Analyse de Parfum exotique de Baudelaire
L’odorat, déclenché par l’évocation du "sein chaleureux", joue un rôle fondamental dans la création de la vision intérieure du poète. Le "sein", à la fois symbole d’intimité amoureuse et de chaleur protectrice (qui peut aussi évoquer la mère), diffuse une odeur qui agit comme un déclencheur sensoriel. Cette odeur ne se limite pas à une simple sensation physique : elle ouvre la porte à l’imaginaire et transporte le poète dans un monde idéal.
Le verbe "je respire" (vers 2) précède immédiatement "je vois" (vers 3), montrant ainsi une correspondance directe entre l’odorat et la vue intérieure. La chaleur et la sensualité de l’odeur provoquent donc un voyage mental : les yeux fermés, le poète ne perçoit plus la réalité, mais un paysage exotique et lumineux. C’est cette connexion intime entre les sens, propre à la synesthésie baudelairienne, qui transforme une expérience sensorielle en une rêverie visuelle pleine de lumière et de douceur.
Le cadre de "un soir chaud d’automne" est particulièrement propice à la rêverie, car il combine plusieurs éléments favorables à l’évasion mentale. D’abord, la chaleur évoquée est inhabituelle pour la saison automnale, ce qui confère au moment une atmosphère singulière et presque irréelle. L’automne est traditionnellement une période de transition vers le froid et la mélancolie, mais ici, il prolonge la douceur de l’été. Cette chaleur inhabituelle crée donc un décalage propice à l’imaginaire, comme si le temps lui-même devenait flou.
Ensuite, la douceur de la nuit évoque un cadre intime et apaisant, renforcé par l’idée des "yeux fermés" du poète. Le soir est aussi un moment de repli sur soi, où les perceptions sensorielles sont exacerbées, notamment l’odorat et la vue intérieure. Ce contexte de calme et de chaleur enveloppante invite donc le poète à s’abandonner à ses sensations et à laisser son esprit vagabonder vers des rivages idéaux. C’est ce cadre hors du temps, entre réalité et idéalisation, qui nourrit la rêverie baudelairienne.
Dans les quatrains, Baudelaire met en relation les sens de manière étroite et progressive, créant un enchevêtrement sensoriel typique de la synesthésie. Le point de départ est l’odorat, évoqué dès le vers 2 avec « je respire l’odeur de ton sein chaleureux ». Cette odeur, à la fois sensuelle et réconfortante, déclenche une réaction en chaîne qui fait intervenir les autres sens.
L’odorat est immédiatement lié à la vue au vers 3 avec « je vois se dérouler des rivages heureux ». Le passage de l’un à l’autre est souligné par la symétrie des verbes « je respire » et « je vois », qui montrent que les sensations se répondent simultanément. Ce lien est renforcé par le champ lexical de la lumière au vers 4 (« éblouissent », « feux », « soleil »), suggérant que l’odeur conduit à une vision éclatante et lumineuse.
Le toucher est également évoqué de manière implicite par l’adjectif « chaleureux » du vers 2, qui ne décrit pas seulement la chaleur physique du corps, mais une sensation enveloppante et tactile. Ce toucher subtil participe à l’atmosphère de douceur et de langueur du poème.
Enfin, le goût apparaît au vers 6 avec l’évocation des « fruits savoureux », intégrant ainsi une nouvelle dimension sensorielle qui enrichit ce monde imaginaire. Ce passage au goût, associé aux plaisirs exotiques et sensuels, complète la mosaïque sensorielle des quatrains.
Ainsi, les quatrains mettent en place un réseau complexe où les sens se mêlent et se répondent, traduisant la manière dont l’odorat initial provoque une expérience totale, reliant les sens entre eux pour créer une rêverie harmonieuse et idéalisée.
L’abondance sensorielle dans les quatrains est rendue par une série de procédés poétiques qui traduisent la richesse et l’harmonie des sensations évoquées. Les enjambements jouent un rôle clé, notamment entre les vers 3 et 4 (« je vois se dérouler des rivages heureux / Qu’éblouissent les feux d’un soleil monotone »), en prolongeant la description et en donnant une impression de continuité, comme si les sensations s’écoulaient sans interruption, reflétant la fluidité de la rêverie. Le parallélisme syntaxique, quant à lui, met en valeur la simultanéité des sensations : les verbes « je respire » (vers 2) et « je vois » (vers 3) introduits en début de vers traduisent la manière dont l’odorat déclenche immédiatement une vision intérieure. Ce lien est renforcé par le champ lexical de la lumière et de la chaleur, omniprésent avec des termes tels que « éblouissent », « feux », « soleil » ou encore « chaleureux », qui donnent l’impression d’un monde baigné de lumière et de douceur. Les sonorités contribuent aussi à cette atmosphère harmonieuse : les assonances en [ou] et [eu] (« heureux », « chaleureux », « paresseuse ») créent une musicalité douce et enveloppante, tandis que la régularité rythmique des alexandrins accentue le sentiment de sérénité. Ainsi, ces procédés poétiques s’entrelacent pour donner naissance à un tableau sensoriel où les sens ne sont plus dissociés, mais se mêlent pour produire une rêverie totale et immersive.
L’évocation du jardin d’Éden dans les quatrains repose sur la construction progressive d’un monde exotique et idéalisé, où la nature est généreuse et harmonieuse, rappelant le paradis originel. Dès les premiers vers, Baudelaire installe un univers de bonheur et de douceur, notamment avec les « rivages heureux » (vers 3), expression qui suggère un lieu utopique. L’île décrite au vers 5 est qualifiée de « paresseuse », une hypallage qui accentue l’idée d’un espace de repos et de plénitude, à l’écart du monde réel. Cette île est également un lieu d’abondance, comme le montrent les pluriels de « des arbres singuliers » et « des fruits savoureux » (vers 6), soulignant la générosité de la nature.
L’évocation biblique devient plus explicite avec la mention des « fruits savoureux », qui rappellent le fruit défendu de la Genèse. Cependant, dans ce poème, ces fruits ne symbolisent pas la faute originelle, mais plutôt un plaisir innocent et exalté. Les hommes et femmes décrits aux vers 7 et 8, par leur simplicité et leur pureté physique (« mince et vigoureux », « franchise »), évoquent Adam et Ève avant la chute. Leur beauté naturelle et leur absence de perversion traduisent un retour à un état primordial où l’harmonie entre l’humain et la nature n’est pas encore rompue.
Toutefois, cette évocation du jardin d’Éden n’est pas une simple allusion biblique : chez Baudelaire, elle s’inscrit dans une quête d’idéal inaccessible. Le monde qu’il décrit est le produit de la rêverie, un espace imaginaire provoqué par l’odeur de la femme, et non une réalité concrète. Ce jardin paradisiaque devient donc une métaphore du bonheur recherché mais éphémère, qui ne peut être atteint que par l’imaginaire et la synesthésie. Ainsi, Baudelaire revisite le mythe du jardin d’Éden en le transformant en un lieu de sensualité, de plaisir et d’idéal artistique.
Dans Parfum exotique, la femme joue un rôle fondamental en tant que source d’inspiration à la fois sensorielle et spirituelle, guidant le poète dans une rêverie qui transcende le simple plaisir des sens pour atteindre un idéal. Dès le début du poème, c’est son odeur, symbolisée par le « sein chaleureux » (vers 2), qui déclenche la vision intérieure. Ce parfum a une double connotation : il est à la fois érotique, évoquant l’intimité amoureuse, et maternel, représentant la chaleur protectrice et réconfortante. Cette ambivalence permet de relier les sens physiques (le toucher, l’odorat) à une dimension plus affective et profonde.
L’odorat, premier sens activé, ouvre la voie à une cascade de perceptions : la vue (« je vois se dérouler des rivages heureux », vers 3) puis le goût avec les « fruits savoureux » (vers 6). Ce voyage sensoriel, déclenché par la femme, est amplifié par les procédés de synesthésie, où les sens se répondent et se mêlent. La femme devient ainsi un vecteur d’éveil complet des sens, permettant au poète de dépasser la simple expérience corporelle pour accéder à un monde imaginaire idéal.
Mais cette inspiration dépasse le domaine sensoriel : elle est aussi spirituelle. Dans les tercets, la rêverie s’intensifie jusqu’à toucher l’âme du poète (« Se mêle dans mon âme », vers 14). La femme, par son parfum, n’est donc pas seulement une présence physique ; elle est une médiatrice entre le monde sensible et le monde spirituel. Elle incarne cette quête d’idéal chère à Baudelaire, où le bonheur et la beauté ne se trouvent pas dans la réalité tangible mais dans un voyage intérieur guidé par les correspondances sensorielles. En résumé, la femme est une muse totale chez Baudelaire : elle éveille les sens, nourrit l’imaginaire et permet au poète d’atteindre une forme d’extase spirituelle.
Dans Parfum exotique, la femme joue un rôle fondamental en tant que source d’inspiration à la fois sensorielle et spirituelle, guidant le poète dans une rêverie qui transcende le simple plaisir des sens pour atteindre un idéal. Dès le début du poème, c’est son odeur, symbolisée par le « sein chaleureux » (vers 2), qui déclenche la vision intérieure. Ce parfum a une double connotation : il est à la fois érotique, évoquant l’intimité amoureuse, et maternel, représentant la chaleur protectrice et réconfortante. Cette ambivalence permet de relier les sens physiques (le toucher, l’odorat) à une dimension plus affective et profonde.
L’odorat, premier sens activé, ouvre la voie à une cascade de perceptions : la vue (« je vois se dérouler des rivages heureux », vers 3) puis le goût avec les « fruits savoureux » (vers 6). Ce voyage sensoriel, déclenché par la femme, est amplifié par les procédés de synesthésie, où les sens se répondent et se mêlent. La femme devient ainsi un vecteur d’éveil complet des sens, permettant au poète de dépasser la simple expérience corporelle pour accéder à un monde imaginaire idéal.
Mais cette inspiration dépasse le domaine sensoriel : elle est aussi spirituelle. Dans les tercets, la rêverie s’intensifie jusqu’à toucher l’âme du poète (« Se mêle dans mon âme », vers 14). La femme, par son parfum, n’est donc pas seulement une présence physique ; elle est une médiatrice entre le monde sensible et le monde spirituel. Elle incarne cette quête d’idéal chère à Baudelaire, où le bonheur et la beauté ne se trouvent pas dans la réalité tangible mais dans un voyage intérieur guidé par les correspondances sensorielles. En résumé, la femme est une muse totale chez Baudelaire : elle éveille les sens, nourrit l’imaginaire et permet au poète d’atteindre une forme d’extase spirituelle.
Le passage de l’île au port, qui s’opère entre les quatrains et les tercets, marque une transition dans la rêverie du poète, symbolisant un déplacement de la contemplation sensuelle vers une ouverture vers l’infini et l’aventure. Dans les quatrains, l’île représente un espace clos et protecteur, un paradis idyllique où la nature est généreuse et où les sensations sont pleinement exploitées. Ce lieu isolé, qualifié de « paresseuse » (vers 5), est propice au repos et à la contemplation. Cependant, cet espace n’est pas statique : la rêverie continue d’évoluer et s’enrichit.
Le port apparaît au vers 10, introduit par la femme (« Guidé par ton odeur vers de charmants climats »), ce qui montre que c’est encore elle qui oriente ce voyage imaginaire. Ce déplacement traduit une dynamique de progression : après avoir savouré les plaisirs de l’île, le poète est attiré vers le port, un lieu de transition entre la terre et la mer. Le port est symbolique : il représente un point de départ, une ouverture vers l’ailleurs et l’infini, associé aux rêves d’évasion et de découverte. Les « voiles » et les « mâts » (vers 10) évoquent les bateaux prêts à repartir, suggérant un mouvement, une quête de nouveaux horizons.
Ce déplacement traduit aussi un changement de perspective : de la fixité et de l’abondance de l’île, on passe à une dynamique de mouvement et de voyage. Le port, tout en restant un lieu de sécurité, prépare à l’aventure et à l’inconnu, incarnant la double nature de la rêverie baudelairienne : à la fois ancrée dans les plaisirs sensuels (l’intimité avec la femme) et tournée vers un idéal lointain. Ainsi, ce passage de l’île au port symbolise la transition de la satisfaction immédiate des sens vers une quête plus vaste, un élan vers l’inaccessible propre à la poésie de Baudelaire.
L’utilisation des synecdoques, avec les termes « voiles » et « mâts » au vers 10, et de la personnification des bateaux, « encore tout fatigués » au vers 11, produit un effet double : elle renforce la dimension visuelle et concrète de la rêverie tout en lui donnant une portée symbolique et poétique. Les synecdoques permettent de désigner les bateaux par leurs parties emblématiques, les voiles et les mâts, ce qui concentre l’attention sur les éléments essentiels associés au voyage et à la liberté. Ce procédé donne à la scène une précision visuelle, comme si le poète nous offrait un zoom sur les détails caractéristiques du port, nous plongeant davantage dans cette vision intérieure.
La personnification des bateaux, « fatigués par la vague marine », humanise ces éléments du paysage et crée un effet poétique en leur attribuant une forme de vie propre. Cela suggère que les bateaux, après un long voyage en mer, sont prêts à se reposer temporairement avant de repartir. Cette humanisation participe à la dynamique de la rêverie en montrant que tout dans ce monde imaginaire est vivant et sensible, en harmonie avec les sensations du poète.
Sur un plan symbolique, les synecdoques et la personnification traduisent l’idée de mouvement et de transition. Les bateaux fatigués évoquent la quête perpétuelle de l’ailleurs, le désir d’évasion, tout en suggérant que ce voyage est à la fois physique et intérieur. Ainsi, ces procédés enrichissent la rêverie en associant le port à un lieu de passage entre le repos et le départ, entre la satisfaction des sens et la quête infinie de l’idéal.
Dans les tercets, de nouvelles sensations s’ajoutent à celles déjà évoquées dans les quatrains, enrichissant encore l’expérience sensorielle du poète et contribuant à l’intensité croissante de la rêverie. Alors que les quatrains étaient dominés par l’odorat et la vue, les tercets introduisent des sensations olfactives, auditives et tactiles, montrant une véritable montée en puissance des perceptions.
L’odorat, déjà présente avec le « sein chaleureux » dans les quatrains, prend ici une nouvelle dimension avec le « parfum des verts tamariniers » (vers 12). Ce parfum exotique, associé à la nature tropicale, circule dans l’air, enveloppant le poète d’une atmosphère encore plus immersive et envoûtante. Il devient un fil conducteur qui relie la femme à la nature environnante et qui guide le poète dans son voyage imaginaire.
Le toucher est évoqué à travers l’hyperbole « m’enfle la narine » (vers 13). Ici, l’air chargé de parfums est si intense qu’il semble provoquer une sensation physique, transformant l’olfaction en une expérience tactile. Ce passage montre la fusion des sens propre à la synesthésie baudelairienne, où les limites entre les perceptions s’estompent.
Enfin, l’audition apparaît au dernier vers avec le « chant des mariniers » (vers 14). Ce chant, associé aux marins et au voyage, symbolise à la fois l’apaisement et l’appel vers l’ailleurs. Il clôt la montée sensorielle du poème en apportant une touche sonore, qui vient se « mêler dans [l’]âme » du poète, soulignant l’aboutissement spirituel de cette expérience.
Ainsi, les tercets s’ouvrent à une pluralité de sensations — l’odorat, le toucher et l’audition —, qui, par leur enchaînement harmonieux, traduisent l’extase croissante du poète. Cette fusion sensorielle, marquée par la synesthésie, accompagne la transition de la jouissance sensorielle vers une plénitude intérieure et spirituelle.
Les synesthésies sont essentielles dans *Parfum exotique*, car elles permettent de comprendre comment la montée progressive des sensations conduit à l’extase finale, où les perceptions physiques fusionnent pour atteindre une dimension spirituelle. Chez Baudelaire, la synesthésie — ce phénomène où les différents sens se répondent et s’enrichissent mutuellement — est un moteur fondamental de la rêverie. Dès les quatrains, l’odorat, symbolisé par l’odeur du « sein chaleureux », provoque une réaction en chaîne qui active la vue (« je vois se dérouler des rivages heureux ») et d’autres sensations comme le toucher (« chaleureux ») et le goût (« fruits savoureux »). Ces correspondances sensorielles créent une harmonie parfaite, où chaque sensation en appelle une autre, traduisant la recherche d’un monde idéal où tous les sens coexistent et s’intensifient.
Dans les tercets, cette fusion devient encore plus évidente. L’olfaction est amplifiée par le « parfum des verts tamariniers », qui, loin de se limiter au simple plaisir de l’odorat, provoque une sensation physique, presque tactile, avec l’image hyperbolique « m’enfle la narine ». Cette intensité sensorielle prépare le poète à la dernière étape : l’audition du « chant des mariniers » au dernier vers. Ce chant, associé à la douceur et au voyage, se « mêle dans [l’]âme » du poète, marquant le point culminant de la rêverie. Ce dernier vers montre que toutes les sensations, autrefois dispersées, se rejoignent en un même point : l’âme, lieu de la plénitude spirituelle.
Les synesthésies sont donc essentielles, car elles traduisent la montée graduelle de la rêverie, où les plaisirs des sens ne sont pas isolés mais reliés entre eux pour créer une expérience globale. C’est cette fusion sensorielle qui permet au poète de dépasser la simple jouissance corporelle et de toucher à l’idéal baudelairien : une extase où les sens et l’esprit s’unissent dans une parfaite harmonie.
Dans *Parfum exotique*, la transition du plaisir des sens à une dimension spirituelle s’opère progressivement grâce à l’intensification des sensations et à leur fusion, rendue possible par la synesthésie. Le poème suit une trajectoire ascendante : il commence par une expérience sensuelle et physique déclenchée par l’odeur du « sein chaleureux » (vers 2), pour culminer dans une extase où les sensations s’élèvent et se transforment en une plénitude intérieure.
Le plaisir des sens est omniprésent dans les quatrains, où chaque sensation est éveillée et mise en relation. L’odorat (l’odeur du « sein chaleureux ») entraîne la vue (les « rivages heureux »), puis le goût avec les « fruits savoureux ». Cette richesse sensorielle, liée à la présence de la femme, est d’abord ancrée dans une sensualité charnelle et une imagerie exotique et paradisiaque. Cependant, même à ce stade, les sensations ne sont pas purement physiques : elles ouvrent la porte à un imaginaire idéalisé, suggérant déjà une quête d’au-delà.
Dans les tercets, la montée en puissance des sensations prépare le passage à une dimension spirituelle. Le parfum des « tamariniers » devient si intense qu’il est ressenti physiquement (« m’enfle la narine »), illustrant la fusion des sens. Ce processus culmine au dernier vers, lorsque toutes les sensations — olfactives, tactiles, visuelles et auditives — se rejoignent et se « mêlent dans [l’]âme ». L’utilisation de ce terme montre que le voyage du poète ne se limite pas à une jouissance corporelle mais atteint une profondeur intérieure, un état où les sens transcendent leur fonction première pour éveiller l’esprit.
Ce passage de la sensualité à la spiritualité repose donc sur l’idée baudelairienne de correspondances : les sensations terrestres ne sont qu’un moyen d’accéder à un idéal supérieur, inaccessible dans la réalité. En fusionnant les plaisirs des sens, le poète parvient à un état d’extase qui dépasse la simple jouissance physique pour toucher à une forme de beauté et de bonheur spirituels, caractéristique de sa quête de l’idéal.
Ce poème illustre parfaitement la recherche d’un idéal baudelairien, car il met en scène un voyage intérieur où les sensations terrestres permettent de s’évader vers un monde imaginaire, idéal et inaccessible dans la réalité. Dès le début, la rêverie est déclenchée par un élément concret, l’odeur du « sein chaleureux » (vers 2), symbole d’une intimité physique et affective. Pourtant, cette sensation sensorielle ne reste pas limitée au plaisir immédiat : elle ouvre la voie à un univers exotique et lumineux, un « ailleurs » idéalisé, représenté par des « rivages heureux » et une « île paresseuse » (vers 3 et 5). Ce lieu utopique, baigné de chaleur et de lumière, se distingue par son abondance et son harmonie : la nature y est généreuse avec des « arbres singuliers » et des « fruits savoureux » (vers 6), tandis que les hommes et les femmes semblent vivre dans une innocence originelle, évoquant un paradis perdu.
Cette quête d’idéal passe également par la fusion des sensations grâce à la synesthésie, qui permet au poète de dépasser les limites du monde réel. L’odorat, la vue, le toucher et l’audition ne sont pas dissociés, mais se complètent pour créer une expérience globale, où la réalité matérielle se fond dans une vision spirituelle. Le dernier vers, « Se mêle dans mon âme au chant des mariniers », montre que ce voyage sensoriel conduit à une plénitude intérieure, suggérant que l’idéal recherché ne se trouve pas dans la réalité tangible, mais dans l’imaginaire et l’introspection.
Ce poème s’inscrit donc pleinement dans la démarche des *Fleurs du mal*, où Baudelaire explore la tension entre la réalité décevante et l’aspiration à un ailleurs idéal. Ici, la femme joue un rôle de médiatrice entre le monde des sens et celui de l’esprit, permettant au poète de transformer une expérience charnelle en une quête spirituelle. Cette idéalisation passe par l’exotisme, la synesthésie et la fusion des sensations, qui traduisent le besoin baudelairien de dépasser la banalité du quotidien pour toucher à une forme de beauté et de bonheur absolus. Cependant, cet idéal reste fragile et éphémère : il n’existe que dans l’imaginaire, soulignant ainsi l’idée baudelairienne que le bonheur est toujours recherché, mais jamais pleinement atteint.
Baudelaire montre que le bonheur se trouve dans l’imaginaire et non dans la réalité en créant, à travers *Parfum exotique*, un voyage intérieur déclenché par une sensation réelle, mais qui s’épanouit dans un monde idéal inaccessible. Le point de départ de la rêverie est concret : l’odeur du « sein chaleureux » (vers 2), symbole d’une intimité amoureuse. Cependant, au lieu de rester ancré dans la réalité, le poète ferme les yeux (vers 1), signe qu’il s’abandonne à une vision intérieure. Ce geste est essentiel, car il marque la transition entre le monde sensible et l’imaginaire : la réalité physique est laissée de côté au profit d’une rêverie idéalisée.
Cette évasion se manifeste par la construction progressive d’un paysage exotique et paradisiaque : les « rivages heureux » (vers 3), l’« île paresseuse » (vers 5) et les « fruits savoureux » (vers 6) sont autant de symboles d’un lieu utopique. Ce monde n’est pas une description réaliste, mais une projection mentale, où la nature est parfaite et généreuse, et où les hommes et les femmes semblent vivre dans une innocence originelle. Le choix des hypallages, comme « île paresseuse » et « rivages heureux », renforce l’idée d’un monde idéalisé, créé par l’esprit du poète, et non observable dans la réalité.
Baudelaire montre également que cette quête de bonheur repose sur les synesthésies, qui fusionnent les sensations pour créer une expérience globale. Les perceptions olfactives, visuelles, tactiles et auditives se mélangent harmonieusement, culminant au dernier vers, où elles se « mêlent dans [l’]âme ». Ce processus illustre que le bonheur ne vient pas de la satisfaction d’un seul sens physique, mais de la fusion totale des sensations dans l’esprit. L’imaginaire devient alors un espace d’élévation et d’extase, tandis que la réalité, elle, reste inapte à offrir cette plénitude.
En somme, Baudelaire montre que le bonheur véritable est un idéal que seul l’imaginaire peut atteindre. La femme, la nature exotique et les sensations ne sont que des médiateurs permettant au poète de s’élever vers cet état de plénitude. Cependant, cet idéal reste temporaire et fragile : une fois la rêverie terminée, le poète est condamné à retrouver la réalité, marquant ainsi la mélancolie sous-jacente à sa quête d’un bonheur inaccessible.
Dans ce sonnet de Charles Baudelaire, l'exotisme et la sensualité s'entremêlent pour créer une atmosphère à la fois onirique et érotique. L'analyse de ce poème révèle comment Baudelaire utilise l'exotisme pour exprimer la sensualité, en faisant appel à une riche palette sensorielle et à des images évocatrices.
I) L’exotisme
a) L’évocation de la nature tropicale
Dès le début, Baudelaire plonge le lecteur dans un univers exotique : “Quand, les deux yeux fermés, en un soir chaud d'automne, Je vois se dérouler des rivages heureux”. Cette ouverture suggère une évasion mentale vers un lieu lointain et idyllique. L'emploi de termes comme “rivages heureux” et “soleil monotone” renforce cette impression d'un ailleurs paradisiaque et immuable.
L'île décrite est un lieu de plénitude et de beauté naturelle : “Une île paresseuse où la nature donne Des arbres singuliers et des fruits savoureux”. Cette description évoque un Eden terrestre, un lieu de désir et de tentation, rappelant le jardin d'Eden biblique. Les habitants de l'île, “hommes dont le corps est mince et vigoureux, Et des femmes dont l'oeil par sa franchise étonne”, sont présentés comme des incarnations de la beauté naturelle et de la franchise, renforçant l'atmosphère de sensualité.
b) L’importance des synesthésies
La synesthésie, mélange des sens, est un élément clé de l'exotisme baudelairien. “Je respire l'odeur de ton sein chaleureux,” mêle le toucher (chaleur) et l'odorat, créant une expérience sensorielle intense. Cette fusion des sens est récurrente dans le poème, comme dans “Se mêle dans mon âme au chant des mariniers”, où l'odeur et le son se combinent pour créer une expérience immersive.
II) La sensualité
a) À travers la figure féminine
La sensualité est incarnée par la figure féminine, centrale dans la seconde partie du poème. “l'odeur de ton sein chaleureux” suggère une intimité profonde et sensuelle avec la femme aimée. Cette image est renforcée par la structure en rimes embrassées, symbolisant l'étreinte amoureuse.
L'île, décrite comme “paresseuse”, peut être vue comme une métaphore de la femme, offrant à la fois repos et plaisir. “Des arbres singuliers et des fruits savoureux” évoquent une fécondité et une générosité sensuelles, tandis que “Guidé par ton odeur vers de charmants climats” suggère que la femme est à la fois muse et guide dans ce voyage sensoriel.
b) L’évocation de l’orgasme
Les images du poème suggèrent également une montée vers l'orgasme. “Quand, les deux yeux fermés, en un soir chaud d'automne” peut être interprété comme un moment de lâcher-prise sensuel, où le poète se concentre sur ses sensations internes. “Encor tout fatigués par la vague marine” évoque la détente post-orgasmique, tandis que “Qui circule dans l'air et m'enfle la narine” suggère une intensité croissante du désir et du plaisir.
Conclusion :
À travers ce sonnet, Baudelaire réussit à tisser un lien étroit entre exotisme et sensualité. L'exotisme sert de toile de fond à une exploration profonde de la sensualité, où les sens sont en éveil et les images érotiques subtilement suggérées. La synesthésie joue un rôle crucial dans cette fusion des sens, transportant le lecteur dans un monde où le désir et la beauté se confondent. Baudelaire, en poète de la modernité, transcende ainsi les frontières du réel pour explorer les profondeurs de l'expérience humaine.
Écrire commentaire