Introduction

 

Au XVIIème siècle, une époque marquée par la recherche du plaisir et du luxe à la Cour, ainsi que par un développement accru de la raison et de l'esprit critique, Jean de La Bruyère se distingue comme un observateur aiguisé de son temps. Issu de la petite bourgeoisie, il porte un regard à la fois objectif et teinté de pessimisme sur la société de son époque. Dans son œuvre majeure, "Les Caractères", La Bruyère ne se contente pas d'observer la Cour, mais s'intéresse également au monde extérieur. Dans l'extrait "L'injustice sociale", il se penche avec émotion sur la condition des paysans, offrant un tableau vivant de leur quotidien difficile.

 

Analyse linéaire

 

I. Misère des paysans sur le plan de la nourriture

 

Du début à "...à la vue de certaines misères."

 

Dans ce passage, La Bruyère dresse un tableau poignant de la vie des paysans, marquée par un manque cruel de nourriture. Il utilise des parataxes, des phrases courtes qui se succèdent, pour exprimer sa révolte face à cette situation. La comparaison entre les différentes couches sociales est frappante : la préoccupation des riches pour des plaisirs futiles contraste avec le manque essentiel de nourriture chez les paysans. L'hyperbole « Ils ont eu l'audace d'avaler en un seul morceau la nourriture de cent familles » souligne l'indécence du luxe des riches face à la misère des paysans. La Bruyère exprime son rejet de cette injustice et préfère la médiocrité, une condition moyenne, à la vue de ces misères.

 

II. La difficulté de vie des paysans

 

De "L'on voit certains animaux farouches..." à "...ne pas manquer de ce pain qu'ils ont semé."

 

La Bruyère utilise une métaphore filée pour comparer les paysans à des animaux farouches, mystérieux mais robustes. Il décrit leur caractère et leur physique avec des adjectifs forts : noirs, livides, évoquant la dureté de leur travail et leur pauvreté. Ces hommes, enchaînés à la terre, travaillent sans relâche, leur voix rauque et leurs grognements soulignant leur condition presque inhumaine. Ils vivent dans des conditions précaires, se nourrissant de pain noir, d'eau et de racines. La Bruyère souligne l'injustice de leur situation : ils travaillent la terre pour nourrir les riches, mais eux-mêmes manquent du pain qu'ils sèment.

 

III. Comparaison entre les grands et le peuple

 

De "Si je compare ensemble les deux conditions..." à la fin

 

La Bruyère établit une comparaison antithétique et manichéenne entre les grands (la Cour, l'Église) et le peuple. Il accentue l'émotion en montrant que, contrairement aux grands, préoccupés par leur superflu, le peuple se contente de peu pour vivre. Il dépeint le peuple comme bon et incapable de mal, tandis que les grands sont dépeints comme méchants et nuisibles à la société. La Bruyère critique la politesse des grands, qui cache leur méchanceté, et valorise la franchise et la spontanéité du peuple, malgré leur manque d'éducation. Il conclut que l'absence d'esprit est préférable à l'absence d'âme.

 

Conclusion

 

Dans "L'injustice sociale", La Bruyère dresse un portrait sévère des grands de la cour, caractérisés par l'hypocrisie et une éducation superficielle, en opposition aux qualités de cœur du peuple. À travers ce texte, il s'implique personnellement, exprimant son rejet du luxe ostentatoire des riches et son admiration pour les qualités humaines des paysans. Son écriture vise à sensibiliser les grands et les lecteurs aux dysfonctionnements de la société, en choisissant de se ranger du côté des opprimés.