Analyse de Les Fausses confidences de Marivaux acte III, scène 12

Analyse des Fausses confidences de Marivaux Acte scène III, scène 12 : Dorante : « Ah ! Madame, je vais être éloigné de vous... » jusqu’à la fin de la scène 12.

1er mouvement : L’aveu involontaire d’un amour caché : celui d'Araminte

 

Dans cette scène, nous assistons à un moment crucial où Araminte, confrontée à la perspective de perdre Dorante, révèle involontairement ses sentiments. La réplique de Dorante, "Ah ! Madame, je vais être éloigné de vous.", est chargée d'émotion. L'emploi de l'interjection "Ah !" et de l'interpellation "Madame", combiné au verbe "éloigné" au futur proche, traduit une détresse profonde. Araminte, prise dans les filets des conventions sociales, se voit contrainte de renvoyer son intendant, malgré l'amour qu'il lui a déclaré.

 

La phrase de Dorante "Vous serez assez vengée" n'est pas tant une accusation qu'une expression empreinte de romantisme. Il sous-entend que si Araminte ne partage pas ses sentiments, son départ sera une juste réparation pour le trouble causé. Lorsqu'il la supplie de "n'ajouter rien à [sa] douleur", il cherche à éveiller sa compassion, soulignant que la séparation est sa plus grande peine.

 

La proposition d'Araminte de rendre son portrait à Dorante est cruciale. Sa réaction, "Vous donner mon portrait ! songez-vous que ce serait avouer que je vous aime ?", révèle sa prise de conscience. L'exclamation, contenant une proposition infinitive, exprime à la fois sa stupeur et sa réticence. Le ton sentimental et vif de cette scène s'inscrit dans le registre amoureux, marquant un tournant où Araminte, bien qu'aimant en secret, hésite à déclarer ses sentiments.

 

Le spectateur perçoit Araminte comme étant aux abois, déchirée entre son désir de faire plaisir à Dorante et la nécessité de respecter son rang social. La réplique de Dorante, "Que vous m’aimez, madame ! Quelle idée ! qui pourrait se l’imaginer ?", par sa vivacité et sa spontanéité, trahit une sincérité touchante. L'usage du conditionnel dans "qui pourrait se l’imaginer ?" souligne l'invraisemblance de cette hypothèse.

 

L'aveu d'Araminte, "Et voilà pourtant ce qui m’arrive.", est un moment de grande sensibilité. Sans prononcer explicitement le verbe "aimer", elle admet que Dorante a su toucher son cœur. La didascalie "d’un ton vif et naïf" renforce l'authenticité de ses sentiments. Lorsque Dorante se jette à ses genoux en s'écriant "Je me meurs !", il adopte un registre chevaleresque, marquant son respect et son honneur envers son aimée. Le verbe "mourir" ici symbolise un bonheur intense plutôt qu'une fin littérale.

 

Araminte, déclarant "Je ne sais plus où je suis.", est profondément bouleversée, perdant ses repères habituels. Cette surprise amoureuse est typique des pièces de Marivaux, où l'on assiste souvent à l'éclosion inattendue de l'amour. Araminte se découvre amoureuse au même moment où elle l'exprime, offrant au spectateur le plaisir de voir aboutir les stratagèmes amoureux élaborés par Dorante et Dubois.

 

2ème mouvement : La sincérité comme preuve d’amour, l’aveu du stratagème

 

Dans ce deuxième mouvement, Dorante choisit la voie de la vérité et de la transparence, révélant les stratagèmes mis en œuvre pour séduire Araminte. Cette révélation est introduite par sa réplique "Je ne la mérite point, cette joie me transporte, je ne la mérite pas, madame," où la répétition souligne l'intensité de son émotion et sa crainte de perdre Araminte en révélant la vérité.

 

La réplique d'Araminte, "Comment! que voulez-vous dire?", maintient le spectateur en haleine. Alors que le dénouement semblait heureux, Dorante prend le risque de tout remettre en question au nom de l'honnêteté. Il commence par généraliser les faits, affirmant que "il n’y a rien de vrai que ma passion", une tournure restrictive qui met en valeur la sincérité de ses sentiments. En avouant que "Tous les incidents qui sont arrivés" et "que le portrait que j’ai fait" font partie du stratagème, il souligne néanmoins l'authenticité de son amour.

 

Dorante implique Dubois dans son aveu, tout en justifiant son rôle : "Tous les incidents (...) partent de l’industrie d’un domestique (Dubois) qui savait mon amour, qui m’en plaint, qui, par le charme de l’espérance, du plaisir de vous voir, m’a, pour ainsi dire, forcé de consentir à son stratagème ; il voulait me faire valoir auprès de vous." Cette révélation met en lumière la complexité du personnage de Dubois, un valet qui, contrairement à la tradition, œuvre pour le triomphe de l'amour malgré les barrières sociales.

 

Dorante conclut en affirmant "J’aime encore mieux..." qu'il préférerait regretter la tendresse d'Araminte plutôt que de la devoir à un artifice. Cette sincérité est récompensée par la réponse d'Araminte, qui, après un long silence, exprime son admiration pour cette honnêteté : "l’aveu que vous m’en faites vous-même [...] change tout." Elle reconnaît ainsi la valeur de la sincérité de Dorante, affirmant que ses actions, bien que stratégiques, ne sont pas blâmables en raison de son amour véritable.

 

La scène se clôt sur l'interruption par le comte et la mère d'Araminte, mais le spectateur a déjà assisté à un moment décisif : l'aveu sincère de Dorante et l'acceptation d'Araminte, qui témoignent de la force de leur amour et de leur volonté de le défendre face aux obstacles sociaux.

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