Analyse du Supplément au Voyage de Bougainville de Diderot

Analyse du Supplément au Voyage de Bougainville de Diderot

Chapitre I, Fin du dialogue entre A et B

I) Le regard de l’autre

a) A donne à voir le point de vue des Européens

 

Le personnage A représente le point vu des Européens, face à ce que dit B qui représente le point de vue de Bougainville. A pense que B enjolive la réalité “ Est-ce que vous donneriez dans la fable de Tahiti ?”, tout ce qui est présenté comme étant plus beau que l’ancien monde n’est pas réel aux yeux de l'Européen qui demande des preuves “Et où trouve-t-on ce supplément ?”. A cherche des explications, il veut savoir toute la vérité : “Assurément je le veux”.

 

b) B montre l’incompréhension des Tahitiens

 

B montre l'incompréhension des Tahitiens, qui voient une Europe déraisonnable alors que tous les européens pensent qu’elle est merveilleuse. Le seul adjectif qu’emploie B pour caractériser l’Europe est “folle”. B amène une réflexion sur le langage, les tahitiens ont une culture tellement différente qu’ils n’ont pas les mots pour exprimer ce qui est trop différent d’eux : Aotourou est le reflet de sa civilisation “il ne trouvera dans sa langue aucun terme correspondant a celles dont il a quelques idées”. En effet, selon B les tahitiens ne voudront pas croire Aotourou : “Parce qu'en comparant leurs moeurs aux nôtres, ils aimeront mieux prendre Aotourou pour un menteur, que de nous croire si fous”.

 

c) La thèse de Diderot

 

Selon Diderot, il faudrait vivre en contact avec la nature et non dans l’artifice. L'Européen a l’art de tout compliquer afin de priver l’homme de sa liberté. Ainsi on voit clairement que Diderot exprime ses idées à travers le personnage de B qui aura le dernier mot.

 

II) La critique de la civilisation Européenne

a) Les oppositions entre la vie sauvage et les sociétés civilisées

 

La vie sauvage est selon B une vie facile, en connexion avec la nature par opposition à la vie Européenne faite d’entraves et de lois qui restreint la liberté des êtres humains de différentes manières : “les entraves déguisées sous cent formes diverses, entraves qui ne peuvent qu'exciter l'indignation et le mépris d'un être en qui le sentiment de la liberté est le plus profond des sentiments”. La société Européenne, contrairement à la vie Tahitienne est basée sur la modification et la maîtrise de ce que la nature a donné : “nos sociétés sont des machines si compliquées”.

 

b) Diderot montre que la civilisation européenne est sur le déclin

 

Diderot compare avec une métaphore l’ancien monde comme une personne qui “touche à sa vieillesse” et le nouveau monde comme un “enfant [...] à l’origine du monde”. Cette métaphore montre le contraste qu’il y a entre les deux mondes : l’ancien monde vit dans le développement et le progrès alors que le nouveau monde vit en connexion avec la Terre. 

 

c) La symbolique de la disparition du brouillard (disparition du dialogue lui-même, révélation des idées des Lumières)

 

A a finalement compris qu’il ne connaît pas toute la vérité au sujet des Tahitiens. Le brouillard est une métaphore de la disparition du dialogue : la discussion entre A et B est terminée.  Le brouillard qui retombe montre l’obscurantisme de A qui disparaît et son esprit qui s’ouvre sur les idées des lumières. “Assurément, je le veux, voilà le brouillard qui retombe, et l'azur du ciel qui commence à paraître. Il semble que mon lot soit d'avoir tort avec vous jusque dans les moindres choses ; il faut que je sois bien bon pour vous pardonner une supériorité aussi continue !”

Chapitre II, Les adieux du vieillard

I) Une condamnation de la colonisation et de l’esclavage

1. Un discours pathétique

Dans le "Supplément au voyage de Bougainville", Diderot utilise la voix d'un vieillard tahitien pour dénoncer les horreurs de la colonisation et de l'esclavage. Ce vieillard prophétise l'avenir funeste qui attend les Tahitiens à cause de l'arrivée des Européens. Il décrit avec des termes violents et évocateurs la menace que représentent les Européens : "Un jour, ils reviendront, le morceau de bois que vous voulez attaché à la ceinture de celui-ci, dans une main, et le fer qui pend au côté de celui-là, dans l'autre, vous enchaîner, vous égorger, ou vous assujettir à leurs extravagances et à leurs vices". Cette image, où les Européens tiennent à la fois une croix et une épée, symbolise la violence et l'hypocrisie de la colonisation, faite au nom de la civilisation mais menée par la force et la cupidité.

Le vieillard poursuit en évoquant le malheur des Européens eux-mêmes, qui sont décrits comme "corrompus, vils, malheureux" et qui, par leur malheur, recourent à la violence : "un jour vous servirez sous eux aussi corrompus, aussi vils, aussi malheureux qu'eux". Cette prophétie se double d'un soulagement personnel du vieillard, qui se console en pensant qu'il ne vivra pas assez longtemps pour voir cette calamité se réaliser : "Mais je me console ; je touche à la fin de ma carrière ; et la calamité que je vous annonce, je ne la verrai point." Cependant, il appelle les Tahitiens à prendre conscience de leur sort et à se préparer à repousser les envahisseurs : "Tahitiens ! ô mes amis ! vous auriez un moyen d'échapper à un funeste avenir ; mais j'aimerais mieux mourir que de vous avoir donner le conseil. Qu'ils s'éloignent, et qu'ils vivent." Par cette apostrophe et l'usage du vocatif, il établit une connexion émotionnelle forte avec son auditoire, soulignant la gravité de son message.

 

2. Le vieillard, un porte-parole des Lumières

Le vieillard de Diderot n'est pas seulement un personnage prophétique, mais aussi un porte-parole des idéaux des Lumières. Il incarne la sagesse et la prévoyance, deux qualités chères à cette période. Lorsqu'il s'avance "d'un air sévère" pour dire aux Tahitiens de pleurer non pour le départ, mais pour l'arrivée des Européens, il symbolise la clairvoyance : "Pleurez, malheureux Tahitiens ! pleurez ; mais que ceci soit de l'arrivée, et non du départ de ces hommes ambitieux et méchants : un jour, vous les connaîtrez mieux." Son discours utilise le subjonctif pour exprimer un souhait plein d'espoir mais aussi de résignation : "Qu'ils s'éloignent, et qu'ils vivent."

En s'adressant directement à Bougainville, il utilise l'impératif pour affirmer son autorité et protéger son peuple : "Et toi, chef des brigands qui t'obéissent, écarte promptement ton vaisseau de notre rive : nous sommes innocents, nous sommes heureux". Le vieillard critique ainsi ouvertement les intentions et les actions des Européens, soulignant leur capacité à nuire au bonheur tahitien en effaçant leur mode de vie naturel : "et tu ne peux que nuire à notre bonheur. Nous suivons le pur instinct de la nature ; et tu as tenté d'effacer de nos âmes son caractère."

 

II) Un éloge de la vie sauvage par opposition au mode de vie des Européens

1. L’éloge de la vie sauvage

Diderot utilise le contraste entre les Tahitiens et les Européens pour faire l'éloge de la vie sauvage. Lors du départ de Bougainville, il décrit la réaction des Tahitiens avec une sensibilité particulière : "Au départ de Bougainville, lorsque les habitants accouraient en foule sur le rivage, s'attachaient à ses vêtements, serraient ses camarades entre leurs bras, et pleuraient, ce vieillard s'avança d'un air sévère." Cette scène montre l'attachement des Tahitiens aux Européens non par peur ou servilité, mais par une curiosité et une affection sincères, presque enfantines.

La vie tahitienne est décrite comme harmonieuse et égalitaire, notamment à travers la polygamie, qui est présentée comme un moyen de maintenir l'équilibre social : "Nos filles et nos femmes nous sont communes ; tu as partagé ce privilège avec nous." Cette vision de la société tahitienne contraste fortement avec celle des Européens, marquée par des hiérarchies rigides et des inégalités.

 

2. La condamnation du mode de vie européen

Par contraste, le vieillard condamne fermement le mode de vie européen. En s'adressant directement à Bougainville, il le qualifie de "chef des brigands", soulignant que les Européens sont des voleurs et des oppresseurs : "Et toi, chef des brigands qui t'obéissent, écarte promptement ton vaisseau de notre rive : nous sommes innocents, nous sommes heureux." Cette condamnation se poursuit avec la critique de la propriété privée, inconnue des Tahitiens : "Ici tout est à tous ; et tu nous as prêché je ne sais quelle distinction du tien et du mien."

Le vieillard souligne également les effets délétères de la présence européenne sur les femmes tahitiennes : "et tu es venu allumer en elles des fureurs inconnues. Elles sont devenues folles dans tes bras ; tu es devenu féroce entre les leurs." Cette critique met en évidence comment les Européens ont introduit des sentiments de jalousie et de violence dans une société qui, jusque-là, vivait en harmonie avec ses instincts naturels.

 

En conclusion, Diderot, à travers le personnage du vieillard tahitien, propose une critique acerbe de la colonisation et un éloge de la vie sauvage. Ce discours pathétique et prophétique, ainsi que l'opposition tranchée entre les modes de vie tahitien et européen, illustrent les tensions et les contradictions du XVIIIe siècle, où les idéaux des Lumières se heurtaient à la réalité brutale de la colonisation.

Chapitre III, L’entretien de l’aumônier et d’Orou

I ) Le regard du Tahitien 

1) La remise en cause de la religion

 

Le point  de vue, dans le Supplément au voyage de Bougainville, est celui d’un tahitien fictif. Ce point de vue étranger permet à Diderot de faire passer ses idées en se protégeant de la censure. L’expression du doute à travers les questions rhétoriques (“Sur quoi ce droit serait-il fondé ?”, “qui se plaint et qui souffre ; et qui ne saurait devenir un effet de commerce, sans qu’on oublie son caractère, et qu’on fasse violence à la nature ?, “ Peuvent-ils faire que ce qui est juste soit injuste, et que ce qui est injuste soit juste ?” ) permet au narrateur de remettre en cause la religion.

 

2) Le concept de Dieu perçu comme contradictoire

 

Le personnage d’Orou définit Dieu par la périphrase “vieil ouvrier” qui est un terme utilisé par les philosophes des Lumières qui sont déistes : “Je ne sais ce que c’est que ton grand ouvrier”. Les énumérations et les antithèses définissent Dieu comme une entité capable de tout mais qui ne sert à rien: “qui commande et qui n’est pas obéi ; qui peut empêcher, et qui n’empêche pas.” Ainsi, le concept de Dieu est perçu par le tahitien comme contradictoire.

 

3) La souveraineté de la nature

 

Les nombreuses antithèses montrent que pour le personnage d’Orou, les lois humaines sont contraires à la nature : “Rien, en effet, te paraît-il plus insensé qu’un précepte qui proscrit le changement qui est en nous ; qui commande une constance qui n’y peut être, et qui viole la liberté du mâle et de la femelle, en les enchaînant pour jamais l’un à l’autre”. Cependant, on pourrait lui opposer l’argument que de nombreux oiseaux vivent en couple et sont fidèles l’un à l’autre pour une saison (les chouettes, les canards) ou pour toute la durée de leur vie (les cygnes, les inséparables, de nombreux perroquets et perruches…).

L’usage de la périphrase “souveraine maîtresse” pour qualifier la nature montre que pour les tahitiens la nature devrait être la seule règle à suivre.

 

II) Un discours digne d’un philosophe des Lumières

1) Les étapes du raisonnement du Tahitien

 

Le raisonnement du Tahitien se décompose en trois étapes distinctes. Premièrement, il constate que les actions des Européens sont déraisonnables car contraires à la nature : “je les trouve opposés à la nature, et contraires à la raison”.

Ensuite, il s’interroge sur la capacité des hommes à prendre des bonnes décisions : “qui se plaint et qui souffre ; et qui ne saurait devenir un effet de commerce, sans qu’on oublie son caractère, et qu’on fasse violence à la nature ?” Le Tahitien pense à la fois à l’harmonie sociale et au bonheur individuel qui passent par l’assouvissement des besoins et désirs essentiels à la vie, et que les Européens ne cessent de contrarier et de contraindre en assignant une dimension morale à des actes naturels qui n’en comportent pas selon lui, telles les relations intimes. Enfin, il affirme que l’homme doit garder son libre arbitre et rester maître de lui-même : “Il n’y a point de bonté qu’on ne pût t’interdire ; point de méchanceté qu’on ne pût t’ordonner.”

 

2) Le portrait de l’homme civilisé

 

Le portrait de l’homme civilisé que fait le Tahitien est péjoratif. Selon lui, les Européens ne sont pas raisonnables et oeuvre pour leur propre malheur en éditant des lois qui sont contraire à la nature : “Contraires à la nature, parce qu’ils supposent qu’un être pensant, sentant et libre, peut être la propriété d’un être semblable à lui.” Ses actes déraisonnables sont responsables de conflits causés par la jalousie engendrée par la propriété.

 

3) Orou un philosophe des Lumières 

 

Le personnage d’Orou est le porte-parole de Diderot car son discours est digne d’un philosophe des Lumières. En effet, nous observons un discours très structuré avec plusieurs étapes logiques dans son argumentation. Il mène une réflexion métaphysique au sujet de Dieu : “fâcher à tout moment le vieil ouvrier, qui a tout fait sans mains, sans tête et sans outils ; qui est partout, et qu’on ne voit nulle part”. Ses arguments portent aussi une réflexion philosophique sur le bonheur et la morale : “sont-ils maîtres du bien et du mal ?” Ce discours est mené par un personnage sans éducation, ce qui est paradoxal voire invraisemblable. C’est pourquoi on peut affirmer que le récit du voyage à Tahiti énoncé dans le Supplément au voyage de Bougainville est une utopie, c’est-à-dire un récit fictif construit dans le but d’agir comme un miroir pour le lecteur qui va le comparer à la société à travers il vit.

 

III) Une société qui dénature l’homme

1) La nature est sous le signe du mouvement

 

La fidélité et le mariage sont des signes d’emprisonnement pour Orou. Selon lui, ils nous privent de liberté en nous enchaînant à un partenaire. Or la nature est en perpétuel mouvement : “Rien, en effet, te paraît-il plus insensé qu’un précepte qui proscrit le changement qui est en nous ; qui commande une constance qui n’y peut être”. La nature est synonyme de liberté.

 

2) Orou invite à dissocier les actions des valeurs morales qui leur sont associées

 

Orou invite à dissocier les actions des valeurs morales qui leur sont associées car autrement les valeurs morales seraient fluctuantes et soumises au bon vouloir d’hommes puissants chargés de régler la conduite de tous les autres : “dépend-il d’eux d’attacher le bien à des actions nuisibles, et le mal à des actions innocentes ou utiles ? Tu ne saurais le penser, car, à ce compte, il n’y aurait ni vrai ni faux, ni bon ni mauvais, ni beau ni laid”.

 

3) Les lois européennes empêchent l’homme d’être heureux

 

Les lois européennes empêchent l’homme d’être heureux car elles provoquent de la confusion et sont souvent impossibles à mettre en oeuvre ou à respecter : “Et où en serais-tu réduit, si tes trois maîtres, peu d’accord entre eux, s’avisaient de te permettre, de t’enjoindre et de te défendre la même chose, comme je pense qu’il arrive souvent ?”

Chapitre III, Polly Baker

Introduction 

 

Les femmes ont dû se battre pour obtenir l'égalité des sexes qui est encore aujourd'hui un grand sujet de débat. Ainsi dans ce texte écrit par Diderot un philosophe des lumières le personnage de Polly Baker se bat pour faire entendre sa voix. En quoi ce texte défend-il les droits des femmes face à l’oppression masculine ? Nous étudierons en un premier temps le discours efficace de Polly et en un second temps le discours émouvant. 

 

I) Un discours efficace

a) Les deux statuts de la femme dans la société

 

Au XVIIIème siècle, la femme pouvait avoir deux conditions de vies. La première est quand elle est mariée, elle est considérée comme une femme honnête ayant tout les droits : “deux jours après il épousa Miss Baker, et fit une honnête femme”. Mais elle peut être aussi maltraitée à condition qu'elle aie eu un rapport avant le mariage et donc est considérée comme une femme publique. À ce moment là, elle est battue ou doit payer une amende jusqu'à la ruiner : “La loi condamne toutes les personnes du sexe qui ne doivent le titre de mère qu’au libertinage à une amende, ou à une punition corporelle”.

 

b) L’ironie

 

Polly utilise beaucoup de question rhétorique pour mieux se faire entendre sans trop de jugement. Elle essaye de retourner la situation pour que les magistrats se sentent mal à l'aise suite à ça :”vous m’avez déjà exclue de la communion de l’église, cela ne suffit-il pas ?”. 

Elle utilise également l'ironie pour leur faire comprendre qu’ils devraient plutôt l’admirer comme une héroïne puisqu’elle a réussi à élever ses 5 enfants seule sans un sou avec ce titre de femme publique : “j’ai peine à croire que ce me soit un grand crime d’avoir donné le jour à de beaux enfants que Dieu a doués d’âmes immortelles et qui l’adorent”. 

De plus, par une ironie du sort, l'homme qui a causé ses malheurs et son déshonneur est un magistrat, donc il incarne la loi et devrait être irréprochable : “Cet homme, vous le connaissez tous : il est actuellement magistrat comme vous et s’assied à vos côtés”.

 

II) Un discours émouvant

a) Une femme polie et douce

 

Pour commencer et achever son discours, Polly Baker utilise des formules de politesse pour qu'elle soit écouté: “Permettez moi, Messieurs”, “Pardonnez, Messieurs,”.

Polly Baker utilise la gentillesse et non l'agressivité pour essayer de convaincre les juges. Elle ne leur demande pas leur Clémence mais tente de se faire plaindre si le supplice arrivait :”ce que j’ose espérer, c’est que vous daignerez implorer pour moi les bontés du gouvernement et obtenir qu’il me dispense de l’amende.” 

 

b) Le registre pathétique

 

Dans ce texte le registre pathétique est très présent : “qu’il aurait intéressé votre pitié en ma faveur, en faveur d’une malheureuse”. Par ce biais, Polly espère susciter la pitié des juges. D'ailleurs, elle se plaint beaucoup de cet homme qui est magistrat comme eux et qui a détruit sa vie en lui faisant perdre sa virginité avant le mariage qu’il lui avait promis sans tenir sa parole. Elle essaye de leur montrer qu'elle n'y est pour rien et en même temps elle leur demande d’être cléments : “Mais est-ce ma faute ?”, “Ce sont eux qui troublent la tranquillité publique ; voilà des crimes qui méritent plus que le mien l’animadversion des lois.”

 

Conclusion 

 

Ainsi, le discours de Polly Baker est efficace car elle réussit à s’attirer la clémence des juges et à obtenir le mariage de l’homme qui l’avait perdue : “deux jours après il épousa Miss Baker, et fit une honnête femme de celle dont cinq ans auparavant il avait fait une fille publique.” Ce discours a une portée universelle car il défend la position de la femme face à l'homme qui, à cette époque, exerce sur elle un pouvoir absolu.

Chapitre V, Fin du dialogue entre A et B

I) La leçon finale

 

B répond aux interrogations de A en lui donnant une leçon. L'échange n'est pas équilibré puisque B parle beaucoup plus que A. B parle en utilisant des maximes comme par exemple : « Il y a moins d'un inconvénient à être fou avec des fous qu'à être sage tout seul. » Ou encore : «la honte, le châtiment et l'ignominie sont les plus grands de tous les maux ». La métaphore du brouillard qui était épais au début de la discussion entre A et B, mais qui se dissipe maintenant, indique que B en tant que philosophe des lumières, a éclairé A, dont l'esprit n'est maintenant plus embrouillé : « Et ce brouillard épais, qu'est-il devenu ? Il est retombé. » 

 

II) Une conclusion paradoxale

 

Le Supplément au voyage de Bougainville fait l'éloge d'une société primitive non corrompue qui s'oppose à la civilisation européenne dans laquelle les personnages fictifs A et B évoluent. C'est ce que l'on appelle le mythe du bon sauvage. Cependant on remarque que dans ce passage les principes défendus par B sont contraires à ce qu'il a valorisé dans tout le reste du livre. Par exemple après avoir fait l'éloge de la sincérité, il dit maintenant qu'il faut s'adapter à la situation : « Prendre le froc du pays où l'on va, et garder celui du pays où l'on est. » B en tant que philosophe des Lumières, fait preuve de pragmatisme et propose d'adopter des comportements qui visent à préserver l'harmonie de la société : « Et surtout être honnête et sincère jusqu'au scrupule avec des êtres fragiles qui ne peuvent faire notre bonheur sans renoncer aux avantages les plus précieux de nos sociétés. » B fait preuve de conservatisme en invitant au respect des lois existantes tant qu'on ne peut les changer alors qu'il a argumenté dans tout le reste du dialogue pour démontrer que celles-ci contrariaient la nature et rendaient l'homme malheureux.

 

III) Une leçon de philosophie

 

Le statut social de la femme et son rôle dans la société sont des thèmes centraux dans le Supplément au voyage de Bougainville : « Toujours les femmes ; on ne saurait faire un pas sans les rencontrer à travers son chemin. ». Diderot, en adoptant le point de vue des femmes, notamment dans l’épisode de Polly Baker, se positionne d'une manière extrêmement novatrice voire révolutionnaire. De plus, la réplique finale amusante pour le lecteur souligne la dimension ludique de ce texte. Le fait que le dialogue entre A et B encadre le récit sur Tahiti présente du coup celui-ci comme une utopie. Ainsi Diderot donne à son Supplément au voyage de Bougainville la double fonction d'instruire et de divertir son lecteur.

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