Analyse du poème Le Buffet de Rimbaud dans Les Cahiers de Douai

Analyse du poème Le Buffet de Rimbaud dans Les Cahiers de Douai

Dans son poème "Le Buffet", extrait des Cahiers de Douai, Arthur Rimbaud nous convie à un voyage dans le passé en décrivant un vieux meuble chargé d'histoire et de souvenirs. Ce buffet, d'apparence banale, devient sous la plume du poète un être vivant, un témoin silencieux du temps révolu. Rimbaud réussit ainsi à transformer un simple meuble en un confident fidèle, porteur des traces d'une époque révolue.

 

I. La personnification du buffet

Dès le premier vers, Rimbaud confère au buffet une identité propre en le décrivant comme un "large buffet sculpté". Son bois de chêne, sombre et très vieux, lui donne "cet air si bon des vieilles gens". Le poète instaure une comparaison explicite entre le meuble et une personne âgée, accentuant ainsi sa volonté de le présenter comme un être doté d'une âme et d'une histoire. Cette personnification se poursuit dans la dernière strophe avec l'emploi de la seconde personne : "tu sais bien des histoires, / Et tu voudrais conter tes contes". Le buffet semble alors habité par une volonté propre, capable de raconter les récits du passé comme le ferait une personne âgée, désireuse de partager ses souvenirs.

Rimbaud renforce cette impression d'un meuble bruissant de vie à travers une série d'allitérations en "ch", "v", et "f", qui suggèrent le chuchotement, le souffle du buffet. L'allitération en "t" dans "tes grandes portes noires" évoque le bruit du bois qui s'ouvre, renforçant encore l'image d’un meuble animé. Ainsi, le buffet n’est pas un simple objet : il prend vie sous la plume du poète, devenant un gardien des souvenirs qui s’y cachent.

 

II. Le buffet, un vieil ami

L'évolution de l’article indéfini à l'article défini souligne le rapprochement entre le poète et le meuble. Au début, il est simplement "un large buffet", un objet indéfini dans un environnement quelconque. Pourtant, dès le vers 3, il devient "le buffet", comme si le poète s’adressait à un vieux compagnon bien connu. Ce passage marque une entrée dans une intimité, renforcée par le choix du pronom familier "tu" dans la dernière strophe, qui fait du buffet un interlocuteur, presque un ami proche, ou un aïeul.

Rimbaud témoigne d’une certaine sympathie envers le buffet, décrit avec des termes empreints de tendresse, comme "cet air si bon des vieilles gens". La redondance de "vieilles vieilleries" et le champ lexical de la vieillesse ("vieux", "flétries", "grand'mère") soulignent le caractère désuet et précieux des objets contenus dans le buffet. Par cette apostrophe affectueuse : "O buffet du vieux temps", Rimbaud confère à ce meuble une importance presque familiale. Il devient un confident, un ami qui a accompagné le poète tout au long de sa vie.

 

III. Le buffet, témoin du temps passé

Ce buffet est bien plus qu'un simple meuble ; il est le réceptacle des souvenirs et des traces du passé. Les objets qu’il renferme, tels que "les médaillons, les mèches de cheveux blancs ou blonds, les portraits, les fleurs sèches", évoquent les moments révolus, les personnes disparues, comme autant de vestiges d’une époque. Les parfums qui s’en dégagent - "Dont le parfum se mêle à des parfums de fruits" - réactivent les sens du poète. Cette synesthésie (odeurs, parfums, bruissements) fait du buffet un pont entre le présent et le passé. À chaque ouverture, il fait resurgir les souvenirs et les sensations enfouies, devenant une incitation à se souvenir.

Cependant, cette incitation à se remémorer n’a rien de mélancolique. Les "parfums engageants" rappellent des souvenirs agréables, presque doux. Les objets inutiles, voire dépassés, sont en réalité les témoins précieux du temps passé. À travers cette description minutieuse, Rimbaud semble mener une quête sur ses propres origines, cherchant à retrouver, dans ce fouillis de "vieilles vieilleries", un peu de l’histoire familiale et personnelle.

 

Conclusion

Ainsi, Rimbaud, par ce sonnet irrégulier (les rimes sont croisées dans les quatrains), réussit à animer un simple meuble, en faisant de lui un personnage à part entière, un ami fidèle, porteur d'une mémoire vivante. Le buffet devient un miroir du temps, un lieu où se mêlent les traces du passé et les parfums de l'enfance, nous invitant à contempler le passage du temps avec tendresse et nostalgie.


Comment Rimbaud utilise-t-il la forme traditionnelle du sonnet pour rendre poétique un sujet trivial ?

I)  La personnification du buffet

Au cours de la transition entre les quatrains et les tercets le buffet est décrit comme un personnage vivant à qui le poète s’adresse comme un ami/confident: “ - O buffet du vieux temps, tu sais bien des histoires ” avec l’utilisation de la deuxième personne du singulier le poète marque la transition entre le récit et le discours. Dans le sonnet le poète et le buffet sont amicaux et ils présentent un lien d'intimité entre eux malgré le fait que le buffet ne s’exprime pas directement. Le buffet apparaît comme solide et respectable, garant de la sagesse familiale. L’allitération labiale en [m] évoque la tendresse : “les médaillons, les mèches”.

II) Le buffet, un témoin du temps passé

Ici le buffet est décrit comme étant le détenteur d’une infinité de souvenirs à travers le temps :  “C'est là qu'on trouverait les médaillons, les mèches De cheveux blancs ou blonds, les portraits, les fleurs sèches Dont le parfum se mêle à des parfums de fruits.” Cette synesthésie sert à décrire les souvenirs du buffet qui eux, relèvent des cinq sens. Cela montre aussi que le buffet ne se souvient pas d’une personne ou d’un moment précis mais que le souvenir est suscité par ses sens comme l’odorat par exemple : “De linges odorants et jaunes, de chiffons”, “ Dont le parfum se mêle à des parfums de fruits.” L’anaphore de “de” dans le deuxième quatrain renforce l’énumération d’objets obsolètes. Dans ce poème il y a un  jeu sur les sonorités important, de nombreuses allitérations en [v] en [f] et en [ch] pour évoquer la vieillesse. De plus le poète évoque la vieillesse à travers sa répétition du mot :  “c'est un fouillis de vieilles vieilleries,” ainsi qu’en utilisant la métaphore des “fleurs sèches” pour montrer le temps qui passe. Enfin l’allitération en [k] souligne l’impossibilité de raconter le passé : “Et tu voudrais conter tes contes” sous-entend qu’il le voudrait mais ne le peut pas.

III) Une poésie qui transcende le réel 

Ce poème prend une tournure fantastique par la description d’un tableau vivant qui transcende le temps. En effet le dernier tercet évoque le fait que le buffet soit immortel : “ O buffet du vieux temps, tu sais bien des histoires,  Et tu voudrais conter tes contes, et tu bruis Quand s'ouvrent lentement tes grandes portes noires.” L’utilisation du complément du nom “vieux temps” pour décrire le buffet ainsi que le fait qu’il sache “bien des histoires” montre que le buffet a déjà vécu longtemps et il s'apprête pourtant à rouvrir ses portes pour de nouvelles personnes. Le fait que le poète décrive les portes du buffet comme étant “grandes” et “noires” rappelle quand même l’inconnu et la peur de la mort et cela décrit le buffet comme étant un grand tombeau qui renferme les souvenirs de ses anciens invités morts qui sont gardés vivants à travers ces souvenirs que conserve le buffet pendant l’éternité.

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