Le Rouge et le noir de Stendhal, La conquête de Mathilde, Livre II, chapitre 19 De « Plusieurs fois l'idée du suicide s'offrit à lui» à «Qui pourra décrire l'excès du bonheur de Julien ? celui de Mathilde fut presque égal.»
Lecture analytique
1er mouvement : Julien, un personnage romantique qui pense trop
→ “Plusieurs fois l’idée du suicide s’offrit à lui” : image du personnage romantique qui met en avant le dramatisme du personnage.
→ “cette image était pleine de charmes, c’était comme un repos délicieux ; c’était le verre d’eau glacée offert au misérable qui, dans le désert, meurt de soif et de chaleur.” : comparaison dramatique. Julien dramatise les choses, car comme il est un personnage romantique, il est plus en contact avec ses émotions.
→ “Ma mort augmentera le mépris qu’elle a pour moi ! s’écria-t-il. Quel souvenir je laisserai !” : il est contre cette idée pour Mathilde.
→ “Tombé dans ce dernier abîme du malheur, un être humain n’a de ressources que le courage.” : premièrement, l’auteur nous présente le mal-être de Julien et, puis, il nous dresse un parallélisme entre ce jour-là et la conquête de Mme. de Rênal, où il manquait de courage.
→ “Julien n’eut pas assez de génie pour se dire : Il faut oser ; mais comme il regardait la fenêtre de la chambre de Mathilde, il vit à travers les persiennes qu’elle éteignait sa lumière : il se figurait cette chambre charmante qu’il avait vue, hélas ! une fois en sa vie. Son imagination n’allait pas plus loin.” : “Julien n’eut pas assez de génie pour se dire” et “Son imagination n’allait pas plus loin.” ironique. l’auteur se moque de Julien. De plus, on revoit le caractère peu lâche de Julien avec “il faut oser" et “Julien n’eut pas assez de génie pour se dire”
2eme mouvement : Julien passe à l’action
→ “Une heure sonna” : parallélisme entre la conquête de Mathilde et la conquête de Mme. de Rênal.
→ “Ce fut l’éclair du génie” : l’auteur se moque de l'orgueil de Julien qui s’imagine avoir eu une idée de génie.
→ “Puis-je être plus malheureux !” : il se plaint de sa situation, même si elle n’est pas si dramatique. Ce qui nous montre de nouveau sa facette romantique.
→ “Julien, animé dans ce moment d’une force surhumaine” : il décrit les choses …,
→ “la plaça contre la fenêtre de Mathilde.” : nous renvoie à la conquête de Mme de Rênal quand il lui a pris la main pour la première fois.
3eme mouvement : Julien réfléchit à un moment inapproprié
→ “Elle va se fâcher, m’accabler de mépris, qu’importe ?” : on a l’impression qu’il pause ses mouvements pour penser, pour s'apitoyer une autre fois.
→ “Je lui donne un baiser, un dernier baiser, je monte chez moi et je me tue…… ; mes lèvres toucheront sa joue avant que de mourir !” : nous voyons comme un baiser est la chose la plus importante pour lui dans ce moment, et qu’après il serait prêt à mourir content. Il donne aux choses une importance démesurée.
discours indirect libre
4eme mouvement : Un héros ridicule
→ “Il volait en montant l’échelle” : “volait” renforce l’idée qu’il voit les choses “déformés”, du point de vue où il semble avoir un petit monde où tout se qu’il fait le rend héroïque.
→ “elle veut ouvrir la persienne, l’échelle s’y oppose” : cela rend Julien ridicule, puisqu'il a mis l’échelle contre la fenêtre. Même s’il fait quelque chose de courageux, il ne la fait pas bien.
→ “au risque de se précipiter mille fois” : “mille fois” nous renvoie au fait qu’il déforme les situations et il dramatise tout.
→ “Il se jette dans la chambre plus mort que vif :” la petite illumination de courage qu’il avait s’est épuisé, on a l’impression qu’il est redevenu un petit enfant.
5eme mouvement : intervention amusée du narrateur
→ “Qui pourra décrire l’excès du bonheur de Julien ? Celui de Mathilde fut presque égal.” : intimité du narrateur et julien : il se moque, mais toujours avec tendresse. “Qui pourra décrire l’excès du bonheur de Julien ?” question rhétorique et “Celui de Mathilde fut presque égal.” nous montre que Mathilde est son double féminin.
Commentaire composé
I) L’intimité entre le narrateur et son personnage
– «Ma mort augmentera le mépris qu'elle a pour moi ! s'écria-t-il. Quel souvenir je laisserai !»: Cette phrase nous montre l'intimité entre le narrateur et son personnage car le narrateur rentre dans les pensées du héros.
– «Puis-je être plus malheureux !» se disait-il.: Le narrateur omniscient assiste à l’évolution des pensées de Julien qui se morfond sans véritable raison.
– «Elle va se fâcher, m'accabler de mépris, qu'importe ? Je lui donne un baiser, un dernier baiser, je monte chez moi et je me tue...; mes lèvres toucheront sa joue avant que de mourir !»: Dans ce passage le narrateur nous montre que Julien est très sentimental et très romanesque. Le narrateur retranscrit les pensées du personnage sans transition.
“Qui pourra décrire l'excès du bonheur de Julien ? celui de Mathilde fut presque égal.”: Ceci montre que le narrateur est dans les pensées des deux personnages car il pose une question rhétorique, dont il sait déjà comment se sentent les deux personnages.
II) La dramatisation du récit
“Plusieurs fois l'idée du suicide s'offrit à lui, cette image était pleine de charmes, c'était comme un repos délicieux, c'était le verre d'eau glacée offert au misérable qui, dans le désert, meurt de soif et de chaleur.” : Cette phrase nous montre la dramatisation du récit car il compare le suicide avec un repos délicieux, ou comme un verre d’eau, ce qui semble très dramatique. Cette pensée de Julien est très exagérée par rapport à la situation qu’il est en train de vivre puisque le motif qui causerait sa mort est un simple refus de recevoir un baiser sur la joue. C’est une parodie de la scène du balcon dans Roméo et Juliette de Shakespeare.
–"«Puis-je être plus malheureux !» se disait-il.": Julien exagère la situation, car il pourrait vivre des malheurs plus grands que de ne pas donner un baiser sur la joue de Mathilde.
“Il courut à l'échelle, le jardinier l'avait enchaînée. A l'aide du chien d'un de ses petits pistolets, qu'il brisa, Julien animé dans ce moment d'une force surhumaine, tordit un des chaînons de la chaîne qui retenait l'échelle ; il en fut maître en peu de minutes, et la plaça contre la fenêtre de Mathilde.”: Le narrateur dramatise la situation en enchaînant une succession d’actions rapides et en montrant que Julien est confronté à des difficultés qu’il doit résoudre en se montrant “héroïque”.
“elle veut ouvrir la persienne, l'échelle s'y oppose : Julien se cramponne au crochet de fer destiné à tenir la persienne ouverte, et, au risque de se précipiter mille fois, donne une violente secousse à l'échelle et la déplace un peu. Mathilde peut ouvrir la persienne.” : La dramatisation du récit est présente dans cette phrase car un simple devoir semble être très dur pour Julien. Le narrateur utilise des mots comme “cramponne” et “violente” ce qui nous donne l’impression que Julien fait quelque chose de très difficile. Mais aussi, cela montre que Julien est très maladroit et impulsif car si Mathilde ouvre les volets, elle fait tomber l'échelle, donc Julien n’a pas du tout réfléchi à ce qu’il a fait. La rapidité des actions est soulignée par le passage au présent de l’indicatif.
“C'est donc toi ! dit-elle en se précipitant dans ses bras.” : Le narrateur dramatise ironiquement la situation en faisant en sorte que Mathilde est supérieure à Julien et qu’elle a plus de force que lui.
III) La distance critique du narrateur par rapport à son personnage
Julien est présenté comme un personnage très orgueilleux qui se soucie plus de sa réputation que de son amour pour lequel il dit pourtant risquer sa vie : “Quel souvenir je laisserai !”.
Julien est un personnage calculateur puisqu’il passe son temps à imaginer ce que Mathilde pense et comment il pourrait la manipuler : “Ma mort augmentera le mépris qu'elle a pour moi !”
“Tombé dans ce dernier abîme du malheur, un être humain n'a de ressource que le courage.”: Ce passage nous montre la critique du narrateur par rapport à son personnage car il fait un commentaire qui ridiculise son héros, mais cela montre aussi que le narrateur est omniscient.
Julien n'eut pas assez de génie pour se dire : – «Il faut oser» : Encore une fois le narrateur ridiculise son personnage, ici il critique le fait que son héros n’a pas de courage, et pas d’intelligence non plus. D’ailleurs, Julien est également dépourvu d’imagination : “il se figurait cette chambre charmante qu'il avait vue, hélas ! une fois en sa vie. Son imagination n'allait pas plus loin.”, la déception du narrateur à l’égard du héros est soulignée par “hélas !”.
“Ce fut l'éclair du génie” : Le narrateur critique encore une fois l'intelligence de son personnage car il ne faut pas grand chose pour prendre une échelle pour grimper à la fenêtre de quelqu'un.
“Julien animé dans ce moment d'une force surhumaine” : Le narrateur ridiculise son personnage présenté comme un héros de pacotille tout juste capable de détacher une échelle : “il en fut maître en peu de minutes”.
Le narrateur nous transmet son affection pour son héros tout en s’amusant de sa maladresse : “Il se jette dans la chambre plus mort que vif” : Le narrateur se moque de la fragilité de Julien, épuisé après avoir réussi à entrer dans la chambre de Mathilde.
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