Analyse du poème "Promenade sentimentale" de Verlaine
Dans "Promenade sentimentale", un poème extrait de "Poèmes saturniens" (1866), premier recueil de Paul Verlaine, l'auteur nous plonge dans une atmosphère mélancolique et introspective. Ce poème, qui fait partie des sections « Melancolia » et « Paysages tristes », illustre parfaitement l'errance du poète et la transposition de ses sentiments amoureux pour sa cousine Elisa dans le paysage qui l'entoure.
I. L’errance du poète dans une nature paisible
1. La composition du poème
Le poème est structuré de manière réfléchie, formant un chiasme avec un axe central aux vers 8-9. Cette construction en miroir reflète l'errance du poète et la manière dont le paysage extérieur est un miroir de son état d'âme. Les quatre premiers vers dépeignent un paysage d'étangs et de vent, symbolisant une certaine tranquillité. Cependant, cette tranquillité est rompue par la solitude exprimée dans les vers 5 à 8, où Verlaine se décrit comme un fantôme laiteux, enfermé dans son propre monde. Les vers 11 et 12 marquent un retour à la promenade, mais le paysage reste inchangé, malgré l'agitation intérieure du poète.
2. Effet de continuité et fluidité
La versification en décasyllabes et les rimes plates contribuent à une sensation de continuité et de fluidité, évoquant le calme de la nature et la promenade paisible. Les césures à l’hémistiche et l'usage fréquent de l'imparfait accentuent cette régularité et cette monotonie. La syntaxe du poème, caractérisée par des phrases longues et des pauses limitées, renforce cette impression de continuité. Verlaine utilise des accumulations de conjonctions et de pronoms relatifs pour lier les éléments du paysage, créant ainsi une impression de mouvement continu.
3. Un paysage impressionniste
Le paysage, transfiguré par l'imagination du poète au coucher du soleil, prend une apparence irréelle, rappelant la technique des peintres impressionnistes. La lumière rasante et les teintes blanches créent une atmosphère de profonde intensité. Les sons, de plus en plus sourds, traduisent le malaise du poète, comme s'il était étouffé par le brouillard.
II. Un poète malheureux, obsédé par le néant
1. Intrusion d’un malaise
Le poème, jusque-là régulier, est soudainement interrompu par des rejets successifs, mettant en exergue des termes sinistres tels que "fantôme laiteux" et "linceul". Le passé simple "vint" marque une rupture avant de revenir au calme, symbolisant l'apparition soudaine du malaise. Ce malaise est incarné par le fantôme laiteux, métaphore de la souffrance du poète.
2. La complaisance dans l’expression de la souffrance
Verlaine insiste sur sa solitude et sa douleur, comme en témoignent les vers 5 et 11. La répétition de "seul" et "plaie" en césure et en rime suggère une complaisance morbide dans sa souffrance. La "saulaie", évoquant les saules pleureurs, renforce cette idée de tristesse et de solitude.
3. Évolution du paysage entre le début et la fin du poème
Le paysage, initialement animé, devient progressivement plus sombre et immobile. La lumière intense du début fait place à un "épais linceul des ténèbres", et le mouvement du vent cède la place à une stagnation totale. Cette évolution du paysage reflète la descente du poète dans la mélancolie et le désespoir.
Conclusion
"Promenade sentimentale" est une illustration poignante du mal de vivre de Verlaine, influencé par la mélancolie saturnienne. Le poème, à travers son paysage et sa structure, reflète l'état d'âme tourmenté du poète, oscillant entre la beauté de la nature et la profondeur de sa propre souffrance.
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