Analyse de Un barrage contre le Pacifique de Marguerite Duras

Analyse de Un barrage contre le Pacifique de Marguerite Duras

Incipit

Marguerite Duras est une auteure du XIX siècle. Elle nous délivre à travers  Un barrage contre le Pacifique, un roman autobiographique. 

 

 I) Un incipit in medias res

a) Un cadre imprécis et clos

 On apprend le lieu de vie “à leur coin de plaine saturée de sel”. Ils habitent près de “Ram”. Ils vivent dans la “plaine” ce qui prouve leur enfermement.

Ils sont à l’écart  comme le montre l’opposition entre eux et le monde extérieur. Ils sont isolés géographiquement mais aussi socialement “ à ceux qui vivent ailleurs, à ceux qui sont du monde.”

 La ville de Ram montre la rupture avec la solitude de leur plaine, cela représente la vie par apport à la mort.

 

b) L’ennui et la solitude des personnages

 A travers cet incipit, le lecteur a une description très floue des personnages.

 En effet on connaît uniquement leur nombre, ils sont “trois” et seulement un est nommé “Joseph”.

 Leur personnalité n’est aucunement décrite. On sait juste que Joseph fume “servir qu'à payer les cigarettes”.

 Duras aborde dans cet incipit le problème de la solitude en montrant des personnages seul “ils se sentaient moins seuls”. L’utilisation du verbe “amener dans “et de l'amener jusqu'à leur coin de plaine saturée de sel” accentue la distance qui les séparent du “monde extérieur”.

 La solitude présente tout au long du texte et elle est souvent marquée par l’utilisation d’adverbes de temps comme “toujours”, “dans la solitude et la stérilité de toujours”.

 

 c) Le style au service de la description

 Le style d’écriture de Duras est assez simple, elle utilise des verbes basiques tels que “être”, “faire” et n’hésite pas à employer un langage familier “il creva”.

 Elle a un style proche de l’oralité comme le montre l’utilisation de subordonnées sans principales : “Même si ça en devait servir qu'à payer les cigarettes de Joseph”.

 Le narrateur est très présent et commente les choix des personnages : “Comme quoi une idée est toujours une bonne idée”.

 Par ailleurs, elle fait une prolepse qui annonce un grand bouleversement dans la vie des personnages : “Et c'est le lendemain à Ram qu'ils devaient faire la rencontre qui allait changer leur vie à tous.”

 

 II) Des thèmes qui se prêtent à une réflexion existentielle

a) L’échec

 Cet incipit présente des personnages voués à l’échec. Le parallélisme de construction “d'en extraire quelque chose” montre leur difficulté à évoluer.

 Ce parallélisme de construction les compare implicitement au sel “jusqu'à leur coin de plaine saturée de sel, jusqu'à eux trois saturés d'ennui et d'amertume”. Or le sel sert à la conservation d’aliments ce qui prouve que leur situation n’évolue pas.

 La répétition et l’utilisation de “si” accentuent leur sentiments “dégoûtés, si dégoûtés”.

 

b) La mort

 “Le cheval était trop vieux, bien plus vieux que la mère pour un cheval, un vieillard centenaire.” le cheval rime ici avec la mort comme le montre l’emploi de l’expression “un vieillard centenaire”. De plus il meurt quelques mots plus tard d’une façon brutale accentuée par l’utilisation du passé simple mais surtout la présence de la virgule qui marque une pause juste avant l’annonce de la mort “, puis il creva”. Cela prouve qu’avec eux, à l’endroit où ils vivent, la vie n’est pas possible puisque la mort domine de tous les côtés, ils sont comme des morts-vivants. 

Le roman s’ouvre donc sur la mort, un des grands thèmes de l’oeuvre de Duras.

 

c) L’espoir

 Malgré l’échec, les personnages bougent, ils essayent de changer les choses comme le montre cette prise de décision sur leur voyage du lendemain : “qu'ils décidèrent le soir même qu'ils iraient tous les trois le lendemain à Ram”.

 “Et c'est le lendemain à Ram qu'ils devaient faire la rencontre qui allait changer leur vie à tous.” à travers cette phrase, le lecteur sait que c’est à Ram que leur vie va prendre un nouveau tournant et cela grâce au verbe de devoir qui les oblige à changer leur vie.

 Par ailleurs, la dernière partie de cet incipit laisse entrevoir une lueur d’espoir pour le lecteur puisque Duras d’une manière moraliste nous montre que toute idée est “une bonne idée” même si le résultat n’est pas concluant.

Le portrait de Monsieur Jo. Comment l’esquisse de ce portrait révèle-t-elle une vision subjective ?

La description s’organise de l’ensemble vers le particulier : d’abord le costume, puis le chapeau, ensuite la figure et en dernier les mains et surtout la bague qui cristallise les fantasmes de richesse de la famille de Suzanne. Le personnage de Monsieur Jo n’est pas décrit comme un bel homme, c’est tout le contraire : il est petit, étroit d’épaules, « sa figure n’était pas belle », Joseph va jusqu’à dire « pour le reste, c’est un singe ». Mais cela n’a pas vraiment d’importance puisque toute l’attention des personnages qui le regardent est fixée sur les éléments qui indiquent la richesse : le tissu en soie « du costume de tussor », sa coupe raffinée qui corrige les défauts physiques du planteur, le chapeau qui semble sorti d’un film, et bien-sûr le diamant « qui confère une valeur royale, déliquescente ». C’est la raison pour laquelle la mère de Suzanne qui a remarqué « qu’il la regardait » pousse la jeune fille à séduire le riche célibataire : « Tu ne peux pas une fois avoir l’air aimable ? » Ainsi on voit qu’un drame social se noue à partir du portrait effectué.

Le cinéma

I) La focalisation zéro nous renseigne sur la vie du personnage de Suzanne

 

- Le cinéma est un lieu ouvert à tous : “ouverte à tous, offerte à tous” qui dispense  plus de bonheur que de nombreuses associations de charité : plus généreuse, plus dispensatrice de bienfaits que toutes les institutions de charité et que toutes les églises puisqu’il offre la paix et le noir, ce que Suzanne recherche plus que la richesse.

- Le cinéma est décrit comme un endroit où tous sont égaux puisque l’on ne voit pas on ne peut savoir qui est blanc ou qui est chinois : “la grande nuit égalitaire du cinéma”. La nuit désigne la nuit artificielle du cinéma qui est pour Suzanne plus belle que la vraie nuit. Le cinéma l'émerveille.

Le cinéma lui permet d’oublier ses erreurs d’adolescente notamment sa relation avec le chinois. : “où se lave toute la jeunesse de l’affreuse crasse d’adolescence.” Ce qui revient à l’idée que Suzanne se sent invisible et donc invincible quand les autres ne la voient pas.

- Ce cinéma la console sur sa relation avec le chinois : “la nuit où se consolent toutes les hontes”, elle ne se sent plus seule dans son malheur et se rend compte que bien d’autres ont fait comme elle, ce qui la rassure.

- La description “la lumière s’éteignit” est une métaphore de l’espoir de Suzanne de trouver l’amour qui s’amenuise de jour en jour.

 - La salle de cinéma est comparée à un oasis dans sa vie : “C’était l'oasis, la salle noire de l’après midi” comme le seul point de bonheur au milieu d’un désert.

- “Suzanne se sentit désormais invisible, invincible et se mit à pleurer de bonheur” chiasme : aspect poétique montre ses émotions. Le narrateur est omniscient. Description des sentiments de Suzanne, le lecteur est invité à lire dans le cœur de Suzanne. Suzanne a peur du regard des autres, de ce fait être invisible est comme être invincible pour elle : elle cherche à ne pas être vue, pour cela elle cherche un endroit sombre où se réfugier et trouve le cinéma. La parole également la met mal à l’aise puisque ses relations avec le monde extérieur sont sources de problèmes pour elle. Comme elle se sent mal dans sa vie, un petit plaisir tel que le cinéma la fait pleurer de bonheur. Cela suggère le malheur quotidien de sa vie qui la fait beaucoup souffrir.

“Car l’écran s’éclaire et devient d’un blanc de linceul.” La fin du film symbolise pour  Suzanne la fin de la vie parfaite, elle voit donc ce blanc comme la mort, et le retour à la vie réelle. La lumière qui s’éclaire est négative pour Suzanne car elle la ramène à la réalité qu’elle cherche à fuir en allant au cinéma.

- “On voudrait bien être à leur place. Ah! Comme on le voudrait.” Suzanne inclut tout le monde dans ses pensées tellement elle est malheureuse.

“Gigantesque communion de la salle et de l’écran”, Suzanne se sent dans le film, à la place de la femme. Le cinéma lui permet de s’évader dans le film. 

 

II) La description du cinéma et du film comme métaphore des attentes amoureuses de Suzanne

 

- “On ne saurait lui en imaginer un autre, on ne saurait rien lui imaginer d’autre que ce qu’elle a déjà, que ce qu’on voit.” Le cinéma montre une femme avec un costume parfait, ce que Suzanne rêve d’avoir.

- “C’est au carnaval de Venise que l’amour l'attend”. Ce carnaval est le lieu typique des rencontres amoureuses. C’est un cliché des scènes de rencontre amoureuses. Cela nous montre le côté idéaliste et rêveur du personnage de Suzanne qui préfère rêver sa vie que la vivre.

- “Il est très beau l’autre. Il a des yeux sombres, des cheveux noirs, une perruque blonde, il est très noble” : naturellement, l’homme est parfait, il est synonyme de beauté et de classe.

- “Elle a naturellement beaucoup d’argent” : la femme reflète la vie parfaite elle doit donc avoir beaucoup d’argent.

- “Il arrive tel l’orage et tout le ciel s’assombrit” : c’est un symbole de rencontre amoureuse, un autre idéal pour Suzanne.

- “entre deux colonnes de marbre, leurs ombres reflétées par le canal qu’il faut, à la lueur d’une lanterne qui a, évidemment, d'éclairer ces choses-là une certaine habitude, ils s’enlacent” : c'est une rencontre amoureuse idéale pour Suzanne qui espère être à la place de la femme un jour dans sa vie.

- “Il dit je vous aime” : c'est l'idéal de Suzanne qui espère voir un homme riche et beau tomber amoureux d’elle et l’arracher à sa vie de misère.

- “Le ciel sombre de l’attente s’éclaire d’un coup” donne l'idée que l’amour saute aux yeux, ce qui est l'un des rêves de Suzanne.

- “Foudre d’un tel baiser” : le baiser est symbolisé par la foudre qui tombe lors d’une tempête de sentiments. Cliché de la rencontre amoureuse, à laquelle Suzanne se raccroche désespérément.

-l44-56 on a la description d’une scène d’amour sur laquelle Suzanne projette son fantasme de l’amour idéal.

-“Les hommes se perdent pour elle” : la femme est une prédatrice “et elle avance au milieu de ses victimes”, elle est en position de force alors que ce n’est pas le cas pour Suzanne qui ne fait que de mauvaises rencontres.

-  “toujours plus accablée par l’appareil immaculé de sa beauté.” : la beauté est une arme, or Suzanne ne sait pas s’en servir.

- “Et voilà qu’un jour de l’amertume lui vient de n’aimer personne.” : la femme n’aime personne, comme Suzanne qui ne cesse de faire de mauvaises rencontres.

- “Après bien des retards” : Suzanne ne désespère pas, elle attend toujours de trouver un homme parfait malgré le temps qui passe.

- “libre comme un navire” : la femme du film est libre alors que Suzanne doit rester avec sa mère et son frère dans un endroit isolé en Cochinchine. Elle aimerait prendre un navire pour partir de ce pays et retourner en Europe pour y trouver le grand amour:  “elle voyage”.

- “Avant même qu’ils se soient fait quoi que ce soit on sait que ça y est, c’est lui” : c'est le rêve de la rencontre qui doit forcément avoir lieu, un rêve pour Suzanne qui n’attend que ça, qu’un homme vienne vers elle pour lui déclarer sa flamme.

- “Les spectateurs n’en auront vu pourtant que la tentative et l’échec leur en restera ignoré.” : Marguerite Duras critique le cinéma, en lui reprochant de ne pas représenter toute la réalité et donc de laisser rêver les jeunes à un amour impossible.

- “Idéal impossible, absurde auquel la conformation des organes ne se prête évidemment pas.” : L’auteur intervient avec ironie dans la scène d’amour pour nous montrer que Suzanne rêvait d’un idéal en réalité impossible.

Les enfants de la plaine

Introduction

 

Au cœur du XXème siècle, le Nouveau Roman émerge comme un courant littéraire révolutionnaire, défiant les conventions et les catégorisations classiques du genre romanesque. Parmi les œuvres emblématiques de ce mouvement, on retrouve "Un barrage contre le Pacifique" (1950), de Marguerite Duras (1914 - 1996). Ce roman, qui peut être perçu comme une autobiographie romancée, se distingue par son style d'écriture unique et son engagement profond, reflétant les préoccupations de son époque. L'une des questions centrales qu'il soulève est la représentation des enfants dans les plaines de l'Indochine coloniale. Comment Duras dépeint-elle ces enfants dans le contexte de son roman novateur ?

 

I. Vision péjorative des enfants

 

Dans "Un barrage contre le Pacifique", la représentation des enfants est marquée par une tonalité péjorative. Duras emploie le champ lexical de la nuisibilité, avec des termes tels que « calamité », « ils envahissaient », pour décrire ces jeunes personnages. Cette lexicalisation, associée à des comparaisons avec des catastrophes naturelles ou des invasions d'animaux nuisibles, crée une image dévalorisante. L'emploi récurrent d'anaphores et de verbes d'action renforce l'idée d'une prolifération incontrôlée : « Il y en avait partout ». Même leurs compagnons, les « chiens errants », sont dépeints de manière dépréciative, ajoutant à cette atmosphère de dégradation.

 

La déshumanisation est un autre aspect crucial de cette représentation. Les enfants sont souvent comparés à des animaux, « perchés sur les arbres », ou décrits à travers des mouvements naturels, « Ils arrivaient chaque année, par marée régulière ». L'utilisation de la forme passive les dépossède de leur sujet, les réduisant à de simples objets. De plus, Duras utilise des figures de style telles que la synecdoque, où les femmes sont réduites à leurs ventres, et une vision mécanique de la grossesse : « le ventre de chaque femme se gonflait d'un enfant, le rejetait, pour ensuite reprendre souffle d’un autre ». Ces enfants semblent alors engloutis par leur environnement et par la misère ambiante.

 

II. Enfants, produit d'un cycle

 

Le roman met également en lumière la notion des enfants comme produits d'un cycle ininterrompu. Duras emploie des énumérations et des généralisations, soulignant l'absence de cas particuliers. Le mot « toujours » revient souvent, insistant sur la régularité et la prévisibilité de ce cycle.

 

La métaphore du cycle végétal est particulièrement éloquente : « Dès le coucher du soleil », « dès le jour », « Chaque année », Duras établit un parallèle entre la naissance des enfants et le cycle naturel des plantes, soulignant l'idée d'une fructification constante. Cette comparaison est renforcée par l'image de la grossesse assimilée à la respiration : « comme si d’une longue et profonde respiration », « reprendre souffle d’un autre », illustrant une continuité naturelle et inévitable.

 

Conclusion

 

À travers ce passage de "Un barrage contre le Pacifique", Marguerite Duras offre un regard presque documentaire sur la condition des populations d'Indochine. Sa description des enfants, loin d'être simplement narrative, se fait l'écho d'une alerte sociale et humanitaire. La vision péjorative et la déshumanisation des enfants, ainsi que leur représentation comme produits d'un cycle perpétuel, reflètent la précarité et la misère de ces communautés. En cela, Duras ne se contente pas de narrer une histoire ; elle invite le lecteur à une prise de conscience profonde sur les réalités de son époque.

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