Analyse des Essais de Montaigne
Analyse Des Cannibales, I, 31 De “Or je trouve, pour revenir à mon propos, qu’il n’y a rien de barbare ni de sauvage dans ce peuple” à “des hommes qui sortent tout fraîchement de la main des dieux”. Comment Montaigne donne-t-il une nouvelle définition de la barbarie ?
I) Une argumentation polémique
a) Un raisonnement organisé
Montaigne introduit son argument en donnant la définition du concept de barbarie (“chacun appelle barbarie ce qui n’est pas de son usage”). La phrase ironique “là est toujours la parfaite religion, le parfait gouvernement, le parfait et incomparable usage de toutes choses” montre une autre acception de la définition de barbarie en définissant ce que l’Ancien monde croit. L’Ancien Monde est majoritairement catholique, et c’est pourquoi Montaigne fait une comparaison entre la sauvagerie d’une pomme et celle d’un amérindien, tous deux créés par Dieu. Cette comparaison entre la pomme et le sauvage lui permet d’en venir à une conclusion : les hommes sont anti-sauvages, donc anti-nature car ils déforment tout et rendent tout artificiel “ce sont ceux que nous avons altérés par notre artifice”. Comme au début de l’extrait, Montaigne rappelle l’esprit corrompu de l’Homme ancien, qui est complètement coupé de la nature. Montaigne fait l'éloge de la société naturelle, présentée ici comme idéale et parfaite par opposition à la société européenne qui ne tient que par un enchevêtrement de lois plus compliquées les unes que les autres : “Ces Anciens n’ont pas pu imaginer un état naturel aussi pur et simple” , “aucune supériorité politique [...] aucune existence de la richesse ou de la pauvreté, pas de contrats [...] Les mots mêmes qui signifient la trahison [...] la médisance”. Il finit son argument en revenant à l’antiquité avec la citation de Sénèque : “Des Hommes qui sortent tout fraîchement de la main des dieux”.
b) L’implication de Montaigne
Montaigne remet en cause les définitions de barbarie et civilisation officiellement rédigée dans le Dictionnaire de l'Académie française. Montaigne, vivant lui-même dans l’Ancien Monde, le critique lui et ses habitants délibérément. L’ironie employée dans plusieurs arguments montre son implication et la dimension polémique de son argumentation : “Cependant, partout où reluit sa pureté, elle fait extraordinairement honte à nos vaines et frivoles entreprises”.
II) L’idéalisation des sociétés du Nouveau Monde
a) Les caractéristiques d’une société parfaite
D’ailleurs, pour sensibiliser le lecteur, Montaigne fait clairement comprendre que Platon serait déçu et écoeuré de l'être humain, s’il voyait l'état de ce monde. D’autre part, Montaigne fait à l'âge d’or, où tout le monde était en contact avec Dieu et la Nature, la mythologie, tout ce qui fait référence au contact de l’humain avec la création de la Terre. Il utilise l’adjectif qualificatif “heureuse” pour montrer que l’humain vit aujourd’hui (1570) dans une société triste et effrayante, vu que le naturel est rejeté. Comme au début de l’extrait, Montaigne rappelle l’esprit corrompu de l’Homme ancien, qui est complètement coupé de la nature. Montaigne fait l'éloge de la société naturelle, présentée ici comme idéale et parfaite par opposition à la société européenne qui ne tient que par un enchevêtrement de lois plus compliquées les unes que les autres : “Ces Anciens n’ont pas pu imaginer un état naturel aussi pur et simple” , “aucune supériorité politique [...] aucune existence de la richesse ou de la pauvreté, pas de contrats [...] Les mots mêmes qui signifient la trahison [...] la médisance”. Il finit son argument en revenant à l’antiquité avec la citation de Sénèque : “Des Hommes qui sortent tout fraîchement de la main des Dieux”.
b) L’usage des références antiques
Montaigne est un auteur Humaniste, reprenant les idées antiques, qu’il idéalise, du contact de l’Homme avec la nature. Les personnes du Nouveau Monde respectent sans le savoir ces idées Humanistes, et c’est pourquoi Montaigne les idéalise également puisqu’elles sont encore dans leur pureté originelle. Montaigne emploie un argument d'autorité avec une référence à l’antiquité (Platon) pour démontrer que les amérindiens ne sont pas plus barbares que nous, et qu’ils vivent seulement sous des lois naturelles et non “abâtardies” par l’Homme européen. Il termine son argumentation en revenant à l’antiquité avec la citation de Sénèque : “Des Hommes qui sortent tout fraîchement de la main des Dieux”.
III) Une mise en question de l’ethnocentrisme européen
a) Une comparaison au détriment de l’Europe
La phrase ironique “là est toujours la parfaite religion, le parfait gouvernement, le parfait et incomparable usage de toutes choses” montre une autre acception de la définition de barbarie en définissant ce que l’Ancien monde croit. L’Ancien Monde est majoritairement catholique, et c’est pourquoi Montaigne fait une comparaison entre la sauvagerie d’une pomme et celle d’un amérindien, tous deux créés par Dieu. Cette comparaison entre la pomme et le sauvage lui permet d’en venir à une conclusion : les hommes sont anti-sauvages, donc anti-nature car ils déforment tout et rendent tout artificiel “ce sont ceux que nous avons altérés par notre artifice”. A cause de leur esprit conditionné, ils n’acceptent plus les choses telles qu’elles sont et sont persuadés d'être naturels : leur esprit est donc corrompu : “nous avons accommodées au plaisir de notre goût corrompu”. Montaigne ici critique l'être humain et le considère d’anti nature et de destructeur, la nature ne doit pas être corrompue : “Il n’est pas légitime que l’art emporte le prix d’honneur sur notre grande et légitime mère Nature”. Montaigne utilise encore un argument ironique, il emploie cette phrase pour que les personnes concernées par ce massacre voient de l'extérieur comment ils agissent : “Cependant, partout où reluit sa pureté, elle fait extraordinairement honte à nos vaines et frivoles entreprises”. Il complète son argument en revenant à un point de vue antique qui montre son humanisme : “Et veniunt ederae sponte sua melius, Surgit et in solis formosior arbutus antris, Et volucres nulla dulcius arte canunt (Properce, Elegies, I II, v 10-11 et 14). L’humain n’est pas capable de faire ce que les animaux font si merveilleusement tel que “le nid d’un oiseau ou la toile d’une araignée”. Montaigne, dans son argument suivant, révèle encore son humanisme en employant un argument d'autorité avec une référence à l’antiquité (Platon) pour démontrer que les amérindiens ne sont pas plus barbares que nous, et qu’ils vivent seulement sous des lois naturelles et non “abâtardies” par l’Homme européen.
b) Une redéfinition de la barbarie et de la civilisation
A cette époque, le barbare était définie, d'après le dictionnaire de l’Académie française de “tout genre, Sauvage, qui n’a ny loix ny politesse”. Montaigne outré par cette mauvaise définition a décidé de la reformuler pour lui donner un sens plus humain et conforme à son acception. En effet, il appelle la barbarie “ce qui n’est pas de son usage”. Cette référence à la Grèce antique, ou les Grecs appelaient barbare tout ce qui est étranger montre encore une fois son aspect humaniste. C’est-à-dire que les habitants de l’Ancien Monde sont des barbares pour les peuples Nouveau Monde et vice-versa a la différence que Montaigne sous-entend que les amérindiens n’ont pas pour habitude de juger. De même pour la civilisation, Montaigne en reformule la définition. Il appelle civilisation tout ce qui n’est pas spontané chez l’Homme. La civilisation est donc pour Montaigne tout ce qui n’est pas naturel, c’est-à-dire tout ce que l’homme a corrompu. Un bon exemple de civilisation est l’Ancien Monde avec ses lois complexes de supériorité, contrats, successions, égoïsme.
Analyse Des Cannibales, I, 31 De «Ils font la guerre contre les peuples qui vivent de l’autre côté de leurs montagnes» à « Vascones, fama est, alimentis talibus usi Produxere animas» Quelle conception de la barbarie est exprimée ici par l’auteur ?
I- Un récit des moeurs barbares
Montaigne propose une description neutre des Cannibales, à la façon d’un récit de voyage : “[Les Cannibales] font des guerres contre les nations qui sont au-delà de leurs montagnes, plus loin sur la terre ferme, guerres où ils vont tous nus, n’ayant d’autres armes que des arcs ou des épées de bois, aiguisées par un bout, à la façon des fers de nos épieux”. Il n’y a pour l’instant aucun jugement.
L’auteur fait l’éloge des guerriers indigènes en soulignant leur courage : “C’est une chose étonnante que la dureté de leurs combats, car, pour ce qui est des déroutes et de l’effroi, ils ne savent pas ce que c’est.”
Les indigènes ne sont pas si barbares car ils s’occupent de leurs prisonniers comme des invités avant de les tuer : “Après avoir longtemps bien traité leurs prisonniers et avec tous les agréments auxquels ils se peuvent penser”.
Le peuple autochtone considère la mort de leurs prisonniers comme un moment de partage “Cela fait, ils le rôtissent et en mangent en commun ; ils en envoient aussi des morceaux à ceux de leurs amis qui sont absents.”, montrant ainsi, leur générosité.
Le récit que fait l’auteur sur les Cannibales propose une justification du cannibalisme, qui est légitimé par l’absence de torture et de souffrance : “le faire rôtir et manger après qu’il est trépassé”.
II - Une stratégie argumentative efficace
Montaigne compare les moeurs sauvages à celles des Européens, puis, progressivement, inverse la conception de la barbarie.
Il continue sa comparaison entre les Cannibales et les Portugais : d’une part, les indigènes mangent leurs prisonniers morts, ils “’[les] assomment à coups d’épée.” tandis que les Portugais utilisent “un corps ayant encore toute sa sensibilité”.
L’humanisme est prôné dans son discours où il fait référence à des personnages antiques “Ce n’est pas, comme on pense, pour s’en nourrir, ainsi que faisaient anciennement les Scythes” et appuie son raisonnement : “Chrysippe et Zénon, chefs de l’école Stoïque, ont bien pensé qu’il n’y avait aucun mal à se servir de notre chair”. Il cite aussi les romains qui ont tué les vieillards, les femmes et les enfants pour nourrir les soldats donc par cette action ils ont décidé qui devait vivre et qui devait mourir parmi eux : “comme [le firent] nos ancêtres [quand], assiégés dans la ville d’Alésia”.
Grâce à ses références à l’Antiquité, et à son système de comparaison, Montaigne utilise des arguments logiques qui visent à convaincre son lecteur par une réflexion sur la barbarie. Il utilise notamment des paroles latines attribuées à Juvénal, “Vascones, fama est, alimentis talibus usi Produxere animas”.
L’ironie de Montaigne décrédibilise les idées des européens sur les indigènes, prouvant que la barbarie venait des Portugais et que, même les indigènes, l’avaient compris : “ils pensèrent que ces gens-ci de l’ancien monde, en hommes qui avaient semé la connaissance de beaucoup de vices dans leur voisinage et qui étaient beaucoup plus grands maîtres qu’eux en toute sorte de méchanceté, n’adoptaient pas sans cause cette sorte de vengeance et qu’elle devait être plus pénible que la leur”.
L’auteur commence à donner à son récit une tournure personnelle en utilisant le pronom personnel “Je” : il commence à changer de stratégie argumentative, essayant de persuader le lecteur en dévoilant ses propres sentiments. Les actes de torture des portugais sont détaillés “à déchirer par des tortures et des supplices un corps ayant encore toute sa sensibilité, à le faire rôtir petit à petit, à le faire mordre et tuer par les chiens et les pourceaux” et éveillent les sentiments du lecteur.
III - Une critique des pratiques occidentales
Montaigne compare de manière indirecte le courage des Cannibales à celui des Européens : “C’est une chose étonnante que la dureté de leurs combats, car, pour ce qui est des déroutes et de l’effroi, ils ne savent pas ce que c’est.”La critique des européens est donc sous-entendue par l’adjectif “étonnante”.
Montaigne prend parti en avouant préférer les moeurs des autochtones à celles des Européens : “Je pense qu’il y a plus de barbarie à manger un homme vivant qu’à le manger mort”, grâce à sa comparaison entre les Portugais et les “barbares”. Ainsi, les Européens sont décrits comme davantage barbares que les Cannibales.
Les Portugais sont l’exemple qui permet à l’auteur de critiquer les moeurs de la société occidentale en général. Les Européens jugent les indigènes, alors qu’ils font parfois pire qu’eux “s’étant aperçu que les Portugais, qui s’étaient alliés à leurs adversaires, usaient contre eux, quand ils les prenaient, d’une autre sorte de mort qui consistait à les enterrer jusqu’à la ceinture et à leur tirer sur le reste du corps force coups de traits, puis à les pendre”.
Montaigne exprime sa colère, du fait que les Européens s’attardent sur les défauts des indigènes alors qu’ils ont un comportement bien plus barbare : “Je ne suis pas fâché que nous soulignions l’horreur barbare qu’il y a dans une telle action, mais plutôt du fait que, jugeant bien de leurs fautes, nous soyons si aveugles à l’égard des nôtres.”
L’auteur continue sa comparaison, entre parenthèses, et affirme que les actions des Européens sont injustifiables en utilisant l’expression “sous prétexte” : “(comme nous l’avons non seulement lu, mais vu de fraîche date, non entre des ennemis anciens, mais entre des voisins et concitoyens et, qui pis est, sous prétexte de piété et de religion)”.
Montaigne s’attaque, en dernier lieu, aux Européens, en faisant la conclusion de son argumentation : “il ne se trouva jamais aucune opinion à ce point déréglée qu’elle excusât la trahison, la déloyauté, la tyrannie, la cruauté, qui sont nos fautes habituelles. Nous pouvons donc bien appeler ces hommes barbares eu égard aux règles de la raison, mais non pas eu égard à nous, qui les surpassons en toute sorte de barbarie.” et en les accusant d’être le peuple le plus cruel.
Analyse Des Cannibales I, 31 De “Trois d’entre eux” à la fin du chapitre
I) Comment Montaigne construit son argumentation pour convaincre et persuader
Montaigne critique la France et son organisation de manière subtile : il rédige son essai comme un carnet de voyages dont les protagonistes sont des amérindiens : “Trois d’entre eux [...] de ce côté ci de l'océan [...] se trouvèrent à Rouen”. La structure de son argumentation est particulière (la période), elle se déroule en deux phases. Tout d’abord il introduit son argument de manière progressive (protase) en décrivant la vision des indiens, ainsi que le contexte politique et social les entourant : “Le roi leur parla longtemps ; on leur fit voir nos manières, notre faste, l’aspect extérieur d’une belle ville”. Cette description va permettre au narrateur, Montaigne de critiquer brusquement (apodose) la France, d’après ce que les étrangers voient “Ils répondirent trois choses dont j'ai oublié la troisième / d’hommes grands, portant la barbe, forts et armés [...] consentissent à obéir à un enfant”. Cette chute permet à Montaigne de faire une deuxième critique, en recommençant le même procédé, description progressive puis nouvelle critique. Cette manière de construire l’argumentation permet à Montaigne de convaincre et persuader.
Il convainc le lecteur en faisant appel à sa raison pour montrer l’absurdité de la monarchie absolue : “ ignorant combien coûtera un jour à leur quiétude et à leur bonheur la connaissance des corruptions de ce côté-ci de l'océan”.
Il persuade le lecteur en faisant appel à ses sentiments pour le faire réagir et le choquer grâce notamment à l’ironie : “mais quoi, ils ne portent point de haut-de-chausses”.
II) Comment Montaigne critique la France et sur quels points
L'argumentation de Montaigne a pour but de critiquer la France. En effet, on voit dans ce passage qu’il critique plusieurs points de la France. Tout d’abord il la critique sur le plan politique en faisant que les indiens se moquent de l'âge du roi et de l’exercice de l'autorité politique au sein du gouvernement : “d’hommes grands, portant la barbe, forts et armés [...] consentissent à obéir à un enfant”. Il critique aussi la France sur le plan social et économique : les indiens sont interloqués de voir les inégalités sociales frappantes, entre riches vivant bien et pauvres vivant dans la misère, sans aide du roi ni des nobles : “Ils trouvaient étrange que ces “moitiés”- ci, nécessiteuses, pussent supporter une telle injustice sans prendre les autres à la gorge ou mettre le feu à leur maison”. Montaigne suggère ici de faire une révolution, alors qu’il a rédigé ses Essais deux cents ans avant la révolution de dix sept cents quatre vingt neuf.
III) Comment Montaigne nous invite à penser différemment en nous ouvrant au point de vue d’étrangers
Cet essai est basé sur l’humanisme puisque Montaigne place l’homme au centre de sa réflexion. En effet, la stratégie de faire parler des indiens qui découvrent un nouveau monde permet aux personnes l’habitant de se remettre en question et de voir un point de vue différent du sien. On voit bien que les indiens aspirent à des idées d’égalité et de justice qui marqueront l’histoire jusqu’à la Révolution : “Leurs moitiés étaient mendiants à leurs portes [...] sans prendre les autres à la gorge ou mettre le feu à leur maison”. D’ailleurs, Montaigne est pionnier dans la technique qui consiste à donner la parole à un étranger puisque Montesquieu et Voltaire reprendront ce procédé.
Etude linéaire du passage
1er mouvement :
Montaigne débute l’anecdote en posant le cadre spatio-temporel ainsi que les personnages concernés : les trois indiens, le roi à Rouen en 1562. Montaigne était présent près de 20 ans plus tôt : “feu Charles X”, “comme je présuppose qu’elle est déjà avancée”. Montaigne imagine au moment de l'écriture que les indiens sont encore entrain de payer le prix de la découverte de l’Europe. Le ton est presque prophétique avec l’emploi du futur “ ignorant combien coûtera un jour à leur quiétude et à leur bonheur …”. Ce ton est vite justifie par la parenthèse “(comme je présuppose)” : le doute est possible mais Montaigne n’insiste pas. L’emploi de la première personne teinte l’anecdote des le départ d’un jugement de l’auteur en défaveur des Européens. Le cadre du récit permet un effet de réel et de confiance racontée dans l’anecdote. Montaigne est un auteur humaniste et il montre clairement cela au début de son récit : la découverte de l’Europe par les Indiens sera pour eux une malédiction, et la fin de l’insouciance. Cela est caractérisé par leur naïveté : “ignorant combien coûtera”, “la connaissance des corruptions”. Le pronom interrogatif quantitatif “combien” montre l’ampleur du prix à payer pour cette curiosité. Montaigne oppose les qualités du Nouveau Monde aux défauts de l’Europe. Les antithèses “quiétude/bonheur”, “douceur de leur ciel/les corruptions de ce côté-ci de l'Océan”. C’est un malheur pour les Indiens d’avoir découvert l’Europe, et cela est renforcé par l’adverbe “bien” : “bien malheureux qu’ils sont de s'être laissé tromper par le désir de la nouveauté”.
2ème mouvement:
Dans ce mouvement, Montaigne décrit plus en détail l’anecdote. il y a deux propositions juxtaposées, la phrase est bien plus courte que la précédente. Montaigne semble s’effacer en abandonnant l’usage des parenthèses et de la première personne, mais il continue a parler : “on leur fit voir notre manière, notre faste, l’aspect extérieur d'une belle ville”. Les Européens sont ici en position de supériorité, et on le voit à travers la périphrase verbale “fit voir”. Le discours du roi n’est pas rapporté : “on leur parla bien longtemps”. La narration continue. Il n’y a plus de connecteurs logiques et Montaigne n’exprime plus son jugement et ses opinions. Il expose simplement les faits. Mais dans cette énumération de faits, Montaigne cache une critique indirecte aux Européens. Des questions sont posées aux Indiens comme leur avis et ce qu’ils trouvent surprenant. Montaigne montre qu’il est authentique et dit la vérité, en montrant qu’il a oublié une des trois réponses : “j’en ai encore deux en mémoire”. C’est un gage d'authenticité entre Montaigne et ses lecteurs. La critique indirecte des Indiens se met en place quand l’auteur rapporte ce qui a le plus surpris les Indiens : “quelqu'un leur demanda ce qu’ils en pensaient, et voulut savoir d'eux ce qu'ils avaient trouvé de plus surprenant”. L’adjectif “surprenant” transcrit en français moderne “admirable”. Admirable signifie donc digne d’admiration et digne d'étonnement. La répétition du terme “étrange” par les Indiens revient donc à formuler une critique des Européens vaniteux, qui veulent que les Indiens les admire, mais le contraire se passe : “ Ils dirent qu'ils trouvaient en premier lieu fort étrange [...] qu'on ne choisît pas plutôt l’un d'entre eux pour commander”. Montaigne peint le roi de façon pittoresque. Les Indiens ne comprennent pas comment des gardes “grands, portant la barbe, forts et armés” puissent obéir à un roi, qui est un enfant. La première étrangeté porte sur le fait que ces hommes supérieurs physiquement au roi puissent accepter d'être soumis, puis sur le peuple Français, qui acceptent d’avoir un enfant comme roi. Ensuite, Montaigne fait une critique sociale sur la richesse et la pauvreté. Il y a des antithèses différenciant les pauvres et les riches dans ce passage. On a d'un côté les riches qui sont “des hommes remplis et gorgés de toutes sortes de bonnes choses” et d’un autre côté les pauvres, des hommes “mendiants à leurs portes, décharnés par la faim et la pauvreté”. Montaigne montre l'énorme injustice économique en France. Le “parmi nous” est presque pathétique. L’emploi du mot “moitié” fait voir l’autre comme un soi-même. Cela montre que les Européens manquent non seulement de justice mais aussi d'humanité. Face a ces injustices, une dernière étrangeté arrive : c’est le fait de supporter ces injustices. Les Indiens ont déjà des visions prématurés de révolution, moment historique qui arrivera 200 ans plus tard. Cela montre que les Indiens sont justes.
3ème mouvement:
Montaigne intervient dans l’anecdote en employant la première personne. L’intervention de l’humaniste permet aux Indiens de parler maintenant de leurs coutumes. C’est un long entretien qui fait écho à celui du roi. Mais contrairement à celui du roi, celui-ci est détaillé. Montaigne mentionne la difficulté de cette conversation. Le mauvais interprète “qui m'assiste si mal” l'empêche de tenir la conversation. Montaigne voit la discussion avec l’autre comme un plaisir, mais il est ici gâché par l'interprète. C'était un plaisir pour Montaigne de découvrir l’autre, un autre monde. La communication est difficile avec les Indiens et Montaigne montre cela en décrivant les gestes “ il me montra un certain espace pour m’indiquer qu’il en avait autant”. Montaigne relate trois questions au sujet du roi. Ces questions suivent un ordre logique. Montaigne rebondit sur les propos des Indiens. La première question porte sur le “profit” de la supériorité de la figure d'autorité. L’indien dit donc que pour lui, un chef est vaillant, courageux (implicitement le contraire du roi français). La deuxième question a une réponse abstraite. La dernière question porte sur le rôle du chef après que la guerre soit terminée. L’Indien répond de manière pittoresque : “on lui taillait des sentiers au travers des fourrés de leurs bois, par où il pût passer bien à l'aise”. Il y a une opposition entre l’ambiance naturelle du nouveau monde et l’aspect urbain de l’ancien monde. Le chef Indien est aussi respecté contrairement au chef Français, qui fait l’objet de nombreuses critiques.
4ème mouvement :
La dernière phrase du texte clôt le chapitre de manière ironique. Il y a une tournure courant et on est sur le ton de la conversation. Montaigne laisse entendre une parole qui aurait pu être prononcée par un Européen. La chute finale après un résumé abusif et vague “tout cela ne va pas trop mal”, L'européen souligne sa futilité en mentionnant une pièce vestimentaire. On peut supposer que les européens reposent l'idée de civilisation et de l'humanité sur un haut de chausse. Ici, Montaigne critique la vanité des Européens, incapables de mettre à profit la rencontre avec l’autre, d’apprendre et connaître de nouvelles coutumes : “Tout cela ne va pas trop mal : mais quoi ! ils ne portent point de haut-de-chausses!”
Conclusion:
Montaigne termine son chapitre sur un récit entre témoignage et apologue. Relater la vision étonnée des Indiens a propos du système politique et social des Français, système criant d’injustice pour celui qui le découvre, permet à Montaigne de faire réfléchir son lecteur sur ses propres coutumes. Il nous est ensuite proposé une figure de roi courageux et respecté à travers la parole de l’indien. Montaigne, ici philosophe, semble se contenter de poser des questions et témoigne encore une fois son ouverture à l’Autre. Montaigne est un auteur humaniste.
Analyse Des Coches, III, 6 de “Notre monde vient d’en trouver un autre” à “de notre monde” Comment Montaigne compare l’Ancien et le Nouveau monde avec un regard humaniste ?
I) La confrontation de l’Ancien et du Nouveau Monde
Montaigne introduit son argument par une phrase décrivant parfaitement son sujet d’argumentation: “Notre monde vient d’en trouver un autre”. Cette phrase lui permet de comparer le nouveau et l’ancien monde. En effet, il critique l’ancien monde, attaché au progrès et qui veut laisser son empreinte sur la Terre. Il idéalise le nouveau monde, qui s’attache aux valeurs humaines et à la nature, conformément à ses valeurs humanistes. L’ancien monde porte des préjugés sur le nouveau monde : ils pensent ne pas avoir de culture, alors qu’en vrai, ils ont une culture aussi raffinée que la culture européenne : “La merveilleuse magnificence des villes de Cuzco et de Mexico”.
Implicitement, Montaigne critique l'esthétique de l’ancien monde en le comparant a la beauté du nouveau monde, ressemblant au Jardin d’Eden : “arbres, les fruits et toutes les herbes, selon l’ordre et la grandeur qu’ils ont dans un jardin étaient excellemment façonnés en or”. Cette phrase montre aussi la confrontation entre l’Ancien et le Nouveau monde, comme s’ils étaient deux mondes différents, avec chacun leurs paradis.
II) Un portrait de l’Amérique comme monde-enfant
Montaigne introduit son argumentation avec une métaphore filée, comparant le nouveau monde à un enfant “tout nu dans le giron de sa mère nourricière et ne [vivant] que par les moyens qu’elle lui fournissait”. En effet, ce monde est en plein développement, et au lieu de les critiquer, l’ancien monde doit leur apprendre à les civiliser, comme un parent éduque son enfant : “[Ce monde] est si nouveau qu’on lui apprend encore son a, b, c”. La métaphore “tout nu dans le giron de sa mère nourricière et ne [vivant] que par les moyens qu’elle lui fournissait” montre l'incapacité de l'amérindien à se débrouiller par lui-même, contrairement à l'européen, qui modifie la nature. La périphrase “mère nourricière” désignant la Terre accentue cela ainsi que la comparaison entre l'amérindien et l’enfant.
L’ancien monde considère le nouveau comme des êtres nouveaux et en devenir : “Il était encore tout nu dans le giron de sa mère nourricière et ne vivait que par les moyens qu’elle lui fournissait”. Montaigne montre que l'Amérique est un monde nouveau en le comparant au Jardin d’Eden : c’est un monde en début de vie, qui n’a pas encore commencé son développement intellectuel, tel un nouveau né : “arbres, les fruits et toutes les herbes, selon l’ordre et la grandeur qu’ils ont dans un jardin étaient excellemment façonnés en or”.
III) Un texte humaniste
Montaigne, auteur humaniste, s’appuie sur un argument d'autorité en reprenant l’exemple d’un poète du Ier siècle avant J-C (Lucrèce) pour faire une comparaison entre la vieillesse de l’ancien monde, qui toute à sa fin et la naissance du nouveau monde, qui a encore beaucoup d'expériences devant lui : “Si nous concluons bien quand nous disons que nous sommes a la fin de notre monde et si ce poète fait de même au sujet de la jeunesse de son siècle”. Encore une fois, Montaigne montre son humanisme en témoignant sa foi en l’Homme, pensant qu’il sera l'héritier de l’ancien monde, qui touche à sa fin : “cet autre monde ne fera qu’entrer dans la lumière quand le nôtre en sortira”.
Montaigne s’appuie de nouveau sur un argument d’autorité avec une autre référence antique : celle des devins. Montaigne évoque avec humour les devins antiques pour montrer qu’il est ouvert à la possibilité que d’autres mondes soient encore découverts après l’Amérique : “Notre monde vient d’en trouver un autre (et qui nous garantit que c’est le dernier de ses frères, puisque les démons, les Sibylles et nous, nous avons ignoré celui-ci jusqu'à cette heure?)”.
Ainsi, Montaigne confronte l’Ancien et le Nouveau monde avec un regard Humaniste en comparant le Nouveau monde à un nourrisson attaché à la Terre et à ce qu’elle lui a donné, et l’Europe à une civilisation décadente et en perte de valeurs.
Analyse Des Coches, III, 6 De « En longeant les côtes» à «la nature et les forces» Comment Montaigne utilise-t-il genre du récit de voyage pour critiquer la colonisation et apporter des idées nouvelles ?
Introduction
Dans cet extrait, Montaigne, figure emblématique du mouvement humaniste du XVIe siècle, illustre à travers un récit de voyage, sa critique de la colonisation et ses idées humanistes. Il se sert d'un récit fictif, ancré dans le contexte historique de la découverte des Amériques par les Espagnols, pour transmettre ses réflexions sur les rapports entre les Européens et les peuples autochtones. À travers ce texte, il questionne les notions de civilisation, de richesse, et la légitimité des actions des colonisateurs.
I. Un récit de voyage
Montaigne dépeint la découverte d'une contrée fertile et plaisante par des Espagnols, en utilisant un vocabulaire typique des récits de voyage, avec des verbes d'action comme "côtoyant" et "prirent". Cette description s'inscrit dans le topos du récit de voyage, rappelant les œuvres de contemporains comme Jean de Léry ou Jacques Cartier. Cependant, l'attitude des Indiens, qui menacent les Espagnols après avoir écouté leurs remontrances, introduit une dimension critique et ironique dans la narration.
II. Une critique de la colonisation
L'ironie de Montaigne transparaît dans sa description des revendications espagnoles. Il critique leur prétention à s'approprier de nouvelles terres au nom d'un roi et d'un pape se proclamant souverains universels. Sa description ironique des demandes de tribut et d'or, présenté comme une médecine, attaque indirectement les pratiques coloniales des Espagnols. De plus, sa critique de la christianisation forcée des populations autochtones est évidente, tout comme son ironie face aux menaces des Espagnols, qui révèlent leur véritable nature agressive et conquérante.
III. Les idées humanistes de Montaigne
Montaigne, à travers les réponses des Indiens aux Espagnols, véhicule ses propres idées humanistes. Il souligne l'inutilité de l'or dans la satisfaction des besoins vitaux, remettant en question la valeur accordée à ce métal par les Européens. Il critique également l'approche menaçante des Européens, soulignant l'imprudence de menacer un peuple dont on ignore les capacités de défense. Enfin, il conclut avec une ironie mordante sur la notion de civilisation, suggérant que les Indiens, vivant en paix et prospérité, pourraient bien être les véritables civilisés.
Conclusion
Montaigne, dans cet extrait, se positionne comme un défenseur des civilisations non européennes et un critique de l'ethnocentrisme de son époque. Il utilise l'ironie et le récit de voyage pour remettre en question les pratiques coloniales et les idées reçues sur la civilisation et la richesse. Son texte est emblématique de l'esprit humaniste, cherchant à promouvoir une compréhension et un respect plus profonds des cultures et peuples non européens.
Analyse de "Que philosopher c’est apprendre à mourir", I, 20 De « A quoy faire y reculez-vous, si vous ne pouvez tirer arriere » à « Tous les jours vont à la mort, le dernier y arrive. Voilà les bons avertissements de notre mère nature. » En quoi la vision de la mort proposée par Montaigne est-elle humaniste ?
I) La conjuration de l’angoisse de mourir
Ce texte cherche à combattre la peur de la mort. Dans les premières lignes, les questions posées par Montaigne donnent une vision libératrice de la peur de mort, conformément à la philosophie stoïcienne qui enseigne que l’on doit accepter ce que l’on ne peut changer car c’est la seule façon de ne pas souffrir. La mort est présentée comme faisant partie de la vie mais comme personne n’est revenu témoigner depuis le royaume des morts, nous n’avons aucune raison d’en être effrayé puisque l’on ne devrait craindre que ce que l’on connaît.
Afin de relativiser l’angoisse de la mort, l’auteur utilise des autorités à la fois irréelles (Chiron et Saturne) et réelles (Thalès) : “Chiron refusa l’immortalité, informé des conditions d’icelle par le Dieu mesme du temps et de la durée, Saturne, son père”.
II) Un nouveau regard sur la mort
La formule : « Un petit homme est homme entier, comme un grand » pousse à réfléchir sur le fait qu’il n’y a pas d’âge auquel on peut devenir raisonnable, et que quel que soit le statut social ou l’apparence physique d’un homme, il devra finir par accepter l’inévitable qui est de mourir.
Il fait dire à la Nature: “Si vous n’aviez la mort, vous me maudiriez sans cesse de vous en avoir privé. J’y ay à escient meslé quelque peu d’amertume pour vous empescher, voyant la commodité de son usage, de l’embrasser trop avidement et indiscrètement. Pour vous loger en cette modération, ny de fuir la vie, ni de refuir à la mort, que je demande de vous, j’ay tempéré l’une et l’autre entre la douceur et l’aigreur”. La Nature démontre donc que la mort est positive et que sans elle, la vie serait bien trop longue et difficile. C’est efficace car il réussit, en mettant ses arguments dans la bouche de la nature, à persuader les personnes qui sont effrayées par la mort.
Analyse De la coutume, I, 23 Comment Montaigne fait-il une critique de la coutume afin de mieux faire l’éloge de la raison ?
Introduction
Dans cet extrait, Montaigne explore les thèmes de la coutume et de la raison, des sujets centraux dans sa pensée humaniste. Il interroge la manière dont les coutumes influencent notre conscience et notre capacité à penser librement, tout en mettant en avant l'importance de l'usage de la raison individuelle pour dépasser ces limites. Cette réflexion illustre parfaitement la quête d'indépendance intellectuelle et l'esprit critique caractéristiques de la Renaissance et des Lumières.
I. La critique de la coutume
Montaigne commence par remettre en question l'idée que nos principes moraux innés proviennent de la nature, suggérant plutôt qu'ils sont le produit de la coutume. Il observe que les valeurs et les normes sont intériorisées dès la naissance, façonnant ainsi notre perception du monde et notre conscience. Cette intériorisation profonde des coutumes rend difficile la pensée indépendante et engendre un sentiment de remords lorsqu'on s'écarte de ces normes. Montaigne souligne que cette conformité est si ancrée qu'elle semble être notre destinée naturelle. Les croyances et opinions communes, renforcées par notre entourage et héritées de nos ancêtres, sont perçues comme des vérités absolues, limitant ainsi notre capacité à penser de manière autonome.
II. L’éloge de la raison
En contraste avec cette critique de la coutume, Montaigne célèbre l'usage de la raison comme moyen de s'émanciper des contraintes sociales et culturelles. Il suggère que ceux qui osent penser différemment, en utilisant leur propre raison, méritent admiration et respect pour leur originalité et leur courage. Montaigne, en s'appuyant sur des références à l'Antiquité, illustre son humanisme et sa croyance en la puissance de la raison. Il critique l'idée selon laquelle ce qui est étranger à nos coutumes est nécessairement irrationnel, soulignant l'irrationalité de cette attitude elle-même. Enfin, il se sert de son propre exemple pour encourager chacun à l'auto-examen et à la réflexion personnelle, invitant les individus à développer leurs propres opinions et à remettre en question les idées reçues.
Conclusion
À travers cet extrait, Montaigne met en lumière la tension entre la conformité aux coutumes et l'exercice de la raison individuelle. Il démontre comment les coutumes, bien qu'omniprésentes et profondément ancrées, peuvent limiter notre pensée et notre jugement. En revanche, l'usage de la raison offre un chemin vers la liberté intellectuelle et l'indépendance d'esprit. Cette réflexion s'inscrit dans la tradition humaniste de la Renaissance, prônant l'éducation, l'esprit critique et la remise en question des idées établies. Montaigne, par son analyse, encourage le lecteur à s'engager dans une quête de connaissance et de compréhension personnelle, libéré des contraintes de la coutume.
Analyse De l’éducation des enfants, I, 26 En quoi le projet éducatif de Montaigne est-il humaniste ?
I) L’éducation traditionnelle
Montaigne reproche aux précepteurs de son temps de débiter des leçons indigestes pour les enfants, de les « gaver » comme des oies. Il leur reproche aussi de ne pas chercher à les intéresser. L ‘évaluation des connaissances par la récitation de leçons ne permet pas selon Montaigne de vérifier que la leçon a été comprise. L’excès d’autorité est un frein à l’enseignement puisque la peur peut bloquer l’enfant et empêcher son apprentissage.
II) Un plaidoyer pour une éducation humaniste
Montaigne veut placer l'enfant au centre du système éducatif. Il rappelle que c'est à l'enseignant de s'adapter au niveau de l'élève et non l'inverse. Montaigne utilise des métaphores pour illustrer ses propos. En tant qu'humaniste, il se réfère aux anciens pour étayer sa thèse car les philosophes de l'Antiquité font autorité (Socrate). L'enseignant devrait être un guide qui accompagne l'enfant sur le chemin de la découverte du savoir sans le contraindre, en suscitant sa curiosité et son intérêt. L'enfant devrait être capable d'adapter ses connaissances à toutes sortes de situations. La récitation simple de la leçon devrait donc être abandonnée au profit de l'argumentation : le précepteur doit écouter son élève.
Analyse De la conscience, II, 5
La thèse de Montaigne est que la torture n’est pas une méthode efficace pour découvrir la vérité. La douleur fait avouer n’importe quoi juste pour que cela s'arrête: “Pourquoi en effet la douleur me ferait-elle plutôt dire ce qui est que ce qui n'est pas?” Sous la torture les gens avouent qu’ils soient coupables ou innocents. Montaigne appuie son argument sur une citation latine pour lui donner plus de poids, car c’est un humaniste: “Etiam innocentes cogit mentiri dolor ”. Quand on soumet quelqu’un à la torture, on lui inflige des supplices sans savoir s’il est coupable : “Il arrive donc que le juge, qui a soumis un homme à la « question » pour ne pas le faire mourir s'il est innocent, le fait finalement mourir et innocent... et torturé.” Montaigne en tant qu'humaniste est nourri par la culture gréco-latine, cependant cela ne l'empêche pas d’avoir un regard critique sur cet héritage : “Plusieurs peuples, en cela moins « barbares » que les Grecs et les Romains, qui les appellent pourtant ainsi, estiment qu'il est horrible et cruel de faire souffrir et démembrer un homme, dont la faute n'est pas avérée. Que peut-il contre cette ignorance ?” Il fait un parallèle avec des peuples appelés barbares par les Européens (les indigènes d'Amérique) pour démontrer la cruauté des hommes qui se croient civilisés. Avec des questions rhétorique Montaigne veut enflammer notre conscience afin de bien peser les conséquences de nos actes de tortures, car le suspect subit une torture à cause de notre ignorance: “Que peut-il contre cette ignorance?” Avec une nouvelle question rhétorique Montaigne s’implique fortement contre la torture. Montaigne essaie de raisonner comme les juges :“N'êtes-vous pas injustes, sous prétexte de ne pas le tuer sans raison, de lui faire subir quelque chose de pire encore que la mort ?” N’ayant pas pu établir la culpabilité du suspect, les juges décident de lui faire subir la torture afin de tenter de découvrir la vérité. Ce raisonnement est paradoxal car pour éviter de condamner un innocent ils lui font subir quelque chose de pire encore qu’une exécution sommaire. Cette pratique est absurde car elle anticipe le châtiment final une fois que est impossible de condamner à mort une personne décédée sous la torture : “Elle est plus pénible que le supplice final lui-même, et bien souvent, tellement insupportable, qu'elle le devance et même l'exécute.” Pour illustrer son propos, Montaigne nous raconte une anecdote ironique : “il fit alors ouvrir le ventre du soldat pour connaître la vérité. Et la femme se trouva avoir raison. Voilà bien une condamnation instructive.” Le général utilise la torture pour chercher la vérité. Or, dès que le soldat a le ventre ouvert il avoue n’importe quoi pour se voir délivrer de cette atroce souffrance. Ainsi, ironiquement, la femme gagne son procès. La dernière phrase du texte concentre toute l’ironie de Montaigne à l’encontre de la justice française.
Analyse de "L’homme n’est pas supérieur aux animaux", II, 12 Comment Montaigne remet-il en cause la supériorité de l’homme sur l’animal ?
I) Le blâme et la dévalorisation
La première phrase “la présomption est notre maladie naturelle et originelle”. il associe un défaut moral à une maladie qui appartient à l’Homme. Vocabulaire péjoratif et dévalorisant pour décrire l’homme. Une énumération de superlatif, “la plus malheureuse, la plus fragile, la plus orgueilleuse”.
Un éloge de l’homme de l'époque de l' ge d’or, “il connaissait leurs véritables qualités et les différences qu’ils présentaient ; et il en tirait une parfaite sagesse, intelligence”. Un vocabulaire mélioratif, “avantage”, “intelligence”, “sagesse”, “heureux”.
Comparaison avec Platon, un grand écrivain de l'Antiquité (preuve qu’il appartient au mouvement de l’humanisme), qui s’est trompé sur ce sujet, “ce grand auteur a émis l’opinion que dans la plupart des cas, la nature leur a donné une forme corporelle fondée seulement sur l’usage que l’on pourrait plus tard en tirer dans les oracles, ainsi qu’on le faisait de son temps”. Ce personnage admirable pensait que l’on pouvait prédire l’avenir en sacrifiant les animaux, il s’est trompé, nous aussi avons le droit à l’erreur.
II) Le doute et le questionnement
Des questions rhétoriques, mais aussi des questions auxquelles il donne les réponses. Les questions vont impliquer le lecteur “Comment peut-il connaître, par le moyen de son intelligence, les mouvements intérieurs et secrets des animaux?” Remise en question des moyens et des critères pour juger de l’intelligence d’un animal. “Par quelle comparaison entre eux et nous conclut-il à la stupidité qu’il leur attribue?”
Une comparaison entre les animaux et les hommes pour montrer l'égalité entre eux. Il prend un exemple de sa vie personnelle, “quand je joue avec ma chatte” Première personne du singulier, “je”. “Nous nous taquinons réciproquement”. Le nous, première personne du pluriel montre l'égalité entre les hommes et les animaux. Aussi, une autre question, “Ce défault qui empêche la communication entre les animaux et nous, pourquoi ne viendrait-il pas aussi bien de nous qu d’eux ?” Si les animaux tiennent le même raisonnement que nous, nous aussi sommes bêtes.
Puis, une comparaison des hommes entre eux, qui ne se comprennent pas, donc comment peut-on comprendre les animaux alors qu’ils ne sont pas nos semblables, “Il n’est pas très étonnant que nous ne les comprenions pas : nous ne comprenons pas non plus ni les Basques, ni les Troglodytes !”
Analyse de "Au sujet d’un enfant monstrueux", II, 30 Comment Montaigne réussit-il à nous convaincre que cet enfant monstrueux est un être humain ?
I- Une argumentation au service d’une idée
a- Un exemple
“Je vis avant-hier un enfant que deux hommes et une nourrice, qui se disaient être le père, l’oncle et la tante, conduisaient pour le montrer à cause de son étrangeté et pour en tirer quelque sou.” Montaigne met en place le récit par un exemple qu’il a lui même vécu.
Dans le second paragraphe: il était [...] comme si un plus petit enfant voulait en embrasser un second, Montaigne fait une description du physique de l’enfant, il met d’abord en avant les choses communes à tous les enfants puis il parle de ses malformations.
b- La stratégie argumentative
Sa stratégie argumentative est de faire une description très détaillée de l’exemple: “il était attaché et collé à un autre enfant sans tête et qui avait le canal du dos bouché”.
Ensuite, Montaigne nous fait part de son raisonnement sur l’attitude de la famille de l’enfant en prenant d’abord le point de vue de Dieu: “ Les [êtres] que nous appelons monstres ne le sont pas pour Dieu”.
Puis il cite une phrase en latin ce qui donne plus de poids à ce qu’il dit : ”Quod crebo videt, non miratur, etiam si cur fiat nescit. Quod ante non vidit, id, si evenerit, ostentum esse censet.”.
Et il termine par une conclusion dans laquelle il finit de nous convaincre en donnant son raisonnement pour irréfutable en utilisant le présent de vérité générale : “ Nous appelons « contre nature » ce qui arrive contrairement à l’habitude : il n’y a rien quoi que ce puisse être, qui ne soit pas selon la nature.”
II- Un discours humaniste
a- Deux visions de l’homme
Montaigne explique que pour l’Homme, les êtres différents sont nommés monstres puisqu’ils ne ressemblent pas aux hommes qui représentent la norme : “ Les [êtres] que nous appelons monstres ne le sont pas pour Dieu”. Alors que pour Dieu, ces humains appelés monstres sont aussi Ses enfants, ce n’est qu’une forme d’homme parmi les autres : “ne le sont pas pour Dieu, qui voit dans l’immensité de son ouvrage l’infinité des formes qu’il y a englobées”. Donc Montaigne avec cet argument théologique veut rendre sa thèse irréfutable.
L’homme contrairement à Dieu compare tout ce qu’il voit avec ce qu’il connaît, c’est à cause de cela qu’ils sont surpris en voyant des choses inconnues: “Quod crebo videt, non miratur, etiam si cur fiat nescit. Quod ante non vidit, id, si evenerit, ostentum esse censet.”
b- L’appel à la tolérance
L’homme est toujours centré sur lui-même puisqu’il compare tout par rapport à ce qu’il connaît: “Nous appelons « contre nature » ce qui arrive contrairement à l’habitude”. De plus, l’argument de Montaigne est que rien ne peut-être “contre nature” puisque tout ce qui existe a été créé par elle: “Il n’y a rien quoi que ce puisse être, qui ne soit pas selon la nature.”
Conclusion:
Montaigne écrit ici un essai qui s'intéresse à la monstruosité physique, il cherche à faire changer d’avis des lecteurs en affirmant le caractère humain de l’enfant.
Analyse De la vanité, III, 9 Comment Montaigne préfigure-t-il les idées des lumières à travers une critique des mauvais voyageurs ?
Dès le début de l’essai, il dit avoir “la complexion du corps libre”, il veut être libre, il soutient les principes de l’honnête homme : il doit pouvoir se mouvoir à sa guise pour accumuler des connaissances. Il adore le monde pour sa variété : il aime voyager pour découvrir de nouvelles personnes et de nouvelles cultures. Il veut apprendre un maximum de connaissances pour se rapprocher de l’honnête homme. Il est tellement curieux que cela lui permet de soulager son estomac. A partir de la ligne 18, Montaigne souhaite démocratiser le voyage à l'étranger. Pour lui tout homme doit partir à l’étranger sans craintes pour s’instruire. Il s’est lui même “jeté aux tables les plus épaisses d’étrangers” il suit donc cette idée : celle de rencontrer des gens pouvant lui apporter des connaissances qui lui seront nouvelles. Pour cela il critique les courtisans Français qui ont peur de l’étranger. Ligne 21 il décrit les courtisans comme des hommes :”nous regardant comme gens de l'autre monde, avec dédain ou pitié.” Or Montaigne souhaite l’égalité entre les hommes, pour lui personne ne doit être supérieur. Enfin pour conclure cet extrait, il évoque explicitement son idéal, celui de l’honnête homme: “On dit bien vrai qu'un honnête homme c'est un homme mêlé.” Il défend ici le fait que l’honnête homme n’a pas peur de se plonger au cœur du monde, de le voire sous tous ses aspects. Or de nombreux courtisans français restent en marge de cette société. Montaigne va donc les critiquer de manière explicite et directe.
Le texte est également polémique : il critique les Français. Montaigne a honte d’avoir dans son peuple des gens qui ne respectent pas les coutumes étrangères : “j'ai honte de voir nos hommes enivrés de cette sotte humeur de s'effaroucher des formes contraires aux leurs:”. Il veut que chaque Français soit ouvert vers l’étranger. Les Français qui voyagent à son époque ont deux statuts, soit ils critiquent les mœurs étrangères, soit ils ont peur de l’étranger. Les premiers décrivent les mœurs étrangères de ” barbares”. Ce mot est hautement ironique puisqu’il amplifie la critique des Français, tous ne pensent pas que les étrangers sont des barbares. Montaigne accentue sa critique pour faire rire le lecteur et ainsi mieux faire passer son message. Les autres ont peur de l’étranger : ils sont décrits comme des voyageurs ”se défendant de la contagion d'un air inconnu.” Là aussi l’ironie est présente, les Français croient que l’air extérieur à celui de la France est contagieux. Comme si cet air propageait une maladie. Ils voyagent donc couverts et entre eux pour limiter les contagions. La critique des Français est satirique : Montaigne fait rire le lecteur pour critiquer son peuple et notamment les courtisans. l20 : “ j’ai parfois aperçu en aucun de nos jeunes courtisans” : Montaigne se lamente sur le futur de son pays qui ne va pas s’instruire à l’étranger. Il veut que ces personnes partent à l’étranger au lieu d’apprendre uniquement les mœurs françaises en attendant leur place à la cour. Enfin selon Montaigne ils ne méritent pas leur poste :”L22 “ Ôtez-leur les entretiens des mystères de la cour”.
Conclusion :
A travers ce texte polémique, Montaigne illustre les principales valeurs de l’honnête homme. Il critique avec humour le peuple français qui a peur de l’étranger. On peut rapprocher Montaigne de nombreux philosophes des lumières. Notamment Voltaire qui va, à travers le personnage de Candide, montrer que l’on découvre le monde en le parcourant et non pas en écoutant les leçons d’un savant.
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