Analyse de "Ce cœur qui haïssait la guerre" de Robert Desnos
Introduction
"Ce cœur qui haïssait la guerre", un poème de Robert Desnos écrit en 1943, se distingue par son utilisation de vers libres et aborde le conflit intérieur entre les convictions pacifistes du poète et la nécessité d'engagement armé face à l'occupation allemande. Desnos, connu pour ses positions pacifistes, se trouve dans la position paradoxale d'encourager la résistance et la révolte pour reconquérir la liberté. Ce texte, structuré autour de doubles oppositions – passé contre présent, refus de la guerre contre engagement personnel, et appel individuel contre mobilisation collective –, se déploie comme une argumentation soigneusement construite.
I. Une démonstration argumentée
1. Les connecteurs logiques
Le poème fait un usage abondant de connecteurs logiques, en particulier dans sa seconde moitié et en début de phrases, marquant une progression logique. On trouve des dénégations ("Mais non" vers 11), des objections ("Pourtant" vers 17, "Mais" vers 18), des adjonctions et conséquences ("Et" vers 19), et des explications ("Car" vers 21). Ces connecteurs orchestrent une démonstration qui évolue par étapes, éclairant la compréhension à travers un système lexical cohérent et des jeux de temps.
2. Le lexique
Le poème commence par l'affirmation du refus de guerre, marqué par la répétition du verbe "haïr". Cette idée est renforcée par des termes tels que "battre", avec une tournure restrictive au vers 3 qui spécifie la relation particulière entre le cœur et la vie, symbolisée par le rythme des marées et des saisons. L'évolution de la situation est soulignée par le rapprochement entre "battre" et "combattre", mis en exergue par les jeux des temps et une allitération en [ba], mimant le battement d'un cœur engagé dans la lutte.
3. Les temps verbaux
Les temps verbaux illustrent le contraste entre le passé et le présent. L'imparfait, utilisé pour évoquer un sens de la vie en harmonie avec la nature et la paix, contraste avec le présent, qui rend compte de constats liés à la guerre et à l'engagement. Ce contraste met en lumière la difficulté de concilier le refus de la guerre avec la participation au combat, faisant du cœur une métonymie de la situation du poète, tiraillé entre idéologie pacifiste et réalité de l'engagement.
4. Un poème pour convaincre
Desnos utilise un style oral avec des adresses directes au lecteur et des points d'exclamation, donnant au poème l'allure d'un discours visant à convaincre un auditoire.
II. Le constat d'une situation présente
1. La découverte
Le poème commence par une tonalité exclamative, avec un usage récurrent de "voilà que", marquant une succession de constats soulignés par l'anaphore et des invitations à partager la perception du poète. Ces éléments marquent une transition progressive du simple constat à un appel à l'action.
2. L'engagement
Le poème décrit la réalité de la participation à la guerre à travers un lexique de combat ("combat", "bataille", "émeute", "révolte", "mort"). L'engagement personnel s'élargit vers un appel collectif, symbolisé par la progression du singulier vers le pluriel.
3. De l'engagement personnel au groupe, à la collectivité
Desnos exprime le passage de l'engagement individuel à un mouvement collectif à travers une amplification sonore, marquée par un lexique évoquant le bruit et la montée de la révolte.
III. La résolution du dilemme
Le poème résout son dilemme central en justifiant l'engagement pour la liberté comme un combat vital pour la vie. La liberté est présentée comme un mot rassembleur, et le combat est ramené à une tâche nécessaire pour le bien commun.
Conclusion
Dans "Ce cœur qui haïssait la guerre", Desnos livre un plaidoyer poétique pour la résistance, révélant le déchirement intérieur
entre pacifisme et nécessité de l'engagement armé. L'argumentation du poème repose sur la défense des valeurs fondamentales de la vie et de la liberté, soulignant que, pour Desnos, le combat pour la liberté transcende son idéologie pacifiste originelle.
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