Analyse de Soir de bataille de José-Maria de Heredia
Dans son sonnet "Soir de Bataille", José-Maria de Heredia transforme avec brio la brutalité d'une bataille antique en un tableau grandiose qui glorifie la figure héroïque de l'empereur. La technique poétique de Heredia, mêlant réalisme historique et vision esthétique, permet de magnifier ce moment de guerre tout en mettant en lumière le contraste saisissant entre les soldats épuisés et le héros impérial.
I. Le Réalisme de la Reconstitution Historique
Heredia ancre son poème dans un contexte historique précis, évoquant une "bataille de l'Antiquité latine". Les descriptions détaillées des "tribuns" et "centurions" mobilisant les "cohortes" suggèrent une image vivante d'une armée romaine, marchant en régiments et principalement à pied. L'emploi majoritaire de l'imparfait pour les descriptions, contrastant avec le passé simple pour les actions de premier plan, instaure un rythme narratif qui souligne le réalisme de la scène. Les vers comme “Les soldats regardaient” ou “Au loin, tourbillonner les archers des Phraortes” donnent une dimension tangible à la bataille, avec des détails comme la “sueur coulant de leurs visages bruns”, ajoutant à l'intensité visuelle du récit.
La violence du combat est exprimée avec une crudité saisissante. Les expressions telles que “Le choc avait été très rude” et “La chaleur du carnage et ses âcres parfums” peignent un tableau brut de la guerre, où les soldats, décrits comme des "feuilles mortes", semblent être dans un état de choc, épuisés et accablés par les pertes.
II. La Vision Picturale
Malgré cette toile de fond violente, Heredia parvient à créer un tableau contrasté où le réalisme brutal côtoie une esthétique presque sublime. Le poème, un sonnet aux alexandrins, traduit la quête de perfection du parnassien Heredia. La description initiale de la bataille cède la place à une glorification du héros dans les tercets.
La figure de l'"Imperator sanglant" émerge, dominant la scène tel un héros de l'Antiquité. La description de ses blessures, “Rouge du flux vermeil de ses blessures fraîches”, contraste avec l’épuisement des soldats, suggérant que ces blessures, loin de l'affaiblir, accentuent son aura héroïque. La "pourpre flottante" et "l'airain rutilant" symbolisent à la fois sa grandeur et le poids de sa responsabilité. L'arrivée de l'empereur est soulignée par le “fracas des buccins”, illustrant son statut exceptionnel et sa maîtrise, même en pleine bataille.
Le terme “Imperator” lui-même, employé de manière méliorative, souligne son rôle de leader courageux et victorieux. Le dernier mot du poème, “sanglant”, rappelle cependant au lecteur que cette glorification se déroule dans un contexte de violence extrême.
2ème version de ce commentaire
I) Une reconstitution historique fidèle
1) L’Antiquité
Cette œuvre se distingue par sa fidèle reconstitution de l'antiquité, notamment à travers le champ lexical de l'armée romaine. Des termes tels que “Les tribuns et les centurions, ralliant les cohortes,”, “soldats”, et “les archers des Phraortes” immergent le lecteur dans l'univers militaire de Rome. La référence à “la pourpre flottante”, couleur emblématique des empereurs romains, renforce cette immersion historique. De plus, l'expression “Au fracas des buccins qui sonnaient leur fanfare” évoque l'ambiance sonore caractéristique de l'armée romaine. Le mot “Superbe” est employé non seulement dans son sens moderne d'orgueil et de férocité, mais aussi dans son sens latin, renforçant le lien avec l'époque antique. L'image du personnage “maîtrisant son cheval qui s'effare” illustre la guerre à cheval, typique de cette période.
2) Une bataille vue de l’intérieur
Le récit commence in medias res, comme le suggère la phrase “Le choc avait été très rude.”, qui sert à théâtraliser la scène. On note une utilisation habile de la synesthésie, convoquant plusieurs sens – vue, ouïe, et odorat – dans des descriptions telles que “Humaient encor dans l'air où vibraient leurs voix fortes”. L'atmosphère de la bataille est capturée par des détails saisissants, comme “La chaleur du carnage et ses âcres parfums.”, où le mot “parfums” suggère ironiquement une sensation agréable dans un contexte horrifique. Les vivants comptent leurs morts “D'un œil morne, comptants leurs compagnons défunts,”, une image sombre et poignante. L'usage répété d'allitérations en [R] et [S] évoque respectivement la difficulté et la souffrance de la bataille. La description des soldats morts, “comme des feuilles mortes,” ajoute une dimension tragique, tandis que le terme “sueur” souligne l'effort physique. L'Imperator, malgré ses nombreuses blessures, est décrit avec un registre épique, mettant en valeur sa bravoure et sa résilience.
II) Un poème construit comme un tableau
1) Construction du tableau
Le poème dépeint habilement un tableau vivant, en commençant par l'entrée de l'Imperator “C'est alors qu'apparut”. Placé au centre de la scène, le héros “maîtrisant son cheval qui s'effare” capte immédiatement l'attention. La position de l'Imperator “Sur le ciel enflammé, l'Imperator sanglant” à l'arrière-plan du tableau crée un effet dramatique et met en relief son statut héroïque.
2) Le jeu sur les couleurs et la lumière
Le champ lexical de la couleur rouge, avec des expressions telles que “Rouge du flux vermeil” et “la pourpre flottante”, joue un rôle clé dans la création de l'atmosphère du tableau. La lumière se reflétant sur l'“airain rutilant” de l'armure de l'Imperator met en valeur sa présence dominante et glorifie son rôle central dans le récit.
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