Art, technique et science

Art, technique et science

Relève de l’art toute production qui n’est pas directement issue de la nature. L’art est le produit de l’activité humaine. Ce qui relève de l’art c’est l’artifice. Depuis le XVIIIème siècle il y a une séparation entre les arts et métiers et les beaux arts qui ont pour objet la beauté esthétique (du grec ais-thetikos = qui peut être perçu par les sens). L’esthétique est la théorie qui s’interroge sur le beau sensible.

 

I) Arts et techniques

 

La technique c’est l’ensemble des procédés manuels et intellectuels dont la finalité est l’adaptation de l’homme à son milieu (satisfaction des besoins pratiques et utilitaires). Les objets techniques sont des reproductions impersonnelles (comme les voitures de série). L’art au sens des arts libéraux a pour visée la beauté et plus précisément le plaisir esthétique (la musique par exemple). Bergson et Heidegger montrent qu’il y a deux manières d’appréhender le réel : pour le technicien le réel n’est que le moyen de satisfaire un besoin utilitaire, la nature est instrumentalisée ; en revanche l’artiste porte un regard désintéressé sur les choses et pour lui le monde accède à une nouvelle dignité : l’objet le plus insipide est générateur de beauté et devient l’objet de la contemplation esthétique. En tant que technicien l’artisan se préoccupe de la finalité utilitaire, mais c’est en tant qu’artiste qu’il se soucie de la beauté de ce qu’il fait. L’artiste ne se préoccupe que de la beauté. Kant fait la distinction entre la beauté adhérente (artisanat, industrie) c’est-à-dire la beauté d’un objet soumis à d’autres critères que le jugement esthétique, et la beauté libre qui ne sert à rien, qui n’est astreinte à aucune autre fonction que le beau lui-même. Le but de l’artiste n’est pas d’accroître sa puissance sur la nature mais de la célébrer, de la symboliser. Théophile Gautier écrit dans la Préface de Mademoiselle de Maupin : « Rien de ce qui est beau n’est indispensable à la vie. On supprimerait les fleurs, le monde n’en souffrirait pas matériellement ; qui voudrait cependant qu’il n’y eût plus de fleurs ? […] Il n’y a de vraiment beau que ce qui ne peut servir à rien ; tout ce qui est utile est laid, car c’est l’expression de quelque besoin, et ceux de l’homme sont ignobles et dégoûtants, comme sa pauvre et infirme nature. – L’endroit le plus utile d’une maison, ce sont les latrines. » Alain montre bien que « la production d’un objet technique est la concrétisation, la réalisation d’un plan qui précède l’action ». Or l’artiste ne procède pas comme cela : « le peintre est spectateur de l’œuvre qui est en train de se faire » dit Alain. L’art n’est pas un travail mécanique dirigé par des règles apprises, ce n’est pas un procédé de réflexion semblable à celui du savant. Hegel dit : «  L’artiste ne saisit jamais de manière abstraite l’idée qu’il conçoit […] il ne peut se la représenter que sous des formes sensibles […] l’art n’est pas la reproduction passive de l’objet mais la symbolisation de la vision de l’artiste ». Ainsi Gautier écrit dans la Préface des Jeunes-France : « Je préfère le tableau à l’objet qu’il représente » et dans la Préface de Mademoiselle de Maupin : « Nul n’aime plus que nous la peinture […] jamais œil ne fut plus avide que nous […] voir c’est avoir […] changer le dictionnaire en palette […] une belle forme est une belle idée car que serais-ce qu’une forme qui n’exprimerait rien ? ».

 

II) Art et science

 

La science explique le visible par l’invisible. Gaston Bachelard montre que dans la science il y a une unification rationnelle de la réalité. Par exemple l’artiste imaginera une symbolique pour justifier la couleur bleue du ciel, il pourra même extrapoler pour recréer du réel, mais un réel fragmenté par le prisme de la conscience. C’est ce que fait Paul Eluard dans « La Terre est bleue comme une orange », car dans A la Recherche du temps perdu Proust déclare que « le style pour l'écrivain aussi bien que la couleur pour le peintre est une question non de technique mais de vision ». Mais si je demande à un scientifique de m expliquer pourquoi le ciel est bleu, il me répondra que la couleur bleue du ciel s’explique par l'importance de la diffusion de Rayleigh. La plupart des longues longueurs d’ondes, les couleurs rouge, orange et jaune en particulier traversent l’atmosphère sans être trop dérangées par ses constituants. Par contre la lumière bleue est absorbée par les molécules d'air qui réémettent ce rayonnement dans toutes les directions. La lumière bleue est ainsi diffusée à travers tout le ciel. C’est la raison qui explique pourquoi, quel que soit l’endroit du ciel que vous observiez, le ciel vous paraît bleu : c’est la fin du rêve et la mort de l’art. La science engendre forcément un désenchantement du réel. D’autant plus que les sciences modernes sont souvent finalisées par des objets techniques puisque la science a pour but d’agir sur le réel. La connaissance scientifique est en rupture avec la connaissance sensible, alors que l’art est une réconciliation entre la raison et les sens : « Voir le monde dans un grain de sable Et un paradis dans une simple fleur, Tenir l’infinité dans la paume de sa main Et l’éternité dans une heure… » (William Blake).

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