Programme d’enseignement de spécialité de littérature et langues et cultures de l’Antiquité, grec ou latin pour les années scolaires 2024-2025 et 2025-2026
Introduction
Dans le vaste champ de l'enseignement de la littérature, la confrontation d'œuvres issues de périodes et de cultures différentes offre une richesse pédagogique indéniable. Le programme de spécialité de littérature et langues et cultures de l'Antiquité en classe terminale propose une approche innovante en jumelant une œuvre antique à une œuvre plus récente, médiévale, moderne ou contemporaine, autour d'une thématique commune. Ce croisement permet d'explorer la permanence et l'évolution des questionnements humains à travers le temps et les cultures. Pour les années 2024-2026, les choix d'Aristophane et de Margaret Atwood pour le grec, ainsi que de Sénèque et de Dea Loher pour le latin, illustrent parfaitement cette démarche.
Grec
L'association entre Aristophane et Margaret Atwood, deux auteurs séparés par des millénaires, illustre la capacité intemporelle de la littérature à questionner les structures de nos sociétés et à imaginer des mondes alternatifs. Dans cette confrontation, l'antique L'Assemblée des femmes d'Aristophane et la dystopie contemporaine La Servante écarlate d'Atwood dialoguent autour des thèmes de pouvoir, de genre et de destin, dans le cadre de l'étude « L'homme, le monde, le destin ».
Aristophane, avec son œuvre L'Assemblée des femmes, se lance dans une exploration audacieuse des dynamiques de genre et de pouvoir au sein de la société athénienne. Par le prisme de la satire et du comique, il met en scène un renversement radical où les femmes, traditionnellement reléguées au second plan dans la sphère publique, s'emparent du contrôle de la cité. Cette prise de pouvoir, bien que traitée sur le mode humoristique, ouvre la voie à une réflexion profonde sur les inégalités de genre et les possibilités de subversion des ordres établis. La comédie devient ainsi un espace où les normes sociales sont remises en question, où le rire se mêle à la critique, et où le théâtre s'affirme comme lieu de réflexion politique et sociale.
En écho à Aristophane, Margaret Atwood dans La Servante écarlate nous projette dans un avenir dystopique où les droits des femmes sont drastiquement réduits, reflétant les pires craintes liées à l'évolution de nos sociétés. Dans cet univers totalitaire, les femmes sont enfermées dans des rôles strictement définis, avec une perte presque totale de leur autonomie et de leur identité. Cette vision cauchemardesque, servie par une écriture à la fois précise et poignante, force le lecteur à s'interroger sur les trajectoires possibles de notre monde et sur l'importance cruciale de la vigilance et de la résistance face aux dérives autoritaires.
La mise en parallèle de ces deux œuvres, bien qu'ancrées dans des contextes et des époques très différents, met en lumière les questions persistantes sur la place des femmes dans la société, le contrôle exercé sur les corps et les voix, et la manière dont les individus, en particulier les femmes, naviguent et résistent aux systèmes oppressifs. Cette confrontation souligne également le rôle de l'art, que ce soit à travers le théâtre ou la littérature, comme moyen de défiance, de subversion et d'expression de la liberté.
Ainsi, la lecture conjointe d'Aristophane et d'Atwood dans le cadre de l'enseignement de la littérature grecque en classe terminale offre une perspective enrichissante sur les continuités et les évolutions des luttes féminines et des stratégies de résistance à travers les âges. Elle rappelle le pouvoir de la littérature non seulement à refléter les sociétés dans lesquelles elle prend racine, mais aussi à les questionner, à les critiquer et parfois même à imaginer les voies de leur transformation.
Latin
Le choix de Sénèque et Dea Loher pour aborder le mythe de Médée dans le cadre de l'enseignement du latin met en lumière la capacité du récit mythologique à traverser les âges, se réinventant constamment pour parler aux nouvelles générations. Ce mythe, centré sur Médée, figure tragique par excellence de l'antiquité, révèle des thèmes universels tels que l'amour, la trahison, la vengeance et les dilemmes moraux, qui restent pertinents aujourd'hui.
Sénèque, dans sa tragédie Médée, présente une analyse psychologique profonde de l'héroïne. La transformation de Médée de l'épouse éplorée en vengeresse impitoyable est un voyage intérieur intense, marqué par la souffrance et le désir de justice. Sénèque utilise un langage riche et des images puissantes pour illustrer cette métamorphose, plongeant le spectateur dans le tourment de Médée. La tragédie explore ainsi les extrêmes de la condition humaine, posant des questions éthiques et morales qui restent d'actualité.
Dea Loher, avec sa pièce Manhattan Medea, transpose ce mythe ancien dans le contexte contemporain de New York, offrant une perspective nouvelle sur les thèmes classiques. En situant Médée et Jason comme immigrants clandestins dans la métropole moderne, Loher explore les notions d'exil, d'identité perdue et de désespoir amoureux sous un angle actuel. Cette Médée moderne reflète les luttes des individus déracinés, confrontés à la perte, à la trahison et à la quête d'un sens dans un monde qui leur est souvent hostile. Le choix de New York, avec ses promesses et ses pièges, sert de toile de fond idéale pour cette réinterprétation, soulignant la solitude et l'isolement au sein d'une foule anonyme.
La mise en parallèle de ces deux approches du mythe de Médée, l'une antique et l'autre contemporaine, permet une réflexion sur la manière dont les histoires anciennes continuent de résonner dans notre conscience collective. Cette confrontation met en évidence les continuités dans les défis humains face à la souffrance, la trahison et la quête de justice, tout en montrant comment ces thèmes peuvent être remodelés pour refléter les préoccupations spécifiques de chaque époque.
En étudiant ces deux œuvres côte à côte, les élèves sont invités à réfléchir sur les thèmes éternels de la mythologie et sur leur pertinence dans le monde moderne. Cette démarche encourage une compréhension plus profonde des textes anciens, tout en permettant une exploration des problématiques contemporaines à travers le prisme du mythe. Cette double lecture enrichit la perception des élèves, leur permettant de saisir la puissance et la polyvalence de la littérature dans sa capacité à éclairer et à interroger l'expérience humaine à travers le temps et l'espace.
Conclusion
La confrontation d'œuvres antiques et modernes dans le cadre du programme d'enseignement de spécialité de littérature et langues et cultures de l'Antiquité offre une ouverture unique sur les dialogues intertemporels et interculturels que permet la littérature. À travers l'étude conjointe d'Aristophane et Atwood, ainsi que de Sénèque et Loher, les élèves sont invités à explorer la richesse et la complexité des thématiques humaines, à travers des œuvres qui, malgré les siècles qui les séparent, entrent en résonance sur des questions fondamentales. Ce croisement des époques et des cultures souligne l'universalité de certaines préoccupations humaines et le rôle essentiel de la littérature dans la réflexion sur notre monde et notre destin.
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