Rousseau l'hypothèse du passage de la nature à la société
De la nature à la culture s’opère un passage, non pas par évolution mais par rupture, renversement, valorisation inverse. Rousseau procède à la construction d’un schéma abstrait de l’homme à l’état de nature. Il s’appuie sur un procédé de réduction qui consiste à mettre à l’écart les différences introduites entre les hommes par la société et l’histoire, pour ne retenir que ce que les hommes ont en commun d’irréductible, c’est-à-dire leur nature. Rousseau met en cause Grotius et Locke qui soutiennent la théorie de la sociabilité naturelle de l’homme. Contrairement à Locke qui pense que la moralité est antérieure à la formation des sociétés civiles, Rousseau met à l’actif de l’Etat le développement de la raison et celui de la moralité, qui en est la conséquence. Il critique Locke et Pufendorf, qui affirment l’existence d’un droit de propriété antérieur à tout contrat social. Rousseau n’est pas d’accord avec Hobbes car pour lui l’autorité politique ne peut en aucun cas être assimilée au droit du plus fort. Rousseau critique Condillac qui admet avec l’Ecriture qu’Adam et Eve furent en état de réfléchir et de communiquer leurs pensées en sortant des mains de Dieu. Mais il suppose ensuite un événement extraordinaire, le déluge, qui ne laissera en vie que deux enfants de sexe opposé égarés dans les déserts. Il imagine ces enfants retombés dans l’état de pure nature, sans aucun usage de la parole. Rousseau met également en cause la méthode utilisée par Buffon dans sa Théorie de la Terre.
Rousseau cherche à repérer l’origine de l’inégalité qui fait correspondre à la naissance d’un Etat. Mais il ne va pas aborder le problème en historien, il va l’aborder en philosophe : comment est-on passé de la nature à la culture ? Selon lui on ne peut pas retrouver un état originaire de l’homme, alors lorsqu’il imagine un état de nature, c’est-à-dire un homme vivant dans une société sans Etat, c’est une hypothèse méthodologique qui va lui permettre de mieux penser la nature de l’homme et donc le fondement de l’inégalité. Il est impossible de penser la nature de l’homme en dehors de la culture, c’est-à-dire de la société selon Rousseau. L’homme à l’état de nature c’est la condition de l’homme dépouillé de ses qualités artificielles. La division du travail était sexuelle dans cette société autarcique. Le « bon sauvage » est bon parce qu’il n’a pas besoin d’être méchant puisqu’il n’y a pas d’inégalités sociales parce qu’il n’y a pas de propriété privée. Il n’est ni orgueilleux, ni jaloux parce que le désir n’excède pas le besoin. On ne peut pas penser la nature de l’homme en dehors de la société. On peut penser qu’une société sans inégalités est possible dans le futur car la cause de l’inégalité sociale n’est pas l’inégalité entre les hommes. C’est l’inégalité sociale qui fait que certains hommes deviennent orgueilleux, belliqueux, jaloux… L’homme n’a pas une nature donnée, prédéterminée, qui précèderait l’action sociale et éducative, il a une nature historique qui peut changer selon les conditions historiques et sociales. Il a un instinct de perfectionnement : il peut remettre sa nature en question.
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