Analyse des Caractères de La Bruyère, Des femmes

Analyse des Caractères de La Bruyère, Des femmes

Introduction

 

Dans "Les Caractères", Jean de La Bruyère se penche sur divers aspects de la société de son époque, y compris les comportements et les vices humains. Un des thèmes qu'il aborde est celui des fausses dévotes, des femmes d'un certain âge qui, ayant perdu leur beauté et leur vivacité d'antan, se tournent vers la religion non par véritable ferveur, mais pour retrouver une forme de prestige social. Cette tendance est influencée par des figures telles que Mme de Maintenon, dont la dévotion a marqué la Cour. La Bruyère présente ainsi un vice largement condamné par les auteurs de l'époque : la fausse dévotion. Cette dévotion peut être vue comme une passion extrême pour Dieu, une mode à suivre, ou une « faiblesse » survenant à un certain âge.

 

I. Vie des femmes dans leur jeunesse, quand elles n’étaient pas dévotes

 

Dans leur jeunesse, ces femmes qui deviendront plus tard des fausses dévotes menaient une vie mondaine, rythmée par des activités telles que les jeux, les spectacles, les concerts, et les mascarades, sans oublier les sermons, qui étaient alors un genre littéraire à part entière. Les salons, où chaque dame avait son jour de réception, étaient le théâtre de ces activités. Ces réunions se déroulaient dans des pièces aux noms évocateurs (chambre bleue, salon jaune…), où l'on jouait avec de l'argent, discutait de sujets futiles et méditait sur autrui, le tout dans une atmosphère de plaisir. Cette époque, critiquée par des penseurs comme Pascal pour son incapacité à favoriser la réflexion profonde, était également marquée par le jansénisme, une doctrine prônant une conduite morale stricte, souvent en contradiction avec les mœurs légères de l'époque.

 

II. Vie des femmes dans leur fausse dévotion

 

Devenues fausses dévotes, ces femmes tentent de convaincre leur entourage de leur piété, mais leur comportement est empreint d'hypocrisie. La Bruyère les compare à des morts, soulignant l'inutilité d'une vie passée dans une telle attitude. Leur intelligence est limitée, et leurs rares pensées sont autocentrées et empreintes de médisance envers autrui. Ce comportement trahit une jalousie envers les jeunes femmes coquettes. Ainsi, ces fausses dévotes cherchent à briller dans la dévotion, comme elles le faisaient auparavant dans le monde mondain, qu'elles ont quitté soit par calcul politique, soit par dégoût. La Bruyère utilise un chiasme pour souligner l'opposition entre leur jeunesse insouciante et leur dévotion amère : « Elles se perdaient gaiement par la galanterie, par la bonne chère et par l'oisiveté ; et elles se perdent tristement par la présomption et par l'envie. » Le texte est structuré en deux parties distinctes, avec une introduction et une conclusion succincte.

 

Conclusion

 

La Bruyère dresse d'abord un portrait critique de la société mondaine de son temps, avant de se pencher sur l'excès de la fausse dévotion, qu'il aborde avec dégoût et tristesse. Cette critique s'inscrit dans une dénonciation plus large de l'hypocrisie au XVIIème siècle, un thème également exploré par d'autres auteurs de l'époque, comme dans "Le Misanthrope" de Molière ou "La Princesse de Clèves" de Madame de La Fayette.


Tout d’abord, La Bruyère insinue par son ironie mordante que les femmes ne sont pas sincères : “La dévotion vient à quelques-uns, et surtout aux femmes comme une mode qu'il faut suivre”, elles ne vont à l’église que pour se faire bien voir, leur assiduité n’est pas proportionnelle à leur foi. De plus les femmes ne travaillant pas, ce sont leurs loisirs qui rythment leur semaine : “de jeu, de spectacle, de concert, de mascarade, ou d'un joli sermon”, la gradation de ces activités montre que les femmes considèrent la messe comme un spectacle où il est de bon ton de se montrer pour redorer sa réputation. Or, ce ne devrait être ni un spectacle, ni un loisir. L’ironie de La Bruyère condamne donc l'attitude hypocrite des fausses dévotes. Il critique aussi les précieuses qui discutent de sujets normalement réservés aux hommes. La moquerie dévoile la misogynie de La Bruyère : “le lundi perdre leur argent chez Ismène, le mardi leur temps chez Climène, et le mercredi leur réputation chez Célimène”. Les prénoms aux consonances proches laissent entendre que toutes les femmes sont pareilles et donc interchangeables.L’Opéra est un endroit sérieux, il convient donc moins aux femmes que la comédie puisqu’elles ne pensent qu’à s'amuser et ne semblent pas aptes à s’occuper de sujets importants. Puis suit une critique concernant les habitudes des femmes âgées qui se font plus discrètes pour se refaire une réputation et toutes leurs habitudes basculent alors dans l’excès opposé : “elles outrent l'austérité et la retraite”. Le XVIIème siècle ayant les excès en horreur, le portrait à charge des femmes est d’autant plus acerbe. Son argumentation est soutenue par les nombreuses exagérations : “elles n'ouvrent plus les yeux qui leur sont donnés pour voir ; elles ne mettent plus leurs sens à aucun usage”. L’ironie est également employée pour se moquer de la logorrhée des femmes (le fait de parler tout le temps) : “chose incroyable ! elles parlent peu”. La Bruyère semble parfois complimenter les femmes en disant qu’elles savent penser, mais les qualifie ensuite d'orgueilleuses et de commères : “elles pensent encore, et assez bien d'elles-mêmes, comme assez mal des autres”. Les femmes mûres n’étant plus aussi séduisantes que les jeunes femmes, elles essayent d’être les plus vertueuses. Cet excès de vertu causé par l’orgueil devient alors un défaut : “il y a chez elles une émulation de vertu et de réforme qui tient quelque chose de la jalousie”. Mais la litote : “elles ne haïssent pas de primer dans ce nouveau genre de vie”, insinue que les femmes sont contentes et fières d'être premières quelque part. Enfin La Bruyère présente les femmes comme des manipulatrices qui n’ont pas quitté leur ancien mode de vie par envie mais par calcul. Ainsi, rien n’est honnête dans les actions des femmes : “comme elles faisaient dans celui qu'elles viennent de quitter par politique ou par dégoût”. Il conclut par un parallélisme entre leur jeunesse joyeuse et leur retraite austère : “Elles se perdaient gaiement par la galanterie, par la bonne chère et par l'oisiveté ; et elles se perdent tristement par la présomption et par l'envie.” 

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