Commentaire composé sur la résurrection du Colonel Chabert
De «Le peu d’air que je respirais était méphitique» à «En ce moment, je m’aperçus que j’avais la tête ouverte.»
I. La renaissance de Chabert
La résurrection du Colonel Chabert, telle que décrite par Balzac, s'apparente à une descente aux enfers suivie d'un miracle.
1. La descente aux enfers
Chabert traverse une expérience cauchemardesque, comparable à une véritable descente aux enfers. Dès le début, l’absence d’oxygène, comme l’illustre la citation "Le peu d’air que je respirais était méphitique", suggère un environnement mortuaire. Cette impression est renforcée par "La rareté de l’air fut l’accident le plus menaçant, et qui m’éclaira le plus vivement sur ma position", ce qui indique sa conscience aiguë de l’imminence de la mort. La recherche de lumière, symbolisant Dieu, se révèle vaine : "En ouvrant les yeux, je ne vis rien", soulignant l’abandon divin ressenti par Chabert. Conscient de sa situation désespérée, il déclare : "Je compris que là où j’étais, l’air ne se renouvelait point, et que j’allais mourir". La scène horrifique est amplifiée par la présence de nombreux cadavres, "des gémissements poussés par le monde de cadavres au milieu duquel je gisais", et le silence mortel : "un silence que je n’ai jamais retrouvé nulle part, le vrai silence du tombeau". Cette atmosphère de mort et d'horreur est accentuée par le champ lexical de l'horreur utilisé par Chabert, avec des expressions telles que "en tâtant les morts" et "fumier humain".
2. Le miracle
Chabert décrit sa survie comme un véritable miracle. La découverte d'un espace vital au milieu des cadavres, "Enfin, en levant les mains, en tâtant les morts, je reconnus un vide entre ma tête et le fumier humain supérieur", représente une intervention divine. Il souligne l’aspect inespéré et miraculeux de cette découverte : "Je pus donc mesurer l’espace qui m’avait été laissé par un hasard dont la cause m’était inconnue". Utilisant un vocabulaire religieux, Chabert parle de "grâce" et de "salut", soulignant l’idée d’une intervention divine. La rencontre d’un bras robuste, "un bras d’un Hercule", apparaît surnaturelle et providentiel, lui permettant de survivre. Il insiste sur l’aide divine en affirmant : "Sans ce secours inespéré, je périssais !". Enfin, il exprime son incompréhension devant sa propre survie : "Mais je ne sais pas aujourd’hui comment j’ai pu parvenir à percer la couverture de chair qui mettait une barrière entre la vie et moi", renforçant l’idée d’une force surnaturelle ayant permis sa résurrection.
II. La description de ses émotions
Balzac dépeint avec minutie les émotions du Colonel Chabert, partagées entre souvenirs confus et sollicitations sensorielles, teintées d'une ironie tragique.
1. Des souvenirs confus
Chabert décrit ses souvenirs de manière hésitante et fragmentée, ce qui renforce l’authenticité de son récit. Il déclare : "J’entendis, ou crus entendre, je ne veux rien affirmer", montrant son incertitude. La confusion de ses souvenirs est évidente : "Quoique la mémoire de ces moments soit bien ténébreuse, quoique mes souvenirs soient bien confus". Il explique que les souffrances éprouvées ont brouillé ses idées : "malgré les impressions de souffrances encore plus profondes que je devais éprouver et qui ont brouillé mes idées, il y a des nuits où je crois encore entendre ces soupirs étouffés !". Cette confession de Chabert montre combien cette expérience l’a marqué et continue de le hanter.
2. La sollicitation des sens
Les sens de Chabert sont intensément sollicités durant cette épreuve. L’air qu’il respire est "méphitique", évoquant l’odeur de la mort. Lorsqu’il tente de bouger, il est compressé : "Je voulus me mouvoir, et ne trouvai point d’espace". Sa vue est inutile, "En ouvrant les yeux, je ne vis rien", ce qui amplifie sa perception des autres sens. La douleur qu’il ressent est telle qu’elle l’éveille : "Cette pensée m’ôta le sentiment de la douleur inexprimable par laquelle j’avais été réveillé". Ses oreilles subissent des tintements violents : "Mes oreilles tintèrent violemment", montrant à quel point ses sens sont exacerbés.
3. L’ironie de Chabert
Chabert utilise l'ironie pour prendre du recul face à l’horreur de sa situation. Il compare les corps à des cartes à jouer, "Il paraît, grâce à l’insouciance ou à la précipitation avec laquelle on nous avait jetés pêle-mêle, que deux morts s’étaient croisés au-dessus de moi de manière à décrire un angle semblable à celui de deux cartes mises l’une contre l’autre par un enfant qui pose les fondements d’un château". De plus, il fait preuve d'humour noir en parlant de ses "trois bras", s'appropriant le bras du cadavre comme un outil : "Ce levier, dont je me servais avec habileté". Cette ironie tragique permet à Chabert de se distancer de l’horreur de son expérience et de la relater avec un certain détachement.
En conclusion, la résurrection du Colonel Chabert, décrite par Balzac, est une métaphore puissante de la lutte pour la survie et de la force de la volonté humaine face à la mort et à la désespérance. Le récit de Chabert, empreint de souffrance, de miracle et d'ironie, illustre le génie de Balzac pour capturer la complexité des émotions humaines et la brutalité de la réalité.
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