Analyse du poème "Intarissablement" de Jules Laforgue
Introduction
Jules Laforgue, dans son poème "Intarissablement" écrit entre 1880 et 1887, aborde avec une sensibilité aiguë les questions existentielles qui traversent l'humanité. Ce texte, qui interroge profondément la condition humaine, se révèle être une réflexion sur le temps, la vie, la mort, et l'absence de sens. Laforgue, à travers une écriture empreinte d'angoisse, met en lumière la souffrance universelle engendrée par ces questionnements.
I. L’angoisse face au temps
Laforgue introduit le thème de l'angoisse face au temps par l'évocation de la souffrance universelle. Le poète décrit le temps comme un flot incessant, roulant les siècles "pêle-mêle", une image qui traduit la rapidité et l'imprévisibilité de son cours. Cette perception du temps engendre un sentiment d'angoisse, renforcé par le manque de compréhension et la quête incessante de sens. Les "hurlements" de tous les êtres face à cette douleur symbolisent leur désarroi collectif face à l'incompréhension de leur propre existence. Ce sentiment d'incapacité à saisir le temps est illustré par un chiasme, soulignant l'impuissance humaine à appréhender cette dimension.
Laforgue oppose également le temps à l'angoisse universelle. Il met en contraste l'indifférence du temps et la souffrance humaine, créant ainsi une tension entre les deux concepts. La première strophe joue sur les oppositions de couleurs ("or" versus "azur noir"), accentuant le sentiment d'angoisse. De plus, le constat angoissant de l'absence de Dieu, évoqué au présent de vérité générale, renforce l'impression d'une existence dépourvue de sens et de guidance.
II. L’impuissance face au temps
Le temps apparaît dans le poème comme un élément implacable et indestructible, poursuivant son œuvre sans relâche. Il est décrit comme un "grave travailleur", un destructeur insensible qui engloutit tout sur son passage, des cendres des martyrs aux cités et aux mondes. L'enjambement entre les vers 9 et 10 met en exergue ce qui est irrémédiablement perdu dans le courant du temps. L'emploi de métaphores liées à l'eau ("roulant", "engloutis", "écoulement", "source", "intarissablement") compare le temps à un fleuve puissant qui emporte tout dans son cours, illustrant ainsi l'inéluctabilité et l'infini de son passage.
III. Le pessimisme nuancé (teinté d’espoir)
Malgré la prédominance d'une vision sombre du temps, le poème laisse entrevoir des moments de lumière et d'espoir. Certains vers offrent une vision plus lumineuse, où "l'or ruisselle" et où l'on aperçoit des "soleils". Ces images contrastent avec la puissance destructrice du temps et évoquent une certaine tranquillité, une pause dans le tumulte du cours incessant du temps. Cette conception contrastée du temps, à la fois tranquille et destructeur, reflète la complexité de l'expérience humaine face à cette force inéluctable.
Conclusion
"Intarissablement" de Jules Laforgue est un poème qui plonge le lecteur dans une réflexion profonde sur la condition humaine, marquée par l'angoisse et l'impuissance face à la marche implacable du temps. Bien que l'essence du poème soit teintée de pessimisme, Laforgue y insuffle également des moments de lumière, suggérant que même dans l'obscurité de l'existence, il peut y avoir des éclats d'espoir et de beauté.
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