Introduction

 

"Les Pauvres à l'église" est un poème d'Arthur Rimbaud, figure emblématique de la poésie française et symbole de la rébellion adolescente. Ce poème, écrit en 1870 et inclus dans le recueil "Poésie", se distingue par son approche critique et sa vision acérée de la société de l'époque. Comme dans "Les Poètes de sept ans", Rimbaud, élevé dans la rigueur de la religion catholique, exprime sa colère et son désarroi face aux contraintes imposées par son environnement familial à Charleville. Ce poème est une fenêtre ouverte sur la vision du monde d'un Rimbaud adolescent, confronté à la rigidité de la bourgeoisie et aux inégalités sociales manifestes dans le cadre religieux.

 

I. Un poème classique et original

 

1. Une forme classique et originale

 

Le poème se distingue par son mélange de classicisme et d'originalité. Rimbaud utilise le néologisme "fringalant", démontrant ainsi son audace linguistique. La structure métrique, notamment dans le septième vers, rompt avec les conventions, reflétant le désir de rébellion du poète. Les neuf quatrains composant le poème montrent un souci de structure, tout en laissant transparaître une volonté de ne pas se conformer strictement aux règles poétiques établies.

 

2. Composition du poème

 

Dans "Les Pauvres à l'église", la place prépondérante est accordée aux pauvres, particulièrement dans les cinquième et sixième quatrains, tandis que la figure de Jésus est reléguée à un rôle plus effacé, soulignant ainsi les préoccupations sociales de Rimbaud.

 

II. Peinture de la société

 

1. Le peuple

 

Dès les premiers vers, Rimbaud dépeint les pauvres, entassés et marginalisés, mais néanmoins intégrés dans la communauté des fidèles. Il utilise des métaphores animales ("parqués", "puamment") pour contraster avec la richesse de l'Église. Cette représentation souligne à la fois la misère et une certaine forme de contentement naïf chez les pauvres.

 

2. Les femmes

 

Le poète critique également la condition féminine, représentée par des femmes venues chercher un répit à leurs souffrances dans la religion. La maternité est décrite de manière crue et animale, renforçant l'image d'une féminité accablée par la misère.

 

3. Les exclus de la société

 

Rimbaud n'oublie pas les marginaux : les personnes âgées, les aveugles, les "effarés". Il établit un parallèle saisissant entre les aveugles et leurs chiens, tous deux cherchant désespérément un sens dans un environnement qui les rejette.

 

4. Les dames de la bourgeoisie

 

Le poète observe avec une certaine jalousie les jeunes filles de la bourgeoisie, dont la beauté contraste avec la misère environnante. Leur langage choisi et leur apparence soignée tranchent avec la détresse des autres fidèles.

 

III. Critique de la religion

 

1. Refuge des faibles

 

La religion est vue comme un refuge pour les femmes, les vieilles personnes et les exclus. Rimbaud dépeint un tableau sombre de femmes épuisées trouvant un semblant de repos à l'église, un lieu qui leur offre une protection illusoire.

 

2. Les prières

 

Les prières des pauvres, décrites comme "bavant leur foi mendiante et stupide", sont adressées à un Christ distant et désintéressé. Rimbaud voit dans ces prières une forme de cérémonie vaine et dénuée de sincérité, révélant son mépris pour les manifestations extérieures de la foi.

 

3. Dieu lointain et insensible

 

Le Christ est décrit comme lointain et indifférent, une vision qui s'aligne avec le poème "Le Mal". Cette distance entre le divin et ses fidèles symbolise l'inaccessibilité de la consolation spirituelle pour les souffrants. L'église, selon Rimbaud, échoue à unir riches et pauvres dans une communion véritable, rendant la messe une cérémonie sombre et inutile.

 

Conclusion

 

"Les Pauvres à l'église" est un poème qui encapsule la révolte et la critique acerbe de Rimbaud envers l'Église et la société de son époque. À travers ce texte, Rimbaud, en adolescent révolté, exprime son rejet du milieu bourgeois et de ses valeurs, en mettant en lumière les inégalités et les hypocrisies de la société de son temps. Ce poème est un témoignage puissant de la vision du monde d'un jeune poète en pleine effervescence créative et critique.