande de secours et le refus de la charité : "S'en vinrent demander quelque aumône légère”. Ils alternent avec des octosyllabes qui montrent un monde dangereux détruit par l’égoïsme et la guerre : “Ratopolis était bloquée”. Cette variété amène du rythme et de la gaîté dans cette fable au sujet politique très sérieux. “Il fit tant de pieds et de dents” : Ici La Fontaine transforme une expression populaire: “ faire des pieds et des mains" pour adapter la situation à ses personnages qui sont des rats pour faire sourire le lecteur.
“Mes amis, dit le Solitaire” Cette citation introduit l’ermite dans le dialogue pour le rendre plus vivant.
“Par ce Rat si peu secourable ? Un Moine ? Non, mais un Dervis :” Le Fabuliste captive son lecteur en employant de nombreuses questions rhétoriques tout au long de la fable ce qui accentue la vivacité de la Fable.
II) La critique du clergé
1. L’avarice
“S'en vinrent demander quelque aumône légère :” Ici des rats viennent demander secours au rat ermite. Ils savent d’avance qu’il est avare d'où” l'aumône légère”. Cette citation introduit l’avarice du rat ermite.
“Ils demandaient fort peu, certains que le secours Serait prêt dans quatre ou cinq jours.” Ce passage souligne de nouveau l’avarice de l’ermite qui n’est toujours pas dans la scène mais dont l’avarice se fait déjà pressentir.
“Ayant parlé de cette sorte Le nouveau Saint ferma sa porte.” Au lieu d’ouvrir sa porte pour les aider comme un bon chrétien l’aurait fait, celui-ci la ferme tout en étant désigné comme “nouveau Saint” ce qui est très ironique car il lui manque la principale vertu qui est la charité.
2. L’égoïsme
“Qu'en peu de jours il eut au fond de l'ermitage Le vivre et le couvert : que faut-il davantage ?” Cette citation est ironique car elle indique que le rat a tout ce qu’il lui faut après avoir tout pris pour lui seul.
“Il devint gros et gras ; Dieu prodigue ses biens A ceux qui font voeu d'être siens.” Ce passage est de nouveau ironique car ce n’est pas parce qu’il est béni qu’il doit tout garder pour lui. Au contraire, il devrait de lui-même aller vers les autres, et à fortiori en temps de guerre au lieu de retrancher chez lui avec toute sa nourriture. La gloutonnerie est un péché capital (ce qui signifie que par cette action l’homme se coupe de Dieu) car s’il est “gros et gras” alors que les autres meurent de faim, il participe à leur assassinat. Cette critique est étendue à la noblesse qui, comme le clergé, ne partage pas ses richesses.
“Les choses d'ici-bas ne me regardent plus :” Cette phrase renforce le fait que l’ermite est un imposteur car celui ci est censé consacrer sa vie à aider les autres sans convoiter les richesses et les apparences de ce monde. Ici l’ermite considère les gens et en particulier les pauvres qui demandent la charité, mais aussi la guerre comme des “choses” !
“En quoi peut un pauvre Reclus Vous assister ? que peut-il faire, Que de prier le Ciel qu'il vous aide en ceci ?” Ici l’ermite laisse penser qu’il ne peut pas les aider alors qu’il peut très bien leur donner à manger. Il propose en échange de prier pour eux alors qu’il devrait être dans l’obligation de leur donner un peu de ses biens, surtout qu’il vit dans un fromage. Pour un chrétien, même s’il n’est pas moine, le devoir d’intercession (prier pour quelqu’un) s’ajoute au devoir de charité qui est le seul commandement de Jésus qui a dit à ses disciples avant de les quitter : “Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés” et “Aime ton prochain comme toi-même”. Donc l’ermite devrait loger les rats et leur donner autant de fromage qu’ils sont capables d’en porter.
“J'espère qu'il aura de vous quelque souci.” Ce passage est le point culminant de la non croyance de l’ermite qui “espère” au lieu de “ croire” or l'espérance est le contraire de la foi.
III Un monde dangereux
1. La guerre
“Les Levantins en leur légende Disent qu'un certain Rat las des soins d'ici-bas, Dans un fromage de Hollande Se retira loin du tracas.” Ce passage nous indique le contexte historique de cette fable. Celle-ci se déroule pendant la guerre contre la Hollande. La Fontaine se protège de la censure en étant implicite et en faisant parler des animaux comme à son habitude, et en utilisant le fromage de Hollande pour dénoncer la guerre contre la Hollande.
“Ils allaient en terre étrangère Chercher quelque secours contre le peuple chat ;” Ce passage développe le thème de la guerre de la fable en montrant des rats qui fuient les combats pour leur sécurité.
“Ratopolis était bloquée : On les avait contraints de partir sans argent, Attendu l'état indigent De la République attaquée.” Cette phrase nous explique la manière de laquelle ils sont partis, en décrivant les ravages de la guerre, leur ville est assiégée, les habitants sans argent, meurent de faim. Ici La Fontaine nous fait remarquer que c’est une république qui est attaquée, et comme il vit dans une monarchie absolue, il sait bien qu’une république sera toujours être attaquée dans un monde où la monarchie règne. Avec cette remarque il s’attaque a toute les monarchies du monde, c’est pourquoi La Fontaine utilise des souris dans sa fable pour se protéger de la censure.
2. La solitude et l’isolement
“Les Levantins en leur légende Disent qu'un certain Rat las des soins d'ici-bas, Dans un fromage de Hollande Se retira loin du tracas.” Cette citation nous indique que dans le monde dangereux dans lequel il vit il est important de se cacher pour assurer sa sûreté.
“La solitude était profonde, S'étendant partout à la ronde.” La Fontaine introduit une réflexion sur la condition humaine dans sa fable en expliquant que l'homme est toujours seul car la nature humaine est violente et égoïste. C’est un message pessimiste que La Fontaine nous délivre ici. Il justifie que l’ermite ait choisi de fuir le monde, “Notre ermite nouveau subsistait là-dedans”, comme s’il n’y avait que deux solutions : être rejeté ou fuir avant que d’être rejeté.
“Mes amis, dit le Solitaire” : La Fontaine met dans bouche de l’ermite les paroles de Jésus-Christ lorsqu’il dit à ses disciples “Je vous appelle amis, non plus serviteurs mais amis, parce que vous connaissez mes projets”. Or les projets de l’ermite sont de se retirer complètement du monde. La Fontaine est donc ici ironique puisque lorsque Jésus-Christ annonce à ses disciples qu’il va quitter se monde, il ajoute :”Ne soyez pas triste car je vous envoie le Consolateur”, c’est-à-dire que Jésus envoie à ses disciples le Saint-Esprit pour les aider chaque jour de leur vie puisqu’il leur avait dit précédemment “Si vous demeurez en mon amour je demeurerai toujours en vous”. Or dans cette fable l’ermite se contente de se retirer du monde mais il ne donne rien en échange contrairement à Jésus qui part pour donner à ses disciples encore plus. L’ermite est plus qu’un mauvais chrétien, il est un imposteur car en tant que moine il devrait vivre à l’image de Jésus mais il fait tout le contraire. Cela démontre que pour La Fontaine l’homme est seul et ne peut compter sur personne. Il peut seulement compter sur Dieu à condition d’avoir la vraie foi ce qui n’est pas le cas dans cette fable, comme l’annonçait déjà le passage ironique: “Dieu prodigue ses biens A ceux qui font voeu d'être siens.”
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