Analyse du poème "Je vous envoie un bouquet" de Ronsard

Analyse du poème "Je vous envoie un bouquet" de Ronsard

Dans son sonnet "Je vous envoie un bouquet", Ronsard, figure majeure de la poésie lyrique de la Renaissance, se fait l'apôtre du Carpe Diem, une philosophie largement diffusée par les poètes de la Pléiade. À travers ce poème, Ronsard, épris de Marie Dupin, une jeune paysanne, transcende son amour personnel pour aborder des thèmes universels tels que la fuite du temps et l'éphémérité de la jeunesse. Ce poème, à la fois déclaration d'amour et méditation sur la condition humaine, illustre comment Ronsard renouvelle le thème du Carpe Diem.

 

I. La fuite du temps

 

L'amour de Ronsard pour Marie Dupin sert de toile de fond à une réflexion plus large sur la fuite du temps. Le poète exprime d'abord sa sincérité envers Marie, soulignée par la juxtaposition des pronoms personnels "je vous" dès le premier vers, établissant une proximité immédiate entre les deux amants. L'envoi d'un "bouquet", simple mais chargé de sens, témoigne de l'affection délicate de Ronsard. Le choix minutieux des fleurs ("trier" au vers 2) et l'emploi du présent renforcent l'idée d'une action immédiate et d'un amour sincère, bien que teinté d'amertume.

 

Cette amertume transparaît dans la mélancolie qui imprègne le poème. Les fleurs, "épanies" (vers 2), symbolisent la beauté éphémère, et leur inévitable déclin ("Chutes à terre elles fussent demain" vers 4) est une métaphore de la jeunesse fugace. La comparaison de Marie à ces fleurs, à la fois dans leur épanouissement ("fleurie" au vers 6) et dans leur déclin ("et comme fleurs périront tout soudain" au vers 8), souligne le caractère éphémère de l'existence, accentué par la fuite du temps.

 

La fuite du temps est explicitement abordée au vers 9, où la répétition de "temps s'en va" et l'utilisation de monosyllabes créent une impression de rapidité. Les sifflantes et les assonances en [en] et [a] fluidifient le temps, tandis que les virgules introduisent des pauses inquiètes, marquant la prise de conscience de la mortalité. Le poète corrige ensuite cette idée, affirmant que ce n'est pas le temps qui s'en va, mais nous ("non, nous nous en allons" vers 10), une vérité plus terrifiante encore, soulignée par l'interjection "Las !" et les assonances en [ou] et [on].

 

II. Avertissements

 

Ronsard ne se contente pas de constater la fuite du temps ; il émet également des avertissements. La mort, initialement évoquée de manière euphémistique à travers la métaphore florale, prend une tournure plus brutale avec "Et tôt serons étendus sous la lame" (vers 11). L'imminence de la mort est soulignée par l'emploi des futurs "serons étendus" et "serons morts", rendant cette issue inévitable.

 

Le poète adopte un ton sentencieux au vers 5, cherchant à moraliser et à prévenir du danger imminent. Cette mise en garde est renforcée par l'emploi de l'adjectif "certain" et par l'antithèse entre "mort" et "nouvelle" au vers 13, soulignant la disparition totale après la mort.

 

Enfin, Ronsard conclut son poème par une invitation au Carpe Diem : "Pour ce, aimez-moi cependant qu'êtes belle." Ce dernier vers, à la fois demande d'amour et conseil d'épicurisme, insiste sur la précarité de l'existence et la beauté éphémère de Marie.

 

Conclusion

 

"Je vous envoie un bouquet" est un sonnet qui se distingue par la manière dont Ronsard aborde le Carpe Diem. À travers un vocabulaire simple mais chargé d'émotion, le poème se transforme d'une déclaration d'amour en une réflexion mélancolique et grave sur la fuite du temps et l'inéluctabilité de la mort. L'amour de Ronsard pour Marie Dupin devient ainsi un prétexte pour une méditation plus profonde sur la condition humaine, une leçon épicurienne qui trouve un écho similaire dans ses "Sonnets pour Hélène", notamment dans le célèbre vers : "Si vous m'en croyez, n'attendez à demain / Cueillez dès aujourd'hui les roses de la vie".

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