Peut-on dire que la machine est responsable de l'aliénation de l'homme ?
Aujourd’hui les progrès techniques ne constituent pas toujours un moyen d’amélioration des conditions de vie. Si la machine transforme la nature pour la rendre conforme à nos besoins, cette activité de négation de la nature va se retourner contre l’homme. Il perd le contact avec la nature, c’est la machine qui fait le travail de négation pour lui, aussi y a-t-il une perte d’intensité et d’activité intellectuelle dans le travail. Lorsque l’outil était le seul intermédiaire entre l’homme et la nature, c’était l’homme par son esprit d’invention qui donnait une forme à la nature. Or, dans les manufactures, à grande échelle, il y a avec la création d’un nouveau milieu social, une transformation de la nature qui échappe à l’homme, il devient un instrument de la machine, elle est la suprême ruse de la raison humaine qui se retourne contre son créateur dans la mesure où la machine fait de l’homme un instrument et exclut la part de réflexion qui revient à tout homme. Globalement, l’homme travaille moins mais individuellement il travaille plus. Cette analyse de Hegel est reprise par Marx, le développement du machinisme dans la société capitaliste a causé une triple aliénation : celle du produit (le travailleur fait une petite partie du produit, il ne maîtrise pas son projet de construction), l’aliénation de l’activité productrice (elle devient répétitive, le travail n’est plus un but mais un moyen), l’aliénation du producteur lui-même (l’ouvrier est devenu l’instrument dont le capitaliste achète la force de travail, l’ouvrier vend sa force de travail tout en sacrifiant sa vie, l’essence de la vie étant de se former). Le fondement de la division du travail dans la société capitaliste débouche sur l’aliénation du travailleur.
En diabolisant les objets techniques (« c’est la télé qui abrutit les gens »), on se déresponsabilise. La technique est neutre, c’est l’usage qu’on en fait qui est dangereux. Etre humaniste c’est penser que tout ce qui arrive à l’homme n’arrive que par la volonté de l’homme. Les machines témoignent de la culture humaine, le robot ne peut remplacer l’homme car il est créé par l’homme, il n’y a pas de machine qui se reproduise sans l’intervention de l’homme. Les âges de l’humanité se définissent selon les événements techniques : l’âge de pierre, l’âge de fer, la Révolution française correspond à l’âge de la machine à vapeur. Ce qui veut dire que par le travail et le développement des techniques, l’homme produit son propre milieu qui influence les mentalités. Aussi le philosophe doit-il être mécanologue, montrer l’évolution des techniques au cours de l’histoire, leurs relations avec la science, montrer qu’elles font partie intégrante de la culture humaine, qu’elles témoignent d’un savoir-faire et d’une ingéniosité gagnés au cours de l’histoire de l’humanité et qu’on doit avoir un rapport paisible avec la technique : ne pas verser dans la technophobie mais voir comment toute nouvelle technique peut être utilisée à des fins morales, et le mécanologue n’a pas comme l’industriel l’intention de faire des profits, il s’interroge toujours sur la manière dont est utilisée la technique.
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