Dialogue, pouvoir et violence
Ce qui caractérise la démocratie c’est qu’une partie de la population essaye de dialoguer avec l’autre. Il semble que le dialogue s’oppose à la violence (traités de paix). La violence n’introduit pas des rapports d’écoute mutuelle. En latin la violentia c’est l’abus de la force, le verbe violare signifie violer et agir contre. L’étymologie grècque de la violence c’est l’hybris, c’est-à-dire la démesure. Il y a différents types de violence, elle n’est pas que physique : dans la parole, l’emprise psychologique, sociale et politique. Ce qui caractérise la violence par rapport au dialogue c’est le silence : l’homme du dialogue pense qu’il ne peut avoir un pouvoir légitime sur la raison de l’autre alors que l’homme violent pense que son pouvoir ne vient pas de la raison mais de la force.
I. A quelles conditions le dialogue est-il possible ?
Pour Socrate le dialogue ne peut s’instaurer qu’entre deux personnes qui sont capables de surmonter le point de vue unilatéral de leur opinion. Dialoguer c’est moins communiquer des pensées déjà faites que les exposer et s’exposer à la critique. Le dialogue n’est pas inné car le doute n’est pas naturel. Les philosophes grecs croient que la réflexion philosophique exercée à travers le dialogue conduit le sujet vers la tempérance, la vertu qui permet de maîtriser ses passions. Pour Epicure la philosophie est une thérapeutique de l’âme. Le problème c’est que par définition le sujet violent repousse le dialogue et n’a donc aucune chance d’atteindre cet ordre intime qu’est la tempérance.
Dans La vertu de force, Georges Gursdorf explique que le sujet violent se caractérise par un secret désir de suicide, une volonté d’auto-destruction inconsciente. Le violent refuse d’exercer un pouvoir sur l’autre par la raison. La violence est l’expression d’une faiblesse secrète. Le sujet violent n’a aucune confiance dans la puissance de sa parole, de sa pensée. La violence débouche toujours sur le désespoir, car ce qui est obtenu par la violence est sans valeur. Le monde de la violence c’est le triomphe de l’instinct de mort, c’est un monde sans autrui, un monde dans lequel autrui est considéré comme un moyen et non comme une fin.
Il y a pourtant une vertu curative de la parole. La compréhension de l’opinion de l’autre peut nous faire prendre du recul par rapport à la notre, exorciser nos sentiments agressifs. Et le fait d’être écouté, compris, peut nuancer momentanément certaines déceptions. Spinoza souligne qu’un traité de paix qui traduit non pas un compromis mais une compromission prépare la guerre. Neutraliser un rapport de force ce n’est pas l’abolir. « La non-violence est une violence sur soi » dit Gandhi.
II. Le dialogue est-il le meilleur moyen d’affronter la violence ?
Gandhi explique que l’affirmation d’une volonté de négociation, de dialogue pour résoudre les conflits ne peut être utilisée dans n’importe quelle situation. Parfois la seule réponse possible à la violence est la violence. « Entre la lâcheté et la violence je choisirais la violence » disait Gandhi. Dans certains cas on renforce le pouvoir du tyran par une parodie de dialogue.
III. La violence est inhérente à la conscience humaine
Merleau Ponty montre que l’homme se situe toujours entre l’humanisme et la terreur. Pour Hegel, la relation à autrui est nécessairement marquée par le conflit mais le conflit n’est pas un obstacle à la communication mais un moment inévitable de la communication : « le monde humain commence lorsque le conflit éclate ». Hegel poursuit en montrant que ce qui caractérise la conscience humaine c’est le désir. Et tout désir est le désir de l’autre, c’est-à-dire un désir de reconnaissance. Mais la première manière qu’ont les hommes d’être reconnus c’est d’introduire un rapport de domination.
Par conséquent, si la violence est parfois nécessaire, elle n’est jamais légitime. Et même si elle est efficace à court terme, elle détruit à long terme tout effort communautaire.
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