Etude linéaire de la Fable de La Fontaine Le vieux chat et la jeune souris

Etude linéaire de la Fable de La Fontaine Le vieux chat et la jeune souris

Introduction

 

Sous le règne de Louis XIV, les écrivains, contraints par le mécénat et le pouvoir royal, devaient user de subtilité pour critiquer la royauté ou le clergé. Jean de La Fontaine, maître incontesté de la fable, excelle dans cet art délicat. Dans "Le Vieux Chat et la Jeune Souris", cinquième fable du livre XII, il revisite le thème classique du chat et de la souris, en y apportant une dimension critique et morale subtile. Cette fable rappelle "Le Petit Poisson et le Pêcheur", mais s'en distingue par une morale différente : si le pêcheur est approuvé pour ne pas avoir épargné le poisson, le chat, bien que critiquant la souris, est lui-même condamné. Le titre instaure un déséquilibre entre la jeunesse de la souris et la vieillesse du chat, préfigurant un affrontement tragique. La parole de la souris, bien que habile, semble vaine face à un chat tout-puissant et sans pitié, évoquant d'autres fables telles que "Le Loup et l'Agneau" ou "La Cigale et la Fourmi". La Fontaine nous invite à réfléchir sur l'enseignement ambigu et surprenant qu'il délivre.

 

I. Le discours de la souris pour tenter de se sauver des griffes du chat - Vers 1 à 13

 

La souris, dans une tentative désespérée de sauver sa vie, use de son éloquence face au chat. Dès le début, plusieurs éléments préfigurent la tragédie inévitable : le titre, l'absence de dialogue réel (la souris parle, puis le chat répond sans véritable échange), et l'emploi de termes tels que « de peu d'expérience » et « crut », qui soulignent l'illusion et la naïveté de la souris. Le nom même du chat, « Raminagrobis », évoque sa puissance, tandis que l'anonymat de la souris accentue sa vulnérabilité.

 

La souris déploie un discours rhétoriquement maîtrisé, cherchant à convaincre le chat de sa négligeable importance comme proie. Elle utilise des interrogations rhétoriques, des énumérations amplificatrices et insiste sur sa petitesse et sa consommation minime, évoquant des images telles que le grain de blé et la noix. Son deuxième argument, plus fallacieux, tente de flatter le chat en faisant appel à ses sentiments paternels. Cependant, la rime du vers 13, « attrapée », fait écho à son manque d'expérience, soulignant l'inutilité de ses paroles face à la menace imminente.

 

II. La réponse impitoyable du chat - Vers 14 à 22

 

Le chat, dans sa réponse, ne laisse aucune place au dialogue. Il souligne l'erreur de la souris, qui a mal choisi son interlocuteur, et révèle son orgueil et sa conscience de sa propre puissance. Le ton sarcastique et les rimes ironiques (« discours » / « sourds ») démontrent son mépris pour les tentatives d'éloquence de la souris. Le chat, se référant aux lois de la nature, prononce une sentence de mort inéluctable, soulignant sa nature impitoyable et moquant les qualités oratoires de la souris. L'ironie cruelle atteint son apogée lorsqu'il répond aux propos de la souris concernant sa descendance.

 

Le dénouement, « Il tint parole », est un euphémisme dramatique qui annonce la mort inévitable de la souris, prévisible dès le début de la fable.

 

III. La morale - Vers 22 à 25

 

La morale de cette fable est complexe et ouverte à plusieurs interprétations. Alors que le lecteur pourrait s'attendre à une critique du chat puissant et à une défense de la souris humble, La Fontaine propose une réflexion plus nuancée. Il critique à la fois l'arrogance de la jeunesse et la sécheresse de cœur de la vieillesse. La morale suggère que la jeunesse devrait être plus sensée et tenir compte de son interlocuteur, tandis que la vieillesse devrait être moins intransigeante. Cette fable peut également être interprétée comme une allusion politique à l'intransigeance de Louis XIV vieillissant.

 

Conclusion

 

"Le Vieux Chat et la Jeune Souris" illustre l'évolution de La Fontaine, qui passe du conseil moral à l'observation des faits humains et des vérités d'expérience. La Fontaine ne se contente plus d'enseigner le bien, mais cherche à dépeindre le monde tel qu'il est. La jeunesse, dans son ignorance, se berce d'illusions, tandis que la vieillesse, endurcie par l'expérience, se montre impitoyable. Cette leçon, empreinte de pessimisme, souligne que l'éloquence n'est efficace que si elle est adaptée à son destinataire et que, dans le monde réel, la raison du plus fort prévaut souvent, une idée qui pourrait également renvoyer à des allusions politiques sur Louis XIV.

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