Peut-on aider autrui ?
Aider autrui ne se réduit pas à un pur élan de générosité, cela implique une réflexion et une vigilance vis-à-vis d’une trop bonne conscience de soi.
Les formes d’aide à autrui sont nombreuses et variées : aide matérielle, aide psychologique (faire confiance à l’enfant que j’instruis, prêter à l’homme que j’aime des vertus qu’il n’a pas encore). Autrui n’est pas que l’être par qui je découvre mon être. Il est aussi l’être par qui se construit un être. Ce qui est commun à toutes les aides citées c’est ce que Descartes appelle la générosité, qui ne se réduit pas à un élan du cœur, à une forme élémentaire de sympathie mais engage le sujet dans l’action vis-à-vis d’autrui. La générosité est une décision de la raison. La finalité de l’aide à autrui c’est d’être l’occasion de son propre dépassement (de sa souffrance, de sa solitude), d’essayer de favoriser son autonomie matérielle et intellectuelle. La finalité de l’aide à autrui c’est de faire qu’il n’ait plus besoin d’aide.
Le problème c’est que souvent le sujet se trompe sur la finalité de son action. Souvent, à travers des actes de charité nous recherchons des bénéfices purement narcissiques. Cela pose le problème de la communication avec ceux que nous pensons aider. L’individu aidé n’existe plus car il est refoulé par le « statut général » du pauvre ou de la victime, dépossédé par le regard d’autrui, réifié, vu et non reconnu. Or, seul le regard aimant peut me restituer mon sentiment d’existence. Exister c’est avant tout se sentir exister et cela ne peut se faire qu’à travers une reconnaissance mutuelle. Il faut se méfier des formes de sympathie élémentaire comme la pitié qui renvoie à mes états de conscience davantage qu’aux états de conscience d’autrui. J’ai pitié de l’autre car je m’imagine à sa place. La véritable sympathie doit transcender ces états affectifs. Par exemple on peu sympathiser avec le chagrin d’un petit enfant alors qu’on ne l’éprouve pas soi-même. On peut donc s’illusionner sur l’aide que l’on croit donner. Croire que l’on se sacrifie pour l’autre alors que l’on génère la culpabilité ou la dépendance.
Cela me renvoie à mon sentiment d’existence, à sa valeur. Nous ne pouvons nous contenter du bien être matériel pour vivre. Exister c’est se repositionner. C’est en renonçant à sa particularité que l’on gagne en consistance intérieure. On ne peut exister en tant que sujet humain que si l’on se dépasse vers l’universel. On ne possède que ce que l’on donne.
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