I) Le Réalisme

Dans "Les Conquérants", José-Maria de Heredia peint avec réalisme l'ambition et l'avidité des conquistadors. La citation “Fatigués de porter leurs misères hautaines” révèle un profond ennui des conquistadors à la cour, les poussant vers une quête brutale de richesse, marquée par un désir de massacrer pour obtenir de l'or. Cette soif de richesse est soulignée par le vers “Ils allaient conquérir le fabuleux métal Que Cipango mûrit dans ses mines lointaines”, où l'évocation de Cipango (le Japon) ancre le poème dans une réalité géographique. Le choix de cette localité spécifique montre non seulement l'étendue de leur avidité mais aussi la précision historique du poète.

Heredia utilise également des références historiques spécifiques, comme dans “De Palos de Moguer”, évoquant directement Christophe Colomb et renforçant ainsi l'ancrage historique du poème. Les quatrains aux rimes embrassées viennent appuyer cette idée d'avidité insatiable, évoquant l'empressement des conquistadors à s’emparer de l’or. Le détail “Ou penchés à l'avant des blanches caravelles” peint une image vivante de ces explorateurs, la blancheur des voiles symbolisant peut-être l'innocence bafouée par leurs actions.

II) Le Merveilleux

Le merveilleux s'entremêle avec la réalité dans le poème. L’ouverture avec “Comme un vol de gerfauts hors du charnier natal” compare les conquistadors à des oiseaux de proie, prêts à tout détruire sur leur passage pour l'or. Cette métaphore animalière projette une image sauvage et impitoyable de ces hommes, renforçant l'idée de leur brutalité et de leur soif de conquête.

Le rêve et la fantaisie imprègnent le comportement des conquistadors, comme le montre “routiers et capitaines Partaient, ivres d'un rêve héroïque et brutal.” L'adjectif “brutal” est particulièrement évocateur, dépeignant la violence intrinsèque de leur entreprise. Heredia continue avec “Et les vents alizés inclinaient leurs antennes Aux bords mystérieux du monde Occidental”, où l'Amérique est décrite comme un lieu mystérieux, presque justifiant les exactions commises par les conquistadors.

La citation “Chaque soir, espérant des lendemains épiques” souligne leur quête incessante de gloire et de conquêtes, tandis que “L'azur phosphorescent de la mer des Tropiques Enchantait leur sommeil d'un mirage doré” illustre comment leur environnement alimente leurs rêves de richesse. La métaphore finale “Ils regardaient monter en un ciel ignoré Du fond de l'Océan des étoiles nouvelles” amplifie cette idée d'un fantasme grandissant, nourri par leur voyage et leur avidité croissante.

Conclusion

Dans "Les Conquérants", José-Maria de Heredia entremêle habilement réalisme et merveilleux pour dépeindre l'ascension et la chute des conquistadors. Leur quête, initialement ancrée dans la réalité historique, se transforme progressivement en une obsession fantastique, alimentée par l'avidité et le désir de conquêtes. Le poète utilise des images puissantes et des références précises pour illustrer la dualité de cette aventure, où la réalité et le rêve se confondent tragiquement.