Les caprices de Marianne de Musset, acte II scène 6, lecture analytique

Les caprices de Marianne de Musset, acte II scène 6, lecture analytique

Analyse : En quoi cette scène est-elle caractéristique du drame romantique ?

I) Un dialogue aux accents tragiques

 

La scène se passe dans un cimetière, lieu qui crée une atmosphère tragique. Octave évoque le souvenir de Coelio qui, en tant que personnage romantique, était voué à la solitude : « Moi seul au monde je l’ai connu ». Coelio a symboliquement porté son propre deuil toute sa vie, toujours vêtu de noir, même pendant le carnaval : « Cette urne d’albâtre, couverte d’un long voile de deuil, est sa parfaite image ». Son âme était inaccessible comme une urne scellée : « pour moi seul, cette vie silencieuse n’a point été un mystère ». La mort de Coelio a provoqué un déclic chez Octave qui est devenu romantique à son tour. Il s’exprime désormais dans un registre lyrique et parle de façon poétique : « elles ont versé sur mon coeur les seules gouttes de rosée qui y soient jamais tombées ». Octave sent qu’il sera malheureux pour toujours car il a perdu la seule personne qu’il ait jamais aimée, son meilleur ami Coelio. Lorsqu’il le décrit, il donne une définition du romantisme : « C’était un homme d’un autre temps […] et il préférait ses illusions à la réalité ». La phrase : « Elle eût été heureuse, la femme qui l’eût aimé » (alexandrin blanc césuré à l’hémistiche) est un irréel du passé. Cette déclaration adressée à Marianne est tragique puisqu’elle ne peut pas remonter le temps et qu’elle est passée à côté du grand amour. Ce dialogue ne fonctionne pas, il y a incommunicabilité entre les personnages à cause de Marianne qui ne s’intéresse pas aux considérations philosophiques d’Octave au sujet de la mort de Coelio : « Ne serait-elle point heureuse, Octave, la femme qui t’aimerait ? » La réponse d’Octave est un alexandrin blanc : « Je ne sait point aimer ; Coelio seul le savait ». La césure à l’hémistiche souligne le fait que maintenant que Coelio est mort, l’amour n’est plus possible : « La cendre que renferme cette tombe est tout ce que j’ai aimé sur la terre, tout ce que j’aimerai ». On retrouve dans cette scène le topos tragique de la vengeance mais ici elle n’aura pas lieu : « Je ne suis qu’un lâche ; sa mort n’est point vengée » (alexandrin blanc césuré à l’hémistiche). Coelio est mort à la place d’Octave, car c’est à lui que Marianne avait implicitement donné rendez-vous dans le jardin : « Ce tombeau m’appartient ». Octave ne sera plus jamais le même : « C’est moi qu’ils ont tué […] ma place est vide sur la terre ». C’est aussi une fin tragique pour Marianne qui est passée à côté du bonheur d’être aimée à cause de son orgueil : « Je ne vous aime pas, Marianne ; c’était Coelio qui vous aimait ».

 

II) La critique de la société

 

Musset veut montrer dans ce drame romantique que la jeunesse du XIXème siècle ne peut pas être heureuse puisqu’être une femme c’est être privée de liberté, être un libertin c’est se condamner à la solitude au milieu des plaisirs, et être un romantique c’est être toujours malheureux par excès de compassion et de fidélité : «  Lui seul était capable d’un dévouement sans bornes ». Octave donne une définition du libertinage : « Je ne suis qu’un débauché sans coeur ; je n’estime point les femmes ; l’amour que j’inspire est comme celui que je ressens, l’ivresse passagère d’un songe », « ma gaieté est comme le masque d’un histrion ; mon coeur est plus vieux qu’elle, mes sens blasés n’en veulent plus ». Comme le libertin vit tous les plaisirs en excès, il finit par ne plus rien désirer et perd le goût de la vie. Musset critique aussi la justice à travers l’évocation du personnage de Claudio, le juge injuste et assassin : « trop puissant dans cette ville pour rien craindre de vous ».

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