Introduction

La Farce de Maître Pathelin est une œuvre théâtrale médiévale anonyme, datant du XVe siècle, souvent étudiée comme l'un des plus grands chefs-d'œuvre de la comédie française ancienne. Avec ses personnages truculents et son intrigue rusée, la pièce dépeint une satire cinglante de la société et du système judiciaire de l'époque.

 

Présentation des Personnages

Maître Pathelin : L'avocat rusé mais pauvre

Maître Pathelin est le protagoniste de l'œuvre, et c'est un personnage complexe. Il est un avocat, ce qui le place dans une position sociale d'une certaine importance, mais il est également pauvre, ce qui le motive à user de ruses et de tromperies pour parvenir à ses fins. Son ingéniosité et son sens de l'humour font de lui un personnage à la fois sympathique et critiquable. Sa ruse est si bien exécutée qu'elle fonctionne presque à chaque fois, mais elle est aussi la cause de sa propre perte. C'est un homme qui est prêt à faire des compromis sur ses principes éthiques pour satisfaire ses besoins immédiats, ce qui le rend très humain et relatable, mais également un sujet de critique.

 

Guillemette : La compagne de Pathelin

Guillemette, la femme de Maître Pathelin, joue un rôle moins central dans la pièce, mais elle est néanmoins importante pour comprendre la personnalité et les motivations de son mari. Son personnage peut être vu comme un reflet des normes sociales et des attentes envers les femmes de l'époque. Elle est à la fois la complice et la victime des plans de Pathelin, illustrant ainsi les dynamiques complexes au sein des relations de couple dans une société où la ruse et la tromperie peuvent être des moyens de survie.

 

Maître Guillaume : Le drapier trompé

Maître Guillaume est le drapier qui devient la première victime de la ruse de Pathelin. Il représente le commerçant moyen de l'époque, soucieux de ses affaires mais également vulnérable aux supercheries. Sa naïveté le rend à la fois attachant et frustrant, et il incarne la partie de la société qui est exploitable en raison de sa confiance en les institutions comme le système juridique.

 

Thibault l'Aignelet : Le berger rusé

Thibault l'Aignelet est un autre personnage clé de cette farce. Il est un berger accusé de vol, et Pathelin accepte de le défendre en échange d'un paiement. Thibault, cependant, s'avère être aussi rusé que Pathelin et utilise les mêmes techniques de tromperie pour échapper à son dû, ajoutant une couche d'ironie et de comédie à l'ensemble de la pièce.

 

En résumé, chacun de ces personnages apporte une dimension unique à la farce, enrichissant sa texture et sa complexité. Ensemble, ils forment un tableau vivant des tensions sociales, des défauts humains et des imperfections du système judiciaire de leur temps.

 

La Multiplicité des Ruses de Maître Pathelin

Tromperie et Fausse Folie

L'un des exemples les plus frappants de la ruse de Maître Pathelin est sa tromperie de Maître Guillaume, le drapier. Dans cette scène, Pathelin met en œuvre une fausse folie, un stratagème vieux comme le monde, pour semer la confusion dans l'esprit du drapier. Pathelin adopte une série de comportements erratiques et parvient à convaincre Maître Guillaume qu'il est effectivement fou. C'est cette "folie" qui lui permet de repartir avec du tissu sans avoir à payer, exploitant la crédulité et la confiance du drapier.

 

La Ruse au Tribunal

La deuxième grande ruse de Pathelin intervient lorsqu'il défend Thibault l'Aignelet, le berger, au tribunal. Confronté à un système judiciaire qui est tout sauf fiable, Pathelin utilise une nouvelle tactique : il conseille à Thibault de répondre "Bêê" à chaque question qui lui est posée. Ce conseil, bien que simpliste en apparence, a un effet déconcertant sur le tribunal. Les magistrats sont confus et ne parviennent pas à tirer des conclusions sensées de cette étrange comportement, permettant ainsi à Thibault d'échapper à la condamnation.

 

La Ruse Comme Une Arme

Ce qui est particulièrement intéressant, c'est que la ruse fonctionne dans les deux cas, mais à des degrés et pour des raisons différentes. Dans le cas de Maître Guillaume, la ruse exploite la naïveté et la compassion. Dans le cas du tribunal, la ruse joue sur l'incompétence et l'inefficacité du système judiciaire. Ces deux événements montrent comment la ruse peut être une arme polyvalente, capable de s'adapter à différentes situations et cibles.

 

Le Retour de Bâton : Quand la Ruse se Retourne Contre le Rusé

La Ruse de Thibault contre Pathelin

Après avoir réussi à tromper Maître Guillaume et le système judiciaire, Maître Pathelin semble invincible dans son art de la tromperie. Toutefois, sa supercherie se retourne contre lui lorsqu'il tente de recevoir son honoraire de Thibault. Utilisant la même tactique que celle conseillée par Pathelin, Thibault répond "Bêê" à chaque question que lui pose l'avocat. Ce faisant, Thibault réussit à échapper à l'obligation de payer Pathelin pour ses services. C'est un coup de maître qui révèle le risque inhérent à toute forme de tromperie : elle peut se retourner contre son auteur.

 

La Revanche de Maître Guillaume

Maître Guillaume n'est pas non plus une victime passive dans cette histoire. Après avoir réalisé qu'il a été trompé par Pathelin, il cherche à se venger. La manière dont il choisit de le faire n'est peut-être pas aussi élaborée que les ruses de Pathelin, mais elle est tout aussi efficace. Ainsi, la supercherie initiale de Pathelin ne lui apporte pas la récompense escomptée, et il se retrouve en fin de compte la victime de sa propre malice.

 

La ruse peut être une arme à double tranchant, comme Maître Pathelin l'apprend à ses dépens. Après avoir brillamment trompé les autres, il découvre que la ruse n'est pas un privilège exclusif, et que ses propres tactiques peuvent être utilisées contre lui. Cela ajoute une couche de complexité à l'histoire, nous rappelant que la tromperie a ses limites et ses dangers. C'est dans ce retournement de situation que réside l'un des messages les plus puissants de la pièce : la ruse peut être séduisante, mais elle porte en elle les graines de sa propre destruction.

 

Réflexions Sociales

La Tromperie comme Outil de Survie

L'un des thèmes les plus évidents de la pièce est celui de la tromperie. Chaque personnage principal, de Maître Pathelin à Thibault l'Aignelet, utilise la tromperie comme moyen d'atteindre ses objectifs. Dans le cas de Pathelin, la tromperie est un outil de survie dans une société où il se trouve économiquement défavorisé. Sa ruse avec Maître Guillaume met en lumière comment la tromperie peut être utilisée pour exploiter la naïveté et la confiance d'autrui. 

 

La Corruption et le Système Judiciaire

La corruption du système judiciaire est également un thème central de la pièce. Maître Pathelin, en tant qu'avocat, sait comment manipuler le système à son avantage. Le cas de Thibault l'Aignelet sert de catalyseur pour explorer ce thème plus en profondeur. Pathelin utilise ses compétences rhétoriques pour faire innocenter Thibault, démontrant ainsi que le système est facilement corruptible et inefficace dans la dispensation de la justice véritable.

 

Critique Sociale

La pièce sert également de critique sociale, soulignant les failles du système judiciaire et, par extension, de la société dans laquelle ces personnages vivent. Elle pose des questions inconfortables sur les valeurs qui sous-tendent cette société. Le fait que la ruse soit efficace, voire récompensée, est une observation mordante sur le fonctionnement de la société. 

 

Ruse vs Justice

En fin de compte, "La Farce de Maître Pathelin" montre une société où la ruse triomphe souvent sur la justice. Cette efficacité de la tromperie, bien que source de comédie dans le contexte de la pièce, est aussi une critique acerbe d'un système qui permet de telles transgressions. Cela reflète une certaine désillusion à l'égard des institutions qui sont censées maintenir l'ordre et la justice, mais qui sont elles-mêmes imparfaites et corruptibles.

 

Conclusion

La Farce de Maître Pathelin est plus qu'une simple comédie; elle est une réflexion astucieuse et pertinente sur les vices humains et les failles des systèmes sociaux. Le charme du texte réside dans son habile mélange d'humour et de critique sociale, rendant cette œuvre aussi divertissante qu'instructive. Avec ses personnages inoubliables et ses rebondissements, la pièce est une lecture essentielle pour quiconque s'intéresse à la littérature française classique ou aux questions sociales éternelles.