Analyse du chapitre 31 de Gargantua de Rabelais
Introduction
Dans le chapitre 31 de "Gargantua", François Rabelais, figure emblématique de l'humanisme, aborde avec finesse et ironie la guerre Picrocholienne. Rabelais, qui fut moine, médecin et juriste, s'inspire de l'œuvre "Les grandes et inestimables chroniques du grand et énorme Gargantua", pour créer un univers où se mêlent satire et réflexion humaniste. Dans ce chapitre, il met en scène une discussion entre Picrochole, personnage colérique et belliqueux, et ses conseillers, reflétant les préoccupations des humanistes européens de l'époque, notamment celles d'Erasme et de Thomas More, sur les politiques de conquête et la guerre. Cette scène, à la fois comique et critique, offre une perspective sur la folie des grandeurs et l'absurdité des conflits.
I. Encrage historique
L'histoire de la guerre Picrocholienne, bien que fictive, s'inspire de faits réels et de personnages historiques. Elle évoque la querelle entre le père de Rabelais et un seigneur voisin, reflétant ainsi les conflits mineurs de l'époque. Par ailleurs, Rabelais fait de multiples allusions à Charles Quint, empereur d'origine germanique et rival de François Ier, admiré par Rabelais. La puissance de Charles Quint, souvent comparée à celle d'Octavien Auguste et d'Alexandre le Grand, est critiquée par Rabelais qui, à travers cette superposition des conquêtes, dénonce la politique expansionniste et la soif de pouvoir des dirigeants de son temps.
II. Satire féroce des puissants
Les conseillers de Picrochole, par leur ambition démesurée, deviennent le symbole de la folie des grandeurs. Leur désir de conquête, s'étendant de la région de Chinon au monde entier, est une parodie des ambitions de Charles Quint. Le dialogue, oscillant entre le futur, le présent et le passé, crée un effet fantasmagorique, mélangeant fiction et réalité. La méchanceté et la vanité des conseillers sont mises en évidence par leur langage familier et leurs intentions cupides. Ils rappellent les barons félons du Moyen Âge, conseillant leur empereur pour leur propre intérêt, incarnant ainsi une satire de la politique de Charles Quint.
III. Une scène de comédie
La théâtralisation de l'extrait est marquée par des dialogues vivants où les personnages, notamment Picrochole, apparaissent ridicules et manipulés par leurs conseillers. Le comique verbal est accentué par les noms évocateurs des conseillers (Merdaille, Menuaille, Spadassin), renforçant l'idée de leur vanité et de leur insignifiance. L'assonance en « i » et les décalages comiques, mêlant références antiques et expressions grossières, contribuent à l'effet burlesque. Le contraste entre les ambitions démesurées des conseillers et la réalité de leur situation crée un humour satirique, soulignant l'absurdité de leurs plans de conquête.
Conclusion
Ce chapitre de "Gargantua" illustre parfaitement la critique rabelaisienne de la guerre et de la politique de conquête. À travers la figure de Picrochole, Rabelais dépeint la démesure et l'absence d'humilité des dirigeants, annonçant leur inévitable chute. Derrière le voile de la comédie, l'auteur exprime les inquiétudes des humanistes de son temps, tels qu'Erasme et Thomas More, face aux politiques expansionnistes et belliqueuses des puissants. En dépeignant un roi sage dans "L'Utopie", More contraste avec la figure de Picrochole, soulignant l'importance de la sagesse et de la modération dans le gouvernement. Ainsi, Rabelais, tout en divertissant, invite à une réflexion profonde sur les enjeux politiques et moraux de son époque.
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