Les caprices de Marianne de Musset, acte II scène 1, lecture analytique
Analyse
Cette scène est une véritable joute verbale, dans laquelle les personnages expriment leurs arguments à travers des métaphores (« ce lait merveilleux […] l’indifférence »). Octave ouvre la discussion sur un mensonge pour provoquer Marianne : « Le coeur de Coelio est à une autre ». Au début de la dispute, Marianne répond par des arguments de mauvaise foi : « Quel dommage ! […] Moi qui allais l’aimer », elle va jusqu’à jurer (« sur mon âme ») alors qu’elle se prétend dévote. Octave reproche à Marianne son indifférence et la compare à une statue en inversant le mythe de Pygmalion et Galatée, « d’une nouvelle espèce ».
Marianne, piquée au vif, se lance dans un plaidoyer pour défendre la condition des femmes, ce qui nous révèle le féminisme de Musset. Marianne dénigre l’amour que lui porte Coelio (« ou qu’il croit m’aimer ») et n’accepte pas qu’on lui impose un amant. Il est décrété par le sort […] que, sous peine de mort, je serai sa maîtresse ». Sous couvert d’humour (« sous peine de mort ») Marianne condamne les relations forcées imposées aux femmes. Ensuite Marianne utilise des questions rhétoriques pour interpeller Octave (et le spectateur) et le faire réfléchir d’un autre point de vue : « que dira-t-on de moi ? » Marianne souligne la fragilité de la réputation d’une femme : « Ne va-t-on pas la déchirer à belles dents, la montrer du doigt, et faire de son nom une chanson à boire ? » Marianne refuse d’accorder du crédit à l’argument d’Octave sur la souffrance d’un amant éconduit et trouve inconvenant qu’un homme s’accorde le droit d’importuner une femme dans la rue : « qui ose l’arrêter en place publique ». Marianne ne croit pas à l’amour romantique : « Tout cela n’est-il pas qu’un rêve ? » Marianne est consciente que pour les hommes, une femme est avant tout « une partie de plaisir » (métaphore de la coupe). C’est pourquoi elle clos la conversation en regrettant que les hommes ne soient pas capables de laisser les femmes vivre leur vie tranquillement sans essayer de se les approprier : « et qui la laisserait passer ». Le véritable amour c’est d’aimer la liberté de l’autre.
Marianne commence par comparer métaphoriquement les femmes au vin pour attirer l’attention d’Octave car la séduction et la boisson sont ses deux principales préoccupations selon elle : « Une femme n’est-elle pas aussi un vase précieux scellé comme ce flacon de cristal ? ». Ici Marianne évoque à la fois la virginité et l’âme de la femme à laquelle il est difficile d’accéder car elle ne se laisse ni séduire ni comprendre par les hommes. Marianne distingue les femmes du peuples des femmes de la noblesse : « Ne renferme-t-elle pas une ivresse grossière ou divine, selon sa force et sa valeur ? ». On voit que Marianne est élitiste et qu’elle a un point de vue manichéen car pour elle il n’y a que deux sortes de femmes, les prostituées ou les saintes : « Et n’y a-t-il pas parmi elles le vin du peuple et les larmes du Christ (nom du vin raffiné que préfère Octave) ? ». Marianne reproche à Octave d’être plus sélectif concernant le vin qu’il boit que les femmes qu’il met dans son lit : « vous rougiriez de boire un vin grossier […] mais votre coeur s’enivre à bon marché ». Pour Marianne, Octave se trompe en accordant son attention à des choses qu’elle juge sans valeur, au détriment de ce qui compte vraiment à ses yeux à elle : la dignité, la réputation et la morale.
Octave reprend la métaphore de la bouteille initiée par Marianne pour défendre les femmes du peuple qui « se laissent faire » par manque d’éducation : « Elle n’a reçu […] aucune éducation, elle n’a aucun principe ; voyez comme elle est bonne fille ». Ainsi pour Octave l’éducation donnée aux femmes de la noblesse les coupe de leurs élans amoureux, ce qui est contre nature, par opposition aux femmes du peuple qui elles sont conscientes que l’amour est le but de la vie : « Elle sait qu’elle est bonne à boire et qu’elle est faite pour être bue » (métaphore sexuelle). Octave reproche à Marianne de se retrancher en haut de la tour de son palais : « Dieu n’en n’a pas caché la source au sommet d’un pic inabordable ». Pour Octave l’amour est une chose naturelle qui ne devrait pas être entravée : « toute une cour d’abeilles et de frelons murmure autour d’elle du matin au soir ». Octave voit les prostituées et les filles faciles comme des femmes généreuses et pleines de vie (à travers la métaphore sexuelle : « le voyageur dévoré de soif peut se coucher sous ses rameaux verts »), par opposition aux femmes nobles qui sont perçues comme cruelles : « jamais elle ne l’a laissé languir » (sous-entendu comme Marianne fait languir Coelio qui se meurt d’amour pour elle sans qu’elle daigne lui accorder un regard). Pour Octave la beauté implique de grandes responsabilités (« c’est un don fatal que la beauté ») parce qu’une femme ne devrait jamais faire souffrir un homme : « la sagesse dont elle se vante est soeur de l’avarice, et il y a plus de miséricorde dans le ciel pour ses faiblesses que pour sa cruauté ». Octave reproche à Marianne d’être insensible et égoïste, de se prétendre bonne chrétienne sans être charitable. Il lui rappelle que le seul commandement que nous à donné le Christ est de nous aimer les uns les autres comme Il nous a aimés.
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Lamin (lundi, 22 mai 2023 22:28)
Très bien analysé. Merci
Vladimir (mercredi, 10 avril 2024 17:06)
Analyse très approfondie