Analyse du chapitre 27 de Gargantua de Rabelais
Introduction
Dans le chapitre 27 de "Gargantua" de François Rabelais, nous sommes plongés au cœur de la guerre Picrocholine, un conflit opposant Grandgousier, le père de Gargantua, à son voisin Picrochole. Ce passage met en scène l'attaque de l'armée de Picrochole contre la ville de Seuilly et l'abbaye de Grandgousier, ciblant notamment les vignes de l'abbaye. Au centre de cet extrait, le personnage de Frère Jean des Entommeures se détache, incarnant une critique joyeuse et burlesque du monde religieux. Le récit, peuplé de protagonistes variés tels que les bergers, les fouaciers et Frère Jean lui-même, se déploie dans une tonalité à la fois épique et parodique, offrant une vision décalée et humoristique de la guerre et de la religion.
I. Une parodie de combat épique
Rabelais emprunte le style de l'épopée chevaleresque pour dépeindre les exploits de Frère Jean, créant ainsi une parodie du genre. Le narrateur s'adresse directement aux spectateurs, soulignant l'horreur spectaculaire du spectacle. Le champ lexical de la violence est omniprésent, mais l'accumulation et l'exagération des actes de Frère Jean, qui triomphe seul de nombreux ennemis, confèrent au récit un effet comique. Cette efficacité destructrice, décrite avec une précision quasi chirurgicale, se mue en burlesque par l'hyperbole des actions : écrasement de crânes, bris de membres, dislocation de vertèbres, etc. L'organisation chaotique des ennemis, soulignée par une accumulation de détails (absence d'ordre, de trompette, d'enseigne, de tambourin), renforce l'aspect comique du récit. L'anaphore de "si" met en lumière la toute-puissance de Frère Jean, tandis que l'accumulation de termes anatomiques, mêlant langage courant et jargon médical, accentue la parodie. Le passage de la description collective à l'individuelle, avec l'évocation de "quelqu'un de sa vieille connaissance", ajoute une touche personnelle à la violence, renforçant l'aspect grotesque du combat. Ainsi, Rabelais transforme Frère Jean en un héros épique surnaturel, loin de l'image traditionnelle du moine.
II. Une satire de la religion
Le détournement des habits monastiques de Frère Jean, qui porte son froc en écharpe, et l'utilisation du "bâton de la croix" comme arme, illustrent l'ironie et l'humour de Rabelais dans sa critique de la religion. La transformation d'un objet sacré en arme par Frère Jean, qui se montre impitoyable, contraste fortement avec l'image attendue d'un moine. La mise en scène d'une foi naïve à travers l'invocation de divers saints (réels ou fictifs) par les personnages, ainsi que l'attaque contre des éléments sacrés de l'Église comme le Saint Suaire, révèlent le scepticisme de Rabelais envers la religion. L'énumération de saints et de reliques, traitée avec hyperbole, souligne l'absurdité de ces croyances pour l'auteur. Enfin, le chiasme "les uns mouraient en parlant, les autres parlaient en mourant" souligne l'inefficacité de ces appels désespérés aux saints, renforçant la satire.
Conclusion
Dans cet extrait de "Gargantua", Rabelais se livre à une double parodie : celle du genre épique et celle de la religion. À travers le personnage de Frère Jean des Entommeures, qui défend non pas une cause noble mais son vignoble, Rabelais détourne les conventions de l'épopée pour en faire une satire truculente. De même, la représentation des moines et de la religion est loin d'être conventionnelle, révélant une critique sous-jacente de l'hypocrisie et de la superficialité religieuses. Ainsi, Rabelais, avec son humour caractéristique et son goût pour la démesure, offre une vision à la fois critique et divertissante de son époque.
Comment Rabelais fait ici une parodie de récit épique pour critiquer les dérives de l’Eglise catholique ?
I) Une parodie de combat épique
“long comme une lance” : comparaison avec lance, introduit le champ lexical de la chevalerie.
“sans ordre, ni enseigne, ni trompette, ni tambourin”: ici, référence aux armée sur le champ de bataille qui viennent en fanfare, ce qui est complètement le cas opposé des maraudeurs, ce qui traduit leurs intentions non violentes.
“parmi le clos vendangeaient”: la raison de cette altercation est le vol, qui ne justifie pas les moyens de répression employés, on est loin des nobles causes de la chevalerie.
“décrochait les hanches, déboîtait les bras…”: on a une énumération hyperbolique des dégâts infligés aux voleurs, qui se rapproche du registre épique. Dans le contexte de l’intrigue, on peut parler de parodie.
“disloquait les spondyles du col”: lexique de la médecine/chirurgie, afin de partager ses convictions. De plus, il dissèque des cadavres afin de développer la médecine et de sauver des vies alors que des moines vont au combat en prendre.
“mais en même temps tu rendras l'âme à tous les diables” : avec son ironie, il marque une rupture avec les idéaux chevaleresques et leur sens de l’honneur, là où il achève sans pitié les pauvres voleurs demandant grâce donc il n’a aucune vertu chrétienne. Le devoir du chevalier est d'épargner le vaincu qui crie merci.
II) La satire de la religion
“se saisit du bâton de la croix” : outil du prêtre visant à bénir les fidèles, ici détourné à des fins meurtrières.
“parsemé de fleurs de lys toutes presque effacées” : emblème de La Vierge Marie, notre Mère à tous. Ce bâton,déjà sacré, porte l'emblème de la Vierge Marie représente la vie, l’amour maternel, la pureté. On voit que ces marques d’effacement sont la preuve de l’usage violent et répété de cet instrument.
“mit son froc en écharpe”: il se défroque, c'est-à- dire qu’il quitte son état monastique et se pare de son froc comme un chevalier allant à un tournoi.
“parmi le clos vendangeaient”: frère jean défend le raisin qui lui sert à faire son vin de messe, en bon ivrogne.
“mais en même temps tu rendras l'âme à tous les diables”: il n’a aucune compassion.
il se moque de l’inefficacité des saints en citant des saints réels et inventés “les autres saint Georges ; les autres sainte Nytouche” et en montrant que la prière ne les sauve pas avec le chiasme : “Les uns mouraient sans parler, les autres parlaient sans mourir, les uns se mouraient en parlant, les autres parlaient en mourant”.
il refuse la confession : “Confession, confession, confiteor, miserere, in manus.”
Écrire commentaire