Analyse du poème "Comme on voit sur la branche" de Ronsard
Dans "Comme on voit sur la branche", extrait de son recueil "Sur la mort de Marie" publié en 1578, Pierre de Ronsard, illustre poète du XVIème siècle et membre éminent de la Pléiade, rend un hommage poignant à Marie de Clèves, maîtresse du roi Henri III, décédée prématurément. Ce poème, également un écho à son amour pour Marie Dupin, se distingue par sa structure de sonnet ni tout à fait italien ni tout à fait français, caractéristique de l'innovation de Ronsard dans la poésie française.
I. L'éloge de la beauté de Marie
1. La jeunesse et la beauté de la rose
Dès le premier quatrain, Ronsard plonge le lecteur dans une atmosphère d'insouciance et de beauté, évoquant la jeunesse et la fraîcheur printanière. Le mois de mai, symbole de renouveau, est mis en avant, tout comme la rose, métaphore de la beauté éphémère. La nature est décrite avec harmonie et grâce, à travers un champ lexical riche : "branche", "fleur", "ciel", "jardins". La personnification de la nature, avec des expressions telles que "ciel jaloux" et "pleurs" de l'Aube, met en exergue la beauté et la fragilité de la rose, omniprésente dans ce décor idyllique.
2. La métaphore filée : la rose = Marie
Le poème se construit autour d'une métaphore filée où la rose symbolise Marie. Dès le premier vers, la comparaison est amorcée et se poursuit tout au long du texte. La rose est personnifiée, dotée de qualités humaines ("belle jeunesse", "grâce"), et le parallélisme entre les vers 2 et 9 renforce cette identification entre la fleur et Marie. En fin de poème, cette métaphore atteint son apogée lorsque le corps de Marie est transformé en roses, symbolisant une métamorphose poétique.
II. Sur la mort de Marie
1. L'irruption soudaine de la Mort
Au vers 7, le ton change brusquement avec l'introduction de la Mort. La nature, autrefois harmonieuse, devient le théâtre d'une tragédie. La mort de la rose, lente et pathétique, est décrite avec une intensité émotionnelle forte, marquée par des sonorités tristes et un rythme ternaire soulignant l'inéluctabilité de la fin. La référence aux Parques, divinités de la destinée, renforce l'idée de la fatalité de la mort.
2. La cruauté de la mort
La mort de Marie est présentée avec brutalité. La jeunesse et la beauté de Marie, évoquées dans les premiers vers, contrastent avec la soudaineté et la dureté de sa disparition. La mort est décrite avec des sonorités dures et l'image de la cendre, symbolisant la fin de toute beauté. Le champ lexical du deuil et l'utilisation du registre lyrique accentuent la cruauté de cette perte.
III. La transfiguration de la mort
1. La mort atténuée
Ronsard utilise l'euphémisme pour adoucir l'image de la mort, transformant le repos éternel en une image plus douce et moins définitive. La mort, bien que présentée comme inéluctable, est ainsi enveloppée d'une certaine douceur, grâce à la métaphore de la rose.
2. Le symbolisme des offrandes
Les images de tristesse cèdent la place à des symboles de pureté et de renouveau : le lait et les fleurs. Ces éléments, par leur parallélisme et leur symbolique, transforment les signes de deuil en célébration de la vie, réinsérant Marie dans un cycle naturel.
3. La poésie donne l'immortalité
Le poème se clôt sur une note d'immortalité. La répétition des rimes du début à la fin crée un cycle, symbolisant l'éternité. La métamorphose de Marie en roses, soulignée dans le dernier vers, est l'apothéose de cette immortalisation poétique.
Conclusion
Dans "Comme on voit sur la branche", Ronsard transcende la mort par la poésie, offrant à Marie de Clèves et à son amour perdu, Marie Dupin, une immortalité lyrique. À travers la métaphore de la rose, il célèbre la beauté éphémère, tout en luttant contre l'inexorabilité du temps par le pouvoir de son art. Ce sonnet, empreint de références païennes et antiques, témoigne de la quête de Ronsard pour une beauté et une mémoire éternelles.
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