L'étranger Albert Camus Analyse

Analyse de L'étranger de Albert Camus

Analyse de L’incipit, Cet incipit remplit-il ses fonctions ?

L'incipit de "L'Étranger" d'Albert Camus débute par une annonce frappante et soulève des interrogations sur la nature du protagoniste, Meursault.

 

I. Une introduction qui remplit partiellement ses fonctions

1. Cadre spatio-temporel établi

Le début du roman situe l'action à Marengo, non loin d'Alger, et indique le moment de la journée : "J’ai pris l’autobus à deux heures. II faisait très chaud." Cette précision temporelle et spatiale aide à ancrer le récit dans un cadre réel et tangible.

 

2. Présentation de l'histoire

D'emblée, l'histoire se centre sur un événement majeur : la mort de la mère du narrateur. Ce fait est présenté de manière abrupte et factuelle, ce qui crée un effet de surprise et attire l'attention du lecteur : “J’ai reçu un télégramme de l’asile: «Mère décédée. Enterrement demain. Sentiments distingués.»"

 

3. Caractérisation du personnage principal

Meursault apparaît comme un personnage pragmatique et organisé, mais également détaché et routinier. Son manque de réaction émotionnelle face à la mort de sa mère est suggéré dès les premières lignes : “J’ai mangé au restaurant, chez Céleste, comme d’habitude.”

 

II. Un incipit surprenant

1. Absence d'émotions chez Meursault

Le début du roman est marqué par un ton détaché et une certaine indifférence de Meursault envers la mort de sa mère, ce qui est inhabituel pour un fils : “Cela ne veut rien dire.” Cette réaction, ou plutôt l'absence de réaction, est déconcertante pour le lecteur.

 

2. Flou temporel

L’incipit est également caractérisé par une incertitude temporelle. Meursault n'est pas sûr de la date exacte du décès de sa mère : “Aujourd’hui, maman est morte. Ou peut-être hier, je ne sais pas.” Ce flou renforce le sentiment d'étrangeté et d'aliénation.

 

3. Style dépouillé, presque journalistique

Le style de l’incipit est sobre et factuel, rappelant le ton d'un rapport ou d'un journal. Les phrases sont courtes et concises, et Meursault relate les événements avec une objectivité presque clinique.

 

En conclusion, l'incipit de "L'Étranger" joue un rôle essentiel dans la mise en place du cadre et de l'intrigue du roman, tout en introduisant un personnage principal atypique et énigmatique. Cette entrée en matière éveille la curiosité du lecteur et installe une atmosphère d'étrangeté et de distance émotionnelle qui caractérise le récit.

Commentaire composé rédigé

L’incipit de ce roman débute avec plusieurs informations telles que le lieu : c'est dans le second paragraphe que l’on découvre le lieu de l’histoire. Dans l’Algérie du XXe siècle : “L’asile de vieillards est à Marengo, à quatre-vingts kilomètres d’Alger.” A part cette phrase, peu d’informations concernant le lieu sont données, juste le “restaurant, chez Céleste”. On est donc en Afrique française au XXe siècle mais on ne sait pas plus précisément quand. Parmi le peu d’informations données, on a  le lieu de vie d’un ami de Meursault, Emmanuel, pour lequel Meursault “ a fallu que je monte”.

Les informations concernant le temps du roman sont peu précises mais on en dénombre beaucoup : “aujourd’hui”, ”peut-être hier”, ”à 2 heures”, “demain soir”, et bien d’autres. Tous ces mots ou ces groupes de mots sont des connecteurs temporels qui indiquent que Meursault ordonne ses propos notamment dans le deuxième paragraphe dans lequel il organise la journée de l’enterrement en employant beaucoup de ces connecteurs : “à 2 heures”, “dans l’après-midi”, “demain soir”. Il est très organisé et aime que sa vie le soit, en témoigne à la fin du deuxième paragraphe : “ce sera une affaire classée".

Après que Camus nous ait donné le cadre spatio-temporel, il y a, comme dans tous les incipit, la présentation de plusieurs personnages. Il nous fait la présentation de trois autres personnages : “mon patron”, avec qui il a une relation très professionnelle : “J’ai demandé deux jours de congés à mon patron”. Malgré cela, son patron n’a pas l’air d’être désolé quant à la mort de Mme Meursault : “C’était plutôt à lui de me présenter ses condoléances”. Le deuxième personnage, nommé Céleste, a un “restaurant”. Ayant une relation très forte avec lui, Céleste avait : "beaucoup de peine pour moi”. Le dernier personnage, présenté très brièvement, est Emmanuel, chez qui Meursault va : “emprunter une cravate noire et un brassard”. On sait aussi d’Emmanuel qu’il a : “perdu son oncle, il y a quelques mois”.

 

Malgré la présentation du cadre spatio-temporel et des personnages, cet incipit est incomplet ; une chose est étrange : on ne connaît pas le nom du personnage principal car lui-même est le narrateur et puisque le récit est en focalisation interne. Les informations portant sur le cadre temporel du récit sont limitées : “Aujourd’hui”, “Ou peut-être hier”. L’auteur nous donne des informations précises dans la journée : “à 2 heures”, “demain soir”, mais on ne sait ni le jour, ni le mois, ni l’année. On peut seulement supposer que le récit est raconté dans un période où “il faisait très chaud”. 

Le style d’écriture du roman est à l’image du premier paragraphe, quand Meursault lit le télégramme : “Mère décédée. Enterrement demain. Sentiments distingués”. Ce sont des phrases courtes non-verbales mais qui font quand même comprendre au lecteur la situation. Après avoir lu le télégramme, Meursault se met à parler lui aussi en phrases courtes : “Cela ne veut rien dire. C’était peut-être hier”. Et cette forme de phrase persistera dans le langage de Meursault : “il faisait très chaud”, “J’ai dormi pendant presque tout le trajet”. Ce style d’écriture pourrait faire penser que Meursault n’éprouve aucun sentiment mais c’est le contraire. Il éprouve des sentiments qu’il n’arrive pas à exprimer en dehors ni parfois même intérieurement.

Analyse de La demande en mariage, Comment dans cet extrait de L’Etranger, Camus nous fait-il entrer dans l’univers d’un personnage incapable de ressentir des émotions et de communiquer ?

La focalisation interne crée une impression paradoxale. D'une part, on ressent la distance émotionnelle de Meursault, le narrateur, et d'autre part, son indifférence crée une certaine tension narrative.

 

I. Une focalisation interne révélant un personnage détaché

1. Indifférence aux conventions sociales

Meursault montre une indifférence notable à l'idée de se marier : “J'ai dit que cela m'était égal et que nous pourrions le faire si elle le voulait.” Cette réaction dénote un détachement vis-à-vis des conventions sociales et une certaine apathie.

 

2. Manque de réaction émotionnelle

Sa réponse à Marie, “cela ne signifiait rien mais que sans doute je ne l'aimais pas”, révèle une inaptitude à ressentir ou exprimer des émotions conventionnelles, renforçant l'étrangeté de son personnage.

 

3. Acceptation passive

Meursault accepte passivement l'idée du mariage : “Je lui ai expliqué que cela n'avait aucune importance et que si elle le désirait, nous pouvions nous marier.” Sa passivité suggère un manque d'engagement personnel.

 

II. Un faux dialogue soulignant l'incommunicabilité

1. Dialogue unilatéral

Le dialogue entre Meursault et Marie semble unilatéral : “D'ailleurs, c'était elle qui le demandait et moi je me contentais de dire oui.” Cela indique une communication déficiente où Meursault se contente de réponses minimales.

 

2. Réponses inappropriées

Meursault répond de manière inappropriée, sans tenir compte des sentiments de Marie, comme lorsqu'il dit : “«Naturellement.»” en réponse à une question sur son attachement potentiel à une autre femme.

 

3. Manque de connexion émotionnelle

La relation entre Meursault et Marie est marquée par un manque de connexion émotionnelle : “Elle s'est tue un moment et elle m'a regardé en silence.” Ce silence suggère une incompréhension mutuelle et une barrière émotionnelle.

 

En conclusion, l'incipit de "L'Étranger" met en lumière la personnalité atypique de Meursault, marquée par un détachement émotionnel et une incapacité à communiquer de manière conventionnelle. Cette introduction sert à brosser le portrait d'un personnage principal énigmatique, dont l'indifférence crée une dynamique narrative intrigante.

Le meurtre de l’Arabe,  Comment Camus transforme-t-il cet extrait de roman en tragédie ?

L'acte du meurtre de l'Arabe par Meursault dans "L'Étranger" d'Albert Camus est une scène cruciale qui allie tragique et absurdité, révélant une profonde transformation du personnage principal.

 

I. Le tragique de la scène

1. Le rôle du soleil

Le soleil, omniprésent dans cette scène, joue un rôle quasi mythique, agissant comme un catalyseur du destin de Meursault : “C'était le même soleil que le jour où j'avais enterré maman et, comme alors, le front surtout me faisait mal et toutes ses veines battaient ensemble sous la peau.” Le soleil devient un élément oppressant, presque un antagoniste, poussant Meursault vers l’irréparable.

 

2. La fatalité

Le destin semble guider Meursault vers son acte fatal : “La lumière a giclé sur l'acier et c'était comme une longue lame étincelante qui m'atteignait au front.” La manière dont le soleil interagit avec l'arme suggère une force supérieure dirigeant ses actions, renforçant le sentiment d'une tragédie inévitable.

 

II. La transformation de Meursault

1. L'absurde du meurtre

Le caractère absurde du meurtre est souligné par l'absence de motif rationnel : “Pour moi, c’était une histoire finie.” Meursault se retrouve dans une situation irréelle, où un ensemble de circonstances mineures le conduit à commettre un acte irréversible.

 

2. Une prise de conscience tardive

Après le meurtre, Meursault prend conscience de la gravité de son acte et de ses conséquences : “Et c'était comme quatre coups brefs que je frappais sur la porte du malheur.” C’est une révélation tardive de la portée de ses actions, marquant un point de non-retour dans son existence.

 

En somme, la scène du meurtre est un pivot central dans "L'Étranger", où les thèmes du tragique et de l'absurde se conjuguent pour mettre en lumière une transformation profonde du personnage de Meursault. La fatalité, symbolisée par le soleil oppressant, et l'absurdité de l'existence humaine, illustrée par l'acte de meurtre sans motif, forment le cœur de cette scène emblématique du roman.

Analyse du plaidoyer du procureur, De «Même sur un banc d’accusé» à «pouvaient devenir des charges écrasantes contre un coupable». Comment l’attitude de Meursault pose-t-elle un problème à la société ?

I) Un homme en rupture avec la morale conventionnelle

 

Tout d'abord Meursault est un homme sans émotions, sans coeur: “il a rappelé mon insensibilité […] mon bain du lendemain avec une femme”. Le personnage ne se comporte pas comme l'exige la bienséance après un deuil. Il n’a pas pleuré ni témoigné d’affliction suite au décès de sa mère. Ensuite lors de son procès, il attend que les avocats lui révèlent qui il est. Ce qui montre qu'il n'a pas accès à ses émotions : “il est toujours intéressant d'entendre parler de soi”. De plus Meursault regarde son procès tel un spectateur: “L'avocat levait les bras [...] mais sans excuses”. Il regarde les plaidoiries comme si c'était un théâtre de marionnettes. Il risque pourtant la peine de mort. À cause de ce comportement, récurrent tout au long de sa vie, c'est sa personnalité qui est jugée et non son crime: “C'est homme est intelligent [...] on ne peut pas dire qu'il a agi sans se rendre compte de ce qu'il faisait.” Personne ne comprend pourquoi Meursault a commis ce crime avec un tel acharnement. C’est un procès absurde car il est condamné à cause de son intelligence perçue comme machiavélique : “comment les qualités d’un homme ordinaire pouvaient devenir des charges écrasantes contre un coupable”.

 

II) Un homme coupé du monde 

 

Meursault ne comprend pas pourquoi on lui reproche d’être intelligent : “Mais je ne comprenais pas [...] pouvaient devenir des charges écrasantes contre un coupable”. Il est accusé mais n'a pas le droit à la parole : “Taisez-vous, cela vaut mieux pour votre affaire”. Meursault fait de grands discours mais dans sa tête, auxquels nous assistons grâce à la focalisation interne. il a envie de parler mais il n’a pas d'argument : “Mais réflexion faite, je n’avais rien à dire”. Il est tellement détaché du procès qu'il finit par penser que le procureur a raison dans sa façon de voir les choses “ce qu'il disait était plausible”. Ainsi, il n'essaie pas de comprendre ce qu'il se passe alors qu'on est en train de le condamner à mort : “la plaidoirie du procureur m’a très vite lassée.” Meursault est donc un étranger à son propre procès. On peut aussi penser que le procureur décide que Meursault mérite la peine à mort, et est prêt à tout pour démontrer les circonstances aggravantes qui dans la réalité des faits n’existent pas : il joue à être dieu.

Analyse du plaidoyer de l’avocat, De « L'après-midi, les grands ventilateurs brassaient toujours l'air épais de la salle et les petits éventails multicolores des jurés s'agitaient tous dans le même sens.» à «J'ai acquiescé, mais mon compliment n'était pas sincère, parce que j'étais trop fatigué.» Comment Camus utilise-t-il le procès pour révéler la personnalité singulière de Meursault ?

Dans "L'Étranger" d'Albert Camus, le procès de Meursault, accusé du meurtre d'un Arabe, se caractérise par son absurdité et sa déconnexion avec la réalité de l'accusé, reflétant ainsi les thèmes centraux de l'existentialisme et de l'absurde propres à l'œuvre de Camus.

 

I. Le procès comme miroir de l'absurde

1. Un procès déconnecté de la réalité

Le procès de Meursault se focalise sur des aspects périphériques de sa personnalité et de ses actes, négligeant le contexte réel du crime. Les témoignages et les accusations portent sur des détails triviaux, tels que son attitude lors de l'enterrement de sa mère, plutôt que sur les circonstances du meurtre.

 

2. La justice en quête de sens

Le tribunal s'efforce de trouver un sens moral et une rationalité dans le comportement de Meursault, ce qui est en contradiction avec sa nature profondément absurde et indifférente. L'insistance sur ses réactions émotionnelles, ou leur absence, montre une quête désespérée de justification morale là où il n'y en a pas.

 

II. Meursault, un étranger à son propre procès

1. L'indifférence de Meursault

Tout au long du procès, Meursault demeure détaché et indifférent, ne participant que de manière passive à sa propre défense. Cette attitude renforce son rôle d'étranger, non seulement au sein de la société mais aussi face à sa propre existence.

 

2. L'incompréhension mutuelle

Le fossé entre Meursault et les acteurs du procès est flagrant. Les juges et les avocats cherchent à interpréter ses actions à travers le prisme de leurs propres valeurs et normes, incapables de comprendre sa vision du monde dénuée de sens traditionnel ou d'émotion.

 

III. La condamnation, une issue inévitable

1. La fatalité de la condamnation

Dès le début du procès, la condamnation de Meursault semble inévitable. Les débats tournent autour de sa personnalité et de son comportement plutôt que des faits réels du meurtre, préparant le terrain pour un jugement basé sur des perceptions morales et émotionnelles.

 

2. Un verdict symbolique

Le verdict de culpabilité et la sentence de mort ne sont pas seulement une condamnation judiciaire, mais aussi le point culminant de l'aliénation de Meursault de la société. Sa condamnation est le symbole de l'impossibilité d'exister librement dans un monde régi par des valeurs arbitraires et incomprises.

 

En résumé, le procès de Meursault dans "L'Étranger" est une illustration de l'absurdité de la condition humaine et de l'aliénation individuelle. Les événements du tribunal mettent en lumière le décalage entre les structures sociales et morales établies et la perspective nihiliste de Meursault, soulignant la nature absurde et inéluctable de son destin.

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