Analyse du poème "Remords posthume" de Charles Baudelaire
Le poème "Remords posthume" de Charles Baudelaire met en place l'obsession de la mort dès les premiers vers en évoquant les ravages du temps qui passe. L'utilisation du futur renforce la fatalité de la mort qui attend chacun. Les adverbes "Lorsque" et "Quand" situés au début des deux premières strophes marquent une vision du temps bien marquée, et la diérèse "pluvi/euse" insiste sur la décomposition du corps, qui sera inévitable. La gradation dans le choix des verbes tout au long du poème, allant de "dormiras" à "rongera", insiste sur l'idée que le corps sera peu à peu détruit par le temps.
La dépossession des biens matériels est également une source d'obsession de la mort dans le poème. La négation "tu n'auras […] qu'un" restreint le pouvoir d'avoir, et l'opposition entre les biens matériels du monde vivant ("alcôves" et "manoir") et la froideur du tombeau ("caveau pluvieux" et "fosse creuse") souligne le caractère imposant et dominateur du tombeau, avec la périphrase placée en début de poème "monument construit en marbre noir".
L'image du gouffre est également utilisée pour exprimer l'obsession de la mort. La pléonasme "fosse creuse" insiste sur la profondeur des entrailles de la terre, et le champ lexical de la profondeur ("fond d'un", "caveau", "fausse") renforce l'idée que le corps sera englouti dans le néant.
Le poème de Baudelaire évoque également le caractère vivant de la mort. La personnification des objets mortuaires, tels que le tombeau, crée un effet de voix d'outre-tombe, à la fois fantastique et inquiétante. La prosopopée au discours direct crée l'impression que le tombeau est un être compréhensif et en harmonie avec le poète. Le tombeau parle : "te dira". Par ailleurs, l'utilisation du verbe dormir plutôt que mourir au vers 1, ainsi que l'utilisation de verbes de volonté et d'action pour le cadavre (comme "vouloir" et "courir"), donne l'impression que le cadavre est vivant.
Le poème de Baudelaire exprime également la jubilation du poète face à la mort. Les parenthèses du vers 10 mettent en valeur la complicité entre le poète et la mort, plaçant le poète et la mort dans une même intimité. Les expressions qui se rapportent à la mort, telles que "rêve infini" et "grandes nuits", sont connotées positivement. La musicalité du poème renforce cette impression, avec des allitérations en [r] et en [k] qui évoquent la dureté de la mort, ainsi qu'une allitération en [p] (vers 5) qui insiste sur l'écho de la pierre et la dimension oppressante du tombeau.
Enfin, le poème de Baudelaire exprime une revanche sur la femme, notamment sur sa maîtresse Jeanne Duval, que le poète appelle "ma belle ténébreuse". Cette expression est ambiguë, à la fois physique (une métisse) et morale (associée aux enfers). Il n'y a aucun remords du côté du poète, seulement du côté de la femme. Le dernier vers est détaché du reste du poème par un tiret. Il ressemble à un jugement qui tombe, comme une condamnation à mort. Jusqu'ici, la femme paraissait toujours vivante, mais ce dernier vers clôt le poème sur l'idée qu'elle est bien morte, et sur l'idée de la dégradation de son corps.
Baudelaire s'adresse directement à Jeanne Duval dans ce poème. Le poète fait comprendre qu'il vit un amour à sens unique et qu'il en souffre, c'est pourquoi il veut se venger par l'intermédiaire de la mort de Jeanne. Il veut qu'elle souffre et s'aide donc de la mort qui est son ami et son confident. Le "ver" du dernier vers fait écho aux vers des poèmes. Baudelaire espère que son poème fera culpabiliser Jeanne et lui donnera des remords. Baudelaire n'a pas peur de la mort, il en a fait son ami et il la fait parler par l'intermédiaire du tombeau. La mort permet à Baudelaire de se venger de son amante Jeanne Duval. Il veut qu'elle soit rongée par les remords et ne puisse pas se reposer dans son tombeau. La tombe est donc le vengeur du poète.
En conclusion, le poème "Remords posthume" de Baudelaire est un poème sombre et mélancolique qui évoque l'obsession de la mort et la jubilation du poète face à cette dernière. Le poème est également une expression de la revanche du poète sur sa maîtresse Jeanne Duval, qui est associée à la mort et à la dégradation de son corps. Le poème utilise des images puissantes pour évoquer la mort, telles que l'image du gouffre et de la décomposition du corps, ainsi que des personnifications pour donner l'impression que la mort est un être vivant. Le poème est également musical, avec des allitérations qui renforcent l'impression de dureté et d'oppression de la mort.
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