Analyse de Le goût du néant de Baudelaire
Commentaire composé
Dans ce poème, la situation d'énonciation évolue de manière à exprimer le spleen dans toute son intensité. Le poète, en s'adressant d'abord à son propre esprit puis à Dieu, crée une progression dramatique qui culmine dans un désir de mort, reflétant la profonde désolation et le désespoir inhérents au spleen baudelairien.
1. Le poète s’adresse à son esprit
Au début du poème, le poète s'adresse à lui-même, marquant une introspection profonde. Dès le premier vers, l'antithèse entre un "esprit morne" et l'amour de la lutte illustre la dichotomie entre le passé, où régnait l'espérance, et le présent, empreint de désillusion. Cette séparation est renforcée par l'emploi d'allitérations en “ch”, soulignant la résignation et la lassitude du poète.
La métaphore du "vieux cheval" dans le vers "Couche-toi sans pudeur" symbolise l'épuisement et le renoncement, tandis que l'expression "Résigne toi mon cœur ; dors ton sommeil de brute" traduit un désir de fin, une volonté d'abandonner la vie, marquée par une césure à l'hémistiche qui reflète un rythme de vie saccadé, à l'image d'une respiration haletante.
Le poète évoque son passé en se désignant comme un "vieux maraudeur", soulignant la perte du goût pour les plaisirs autrefois savourés. Cette évocation du passé contraste avec le présent, où le cœur, meurtri, aspire à un repos définitif. Les vers 5, 10 et 15, servant de résumés des strophes, structurent le poème et renforcent sa musicalité, rappelant la technique de Verlaine.
2. Le poète s’adresse à Dieu
Dans la seconde partie, le poète s'adresse à Dieu, marquant un tournant dans le poème. En faisant ses adieux aux plaisirs de la vie, comme la musique dans le vers "Adieu donc, chants du cuivre et soupirs de la flûte!", il exprime un renoncement total. La musicalité de ce vers souligne ironiquement l'abandon de ce qui apportait autrefois de la joie.
Le poète implore Dieu de ne plus le tenter, illustrant son rejet des plaisirs terrestres et son aspiration à une fin morne et tranquille. La rime interne "cœur sombre et boudeur" accentue cette renonciation volontaire.
L'évocation de la fuite du temps, thème cher aux romantiques, est particulièrement sombre ici : "Et le temps m’engloutit minute par minute, Comme la neige immense un corps pris de roideur". Le poète se sent englouti par le temps, comparant sa progression inexorable à une mort lente et glaciale.
Les correspondances entre les sens (l'ouïe, l'odorat, et peut-être le toucher) enrichissent le poème, tout en soulignant l'isolement et le désespoir du poète. Sa supplication finale à Dieu, "Avalanche, veux-tu m’emporter dans ta chute ?", est une métaphore puissante de son désir de disparaître, emporté par les forces implacables de la nature.
Conclusion :
Ce poème de Baudelaire illustre parfaitement le concept de spleen. La progression de l'adresse de soi à Dieu montre une escalade dans le désespoir et la résignation. Le poète, ne trouvant aucun remède à son mal-être, envisage la mort comme une échappatoire, une libération de son spleen accablant. Le ton lugubre et la progression dramatique du poème en font une expression poignante de la souffrance intérieure.
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