Analyse de Pierrot de Verlaine dans "Jadis et naguère"

Analyse de Pierrot de Verlaine dans "Jadis et naguère"

Introduction

 

Dans "Pierrot", poème extrait du recueil "Jadis et naguère" paru en 1884, Paul Verlaine revisite le personnage traditionnel de la Commedia dell'Arte. Contrairement à l'image habituelle de Pierrot, gai et insouciant, Verlaine dépeint un Pierrot morbide et effrayant. Ce poème offre une vision sombre et mélancolique qui reflète le mouvement romantique et pessimiste du XIXe siècle. Nous allons analyser comment Verlaine transforme ce personnage traditionnellement joyeux en une figure de souffrance et de désillusion.

 

I. Le Pierrot du passé

 

Le titre du poème, "Pierrot", évoque immédiatement le personnage traditionnel de la Commedia dell'Arte. Verlaine rappelle certaines caractéristiques classiques de Pierrot, telles que son aspect "rêveur lunaire" et sa "gaieté". Ces éléments sont renforcés par des références à la blancheur, comme "spectre mince et clair", "lunaire", "éclair", "pâle", "linceul", "blanche", "farine", "exsangue", qui évoquent l'innocence, l'enfance et la naïveté. Des allusions à la chanson populaire "Au clair de la lune" renforcent cette image traditionnelle, avec des expressions comme "du vieil air" et "chandelle…morte". En outre, le caractère maladroit et naïf de Pierrot est suggéré par l'expression "des signes fous", ajoutant une touche de ridicule au personnage.

 

II. Le Pierrot du présent

 

Cependant, une rupture nette avec le passé est perceptible. Des termes comme "ce n'est plus", "morte", "aujourd'hui", "et voici" marquent cette transition. Pierrot acquiert une dimension fantomatique et cadavérique, illustrée par des mots tels que "spectre" et "hante", ainsi que par un champ lexical de la mort. L'image d'une marionnette disloquée est suggérée au vers 7 ("au vent qui l'emporte", "des signes fous"), renforçant l'idée d'un Pierrot désarticulé et perdu. La blancheur, autrefois symbole d'innocence, prend ici une connotation de vide et de mort.

 

Conclusion

 

Dans ce sonnet, Verlaine transforme Pierrot en un symbole de souffrance et de perte d'innocence. Il est possible de voir une projection de l'auteur dans ce personnage, reflétant le pessimisme et le romantisme du XIXe siècle. La mort omniprésente dans le texte symbolise la dégradation ressentie par Verlaine face à son passé. Le malaise et le sentiment douloureux d'un manque sont rendus sensibles par une musicalité des vers légèrement discordante. Ce texte peut être rapproché du spleen baudelairien et évoque, à l'instar de "Parfum exotique" de Baudelaire, la nostalgie de l'enfance perdue.

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