Analyse du poème "Marie, qui voudrait votre beau nom tourner" de Ronsard
Pierre de Ronsard, surnommé le prince des poètes et poète des princes, a souvent exploré le thème de l'amour dans ses écrits, s'adressant à différentes muses telles que Cassandre Salviati, Hélène de Surgères et Marie. Dans son sonnet "Marie, qui voudrait votre beau nom tourner", Ronsard utilise l'anagramme du prénom de Marie pour tisser un poème en alexandrins, où il invite la jeune femme à partager son amour. Ce poème dépasse la simple expérience personnelle pour toucher à une réflexion plus large sur la conception philosophique de l'amour, typique de l'épicurisme de la Renaissance.
I. Une invitation à l’amour
1. Situation d’énonciation bien définie
L'adresse initiale à Marie est mise en valeur par une césure qui souligne l'anagramme du prénom, créant un lien direct entre le thème du poème et son destinataire. L'usage fréquent de la première personne et des adjectifs possessifs, ainsi que des impératifs, suggère un récepteur précis, en l'occurrence Marie. Le poème commence par une vision collective du bonheur ("nous prendrons les plaisirs de la vie"), mais se termine par un retour à la première personne, soulignant la dimension personnelle de cette invitation.
2. Lien étroit établi entre Marie et le poète
L'alternance entre la première et la deuxième personne, avec une prédominance de cette dernière, met en avant l'importance de Marie dans le poème. L'expression "l’un l’autre" suggère une réciprocité des sentiments. Ronsard exprime un désir ardent d'être aimé par Marie, passant de l'infinitif à l'impératif, marquant ainsi une prière insistante. L'emploi de futurs indique une vision optimiste et certaine de l'avenir amoureux.
3. Valorisation de l’amour
Le thème de l'amour est omniprésent, renforcé par des coupes et enjambements. Le mot "Aimer" est capitalisé, lui conférant une valeur absolue. Le poème décrit divers aspects de l'amour : charnel, doux et fidèle. L'utilisation de sonorités douces, notamment l'allitération en [m] et en [s], enrichit la texture sensuelle du poème.
II. Conception philosophique de l’amour
1. Généralisation dans les marques d’énonciation
Les deux derniers tercets, marqués par l'usage d'indéfinis et de tournures impersonnelles, élargissent la portée du poème. Le présent de vérité générale actualise le propos, et la structure du poème révèle un glissement de la sphère personnelle à une réflexion plus universelle.
2. Amour conçu comme une nécessité liée à la fuite du temps
L'amour est présenté comme une nécessité, un impératif face à la fuite du temps. Vivre sans amour est assimilé à une forme de mort en vie. Ronsard s'inspire ici de la philosophie épicurienne, prônant la quête des plaisirs sains, en opposition aux Stoïciens.
3. Lyrisme personnel au service de l’idéal humain
L'émotion personnelle de Ronsard transparaît dans le dernier tercet, où il exprime un souhait ardent d'être libéré de la solitude. Les références à l'Antiquité, notamment à Scythe et Vénus, témoignent de l'influence culturelle de cette époque sur sa conception de l'amour.
Conclusion
Le sonnet de Ronsard est une œuvre complexe et savante, malgré une apparente simplicité. Il reflète l'influence de l'Antiquité et le passage d'un culte religieux à un culte de l'amour, où Marie est élevée au rang de Vénus. Le jeu de mots entre 'Marie' et 'prie' illustre cette supplique amoureuse, témoignant de la profondeur et de la richesse de la pensée amoureuse de Ronsard.
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