Lecture linéaire du Misanthrope de Molière acte 1 scène 1, l'exposition
Introduction
Molière, dramaturge emblématique du 17e siècle, est reconnu pour ses comédies qui mettent en lumière les travers de ses contemporains, notamment à travers la critique des hypocrites dans des œuvres telles que "Le Misanthrope", "Tartuffe" et "Dom Juan". "Le Misanthrope" raconte les déboires d'Alceste, un homme qui, désabusé par l'hypocrisie de la société, décide de s'en éloigner, malgré son amour pour Célimène. La scène 1 de l'acte 1 introduit efficacement les enjeux de la pièce à travers une dispute entre Alceste et Philinte. Cette scène d'exposition remplit-elle ses fonctions ?
Une scène de dispute (vers 1 à 7)
La pièce s'ouvre sur une dispute entre Alceste et Philinte, marquée par une question ouverte de Philinte, signe de son ouverture au dialogue : « Que veux-tu ? » (l.1). En contraste, Alceste, dès sa première réplique, affiche sa fermeté et sa colère : « je veux que vous me rendiez mon cœur » (l.2). Cette opposition met en scène deux visions du monde : celle de Philinte, conciliante et adaptée aux conventions sociales, et celle d'Alceste, rigide et intolérante à l'hypocrisie. Les premiers vers sont chargés de termes relatifs à l'honnêteté et à l'honneur, soulignant le sérieux de la comédie et introduisant les personnages comme des figures de la noblesse, en décalage avec les mœurs de leur époque.
Le virulent plaidoyer d’Alceste (vers 8 à 26)
Alceste, dans une longue tirade ponctuée de quelques interventions timides de Philinte, défend avec virulence sa vision de la sincérité dans les relations humaines. Il dénonce l'hypocrisie de son époque, où les apparences prévalent sur l'authenticité : « cette lâche méthode à quoi l’on s’abandonne » (l.8). Alceste critique ceux qui, à la mode, feignent l'amitié et la tendresse sans discernement : « Quel avantage a-t-on qu’un homme vous caresse [...] Lorsqu’au premier faquin, il court en faire autant ? » (l.12-15). Il refuse cette complaisance universelle, souhaitant que l'amitié soit fondée sur des sentiments réels et non sur de vains compliments.
Philinte tente de justifier cette attitude par les exigences de la vie en société, mais Alceste reste inébranlable, appelant à une honnêteté radicale : « Je veux qu’on soit homme, et qu’en toute rencontre, Le fond de notre cœur, dans nos discours, se montre » (l.23-26). Ce plaidoyer d'Alceste met en évidence son idéalisme et son refus de se plier aux conventions sociales, le positionnant ainsi comme un personnage en marge de son temps.
L’affirmation de Philinte (vers 27 à 32)
Philinte, dans les derniers vers de l'extrait, oppose une vision plus pragmatique et adaptée aux réalités sociales. Il soutient que la franchise absolue n'est pas toujours appropriée et que certaines conventions sociales sont nécessaires au vivre-ensemble : « Il est bien des endroits, où la pleine franchise Deviendrait ridicule, et serait peu permise » (l.27-28). Il conclut en interrogeant la pertinence de dire à tous ce que l'on pense, soulignant ainsi les limites de l'honnêteté prônée par Alceste.
Conclusion
Cette scène initiale met en place l'intrigue de la pièce et dessine le portrait des personnages principaux. Elle introduit le conflit central de l'œuvre : la lutte entre l'intégrité absolue d'Alceste et la souplesse de Philinte face aux conventions sociales. À travers cette dispute, Molière expose les thématiques de l'hypocrisie, de la sincérité et de l'adaptation aux mœurs de son temps, questionnant ainsi les valeurs de l'honnêteté et de l'amitié véritable dans la société du 17e siècle.
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