Dans son poème Ispahan, Guillaume Apollinaire offre une évocation de la ville harmonieuse qui captive le lecteur dès le début du texte. En effet, dès le premier vers, le poète s'adresse directement à la ville en la nommant comme destinataire du poème. Les vers suivants confirment l'admiration que l'auteur éprouve pour cette ville en évoquant la beauté de ses roses, de son soleil, de ses musiques. Le thème des roses, rappelant la beauté des femmes, est particulièrement présent dans le poème et Apollinaire fait ressortir la richesse de la ville par la variété et l'abondance de ses musiques.

Mais c'est surtout le vers 30-32 qui résume parfaitement la vision que Guillaume Apollinaire a de cette ville. En effet, il affirme que même les ânes braient si joliment que tout dans cette ville semble beau. Cette évocation de la beauté de la ville, renforcée par la présence de couleurs grises, bleues, rougies et blanches, confère un caractère exotique au poème, renvoyant à des pays lointains et africains.

La ville d'Ispahan est donc un appel au plaisir de tous les sens. Les musiques, les couleurs et les roses évoquées dans le poème stimulent l'ouïe, la vue et l'odorat du lecteur. Les sens sont unis dans ce poème, comme en témoigne le vers 7 qui évoque les musiques qui s'accordent avec l'aube, ou encore les vers 23-25 qui évoquent l'accord entre le ciel et la terre. Apollinaire exprime ainsi sa quête de sensualité et d'amour, renvoyant à une vision très personnelle de la ville d'Ispahan.

En effet, le poème est un éloge de la ville, mais il est également la vision très personnelle de Guillaume Apollinaire sur cette ville. Le poète utilise le pronom personnel « je » à plusieurs reprises dans le texte, affirmant ainsi son engagement personnel dans sa quête de la beauté. Il affirme également que les poètes doivent être en mesure de poser un regard neuf sur l'art, comme en témoigne le vers 11 qui évoque sa capacité de changement. Le poète se montre sensible à la peinture, comme en témoignent les vers 12 et 13 qui évoquent les arts plastiques. En outre, l'irrégularité de la forme du poème renvoie à l'irrégularité et à la diversité que l'on peut trouver dans une ville.

Ainsi, avec Ispahan, Guillaume Apollinaire renouvelle un style conventionnel et vante cette ville par l'originalité des images et des styles. La modernité de l'écriture d'Apollinaire se traduit par une diversité de registres, de couleurs et de longueurs de strophes qui témoignent de l'approche intellectuelle de l'auteur. En somme, Ispahan est un poème qui offre une vision personnelle de l'art et de la poésie, et qui invite le lecteur à se laisser emporter par la beauté de cette ville harmonieuse.

Introduction

"Ispahan", issu du recueil posthume "Il y a" de Guillaume Apollinaire, publié en 1925, reflète le renouveau poétique du début du XXème siècle. Apollinaire, précurseur des surréalistes, se démarque par son audace formelle, notamment par l'absence de ponctuation, comme dans ses recueils célèbres "Alcools" (1913) et "Calligrammes" (1918). Dans "Ispahan", cette absence de ponctuation confère une fluidité et une liberté à la forme, avec des strophes et des vers de longueurs variées. La personnalisation de la ville d'Ispahan invite à une immersion dans un univers où les sentiments sont au premier plan.

I) L'évocation de la ville harmonieuse

Apollinaire personnalise Ispahan, s'adressant directement à elle dès le premier vers et tout au long du poème, comme en témoignent les expressions "Pour tes roses", "Ton soleil", "tes musiques". Cette approche confère à la ville une présence presque humaine, renforcée par des termes affectueux tels que "visage adoré". La ville devient un être aimé, un sujet de passion.

La beauté d'Ispahan est célébrée à travers des images sensorielles riches. Les roses, symbole de beauté et d'amour, sont omniprésentes, évoquant à la fois la sensualité et la délicatesse. Les références aux "musiques", aux "faïences bleues", à la "barbe rougie au henné" et à la "corne d'antilope" transportent le lecteur dans un univers exotique et lointain, riche en couleurs et en sons. L'harmonie entre les différents éléments naturels et culturels de la ville est soulignée, créant une atmosphère de plénitude et de beauté.

II) La vision du poète

Apollinaire insère sa propre présence dans le poème, marquant son expérience personnelle et sa vision unique de la ville. L'utilisation du "je" et des expressions telles que "pour moi", "mes frères" souligne son implication personnelle et émotionnelle dans la description d'Ispahan. Le poète se présente comme un observateur sensible et réceptif, en quête de beauté et d'amour.

Le poème devient également une réflexion sur l'art et la création poétique. Apollinaire questionne la valeur et la nature de son art, suggérant une évolution dans sa perception et sa pratique poétique. L'absence de ponctuation et la variété des formes strophiques reflètent une approche expérimentale et libre de la poésie, mélangeant différents registres, couleurs et longueurs de vers.

Conclusion

"Ispahan" est un témoignage de la modernité d'Apollinaire et de sa capacité à renouveler la poésie. À travers ce poème, il ne se contente pas de dépeindre une ville, mais il offre une vision personnelle et artistique, mêlant émotions, sensations et réflexions sur l'art. La ville d'Ispahan devient ainsi un espace où se rencontrent et se fondent la réalité et la poésie, le tangible et l'imaginaire, le concret et le spirituel.