Analyse des Caractères de La Bruyère, Nicandre
Jean de La Bruyère, auteur emblématique du XVIIème siècle, s'est illustré par son œuvre majeure, "Les Caractères", publiée entre 1688 et 1696. Dans cet ouvrage, La Bruyère se propose d'analyser et de critiquer les comportements de différents groupes sociaux de son époque, notamment « Des Grands », « De la cour », et « De l’Homme ». Un des aspects centraux de son analyse est la parole mondaine, qu'il utilise comme un outil de satire sociale.
Dans "Les Caractères", La Bruyère présente un portrait qui, loin d'être une description physique, se concentre sur les aspects moraux des personnages, une technique connue sous le nom d'éthopée. Ce portrait est construit à travers des discours rapportés, où Nicandre, le personnage principal, dépend entièrement de l'énonciateur. La structure narrative est complexe, impliquant trois niveaux d'énonciation : l'énonciateur, Nicandre, et ses amis. Nicandre se livre à un autoportrait élogieux, créant ainsi un portrait dans le portrait. La conversation qui en résulte est peu naturelle, presque monologuée, et semble avoir une portée générale plutôt que spécifique.
La chute du texte invite le lecteur à reconsidérer le récit sous un angle critique. La métaphore de la « batterie » qui est « démontée » suggère une stratégie ratée, révélant le jeu de déconstruction opéré par le narrateur. L'écriture du fragment, atemporelle et dépourvue de détails spécifiques, renforce cette idée en étendant la métaphore pour décrire un type ou un caractère plutôt qu'un individu spécifique.
"Les Caractères" se présente comme une sorte de comédie sociale en un acte, avec une structure narrative qui inclut un début in medias res, des péripéties, et un dénouement. La scène décrite est une saynète impliquant trois personnages et s'adresse à la fois à un personnage nommé Elise et aux lecteurs. La Bruyère utilise des termes à connotation dévalorisante, insinuant le refus d'Elise et portant des jugements sur Nicandre, comme dans les répétitions « déjà dit, il le répète » et les commentaires sur « son style ». L'ironie est palpable, oscillant entre l'insinuant et l'officieux, et la conversation est déséquilibrée, ajoutant un aspect burlesque à la scène.
Sur le plan idéologique, La Bruyère reste ambigu : Nicandre est-il un homme de cour (cavalier) ou de ville ? Cette ambivalence renforce la portée universelle de la critique sociale de La Bruyère.
En conclusion, "Les Caractères" de La Bruyère se révèle être une œuvre complexe et nuancée, qui utilise la satire pour explorer les comportements sociaux de son époque. À travers un portrait moral habilement construit et une mise en scène de la parole mondaine, La Bruyère parvient à critiquer avec finesse et intelligence les mœurs de son temps, tout en divertissant le lecteur par son esprit et son ironie.
I) Un faux portrait caricatural
Dans ce texte, il y a énormément d'exagérations, donc on ne peut pas croire que ce personnage est réel et c’est pourquoi il apparaît comme une caricature. Quand le narrateur nous dit, “il exagère la commodité des appartements, ainsi que la richesse et la propreté des meubles”, on voit en Nicandre l’archétype du parvenu.
“"Vous êtes si riche, lui disait l'un de ses amis, que n'achetez-vous cette charge ? Pourquoi ne pas faire cette acquisition qui étendrait votre domaine ? On me croit, ajoute-t-il, plus de bien que je n'en possède."” : Le faux discours introduit dans le récit apporte de l’emphase qui ridiculise encore une fois le personnage.
“Il n'oublie pas son extraction et ses alliances : Monsieur le Surintendant, qui est mon cousin ; Madame la Chancelière, qui est ma parente ; voilà son style.”: ici le narrateur fait preuve d’ironie en employant le mot “extraction” dans une acception inhabituelle puisqu’on évoque la richesse au lieu des origines modestes qu’on attendrait après une telle expression.
“Il insinue ensuite qu'il a une santé faible et languissante, et il parle de la cave où il doit être enterré”: ici, le personnage exagère quand il évoque son tombeau et veut susciter de la pitié au sujet de sa santé.
“Il est insinuant, flatteur, officieux” : l’accumulation de défauts nous confirme qu’il s’agit bien ici pour La Bruyère de dresser un portrait caricatural des mondains qui pullulent à la cour.
II) Une critique des mondanités
“Nicandre s'entretient avec Elise de la manière douce et complaisante dont il a vécu avec sa femme, depuis le jour qu'il en fit le choix jusques à sa mort”: ceci est une critique des mondanités car on peut comprendre que le personnage de Nicandre est veuf, et il courtise une autre femme certainement plus jeune en lui racontant qu’il était un bon mari avec son épouse.
“il a déjà dit qu'il regrette qu'elle ne lui ait pas laissé des enfants, et il le répète”: dans cette phrase, Nicandre fait comprendre au personnage d’Elise qu’il veut des enfants pour pouvoir transmettre son héritage, et c’est sûrement pourquoi il parle avec une jeune femme.
“il parle des maisons qu'il a à la ville, et bientôt d'une terre qu'il a à la campagne : il calcule le revenu qu'elle lui rapporte, il fait le plan des bâtiments,”: ici, on peut encore voir une critique des mondanités car Nicandre utilise son argent et sa richesse pour s’enorgueillir et essayer de séduire la jeune femme.
“il assure qu'il aime la bonne chère, les équipages; il se plaint que sa femme n'aimait point assez le jeu et la société.”: encore une fois, le personnage de Nicandre veut séduire Elise en lui faisant croire qu’auprès de lui elle mènerait une vie de luxe, d’insouciance et de divertissement.
“exagère la commodité des appartements, ainsi que la richesse et la propreté des meubles”: on peut en déduire que Nicandre est un vantard.
“"Vous êtes si riche, lui disait l'un de ses amis, que n'achetez-vous cette charge ? Pourquoi ne pas faire cette acquisition qui étendrait votre domaine ? On me croit, ajoute-t-il, plus de bien que je n'en possède."” : Le personnage de Nicandre fait semblant d’être humble mais le lecteur n’est pas dupe.
“Il n'oublie pas son extraction et ses alliances : Monsieur le Surintendant, qui est mon cousin ; Madame la Chancelière, qui est ma parente ; voilà son style.”: une fois de plus, Nicandre fait de lui-même un portrait élogieux, cette fois-ci sur la position sociale de sa famille.
“Il raconte un fait qui prouve le mécontentement qu'il doit avoir de ses plus proches, et de ceux même qui sont ses héritiers: "Ai-je tort ? dit-il à Elise ; ai-je grand sujet de leur vouloir du bien ?" et il l'en fait juge.”: dans cet extrait, Nicandre raconte sa vie à Elise et lui demande son avis concernant une décision intime, sachant qu’elle ne peut pas s’opposer à lui sans paraître impolie.
“Mais Elise n'a pas le courage d'être riche en l'épousant.” : le narrateur utilise de l’ironie dans cette phrase pour amuser son lecteur, et montrer que les femmes ne se laissent pas facilement prendre au piège de ces mondanités, ainsi, l’argent n’achète-t-il pas l’amour.
“On annonce, au moment qu'il parle, un cavalier, qui de sa seule présence démonte la batterie de l'homme de ville” : le narrateur s’amuse ici du comportement des femmes qui préfèrent la compagnie d’un homme jeune et beau que celle d’un vieil homme riche et orgueilleux.
“il se lève déconcerté et chagrin, et va dire ailleurs qu'il veut se remarier.” : les mondains ont tôt fait de repartir en chasse après s’être fait éconduire, ce qui prouve la superficialité des relations humaines à la cour et l’absence de sentiments.
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