Analyse de Iphigénie de Racine. Acte IV scène 4

Analyse de Iphigénie de Racine. Acte IV scène 4

Quels rapports étranges cette scène établit-elle entre la victime et son sacrificateur ?

I) Un sort tragique

Dans la tirade d’Iphigénie, nous remarquons l’utilisation du champ lexical du destin, ainsi que celui de la mort. On a, notamment, pu voir “sévère destin”, “menacée” et “mon triste sort” pour ce qui est du champ lexical du destin. En ce qui concerne celui de la mort, on trouve “victime” et “le sang”. La tirade d’Agamemnon poursuit avec le champ lexical du destin: “Ma fille, il faut céder. Votre heure est arrivée”. Iphigénie est encore jeune, comme nous le prouve la citation: “Si près de ma naissance en eût marqué la fin”. Les dieux prennent une décision surprenante étant donné le fait que Iphigénie est encore jeune et qu’elle n’est pas un soldat donc il est surprenant qu’elle doive mourir pour que les Grecs remportent la victoire : “Je ne m'attendais pas que pour le commencer, Mon sang fût le premier que vous dussiez verser”. Son destin est scellé, elle ne peut plus rien y changer: “Un oracle cruel Veut qu'ici votre sang coule sur un autel”; “Ma fille, il faut céder. Votre heure est arrivée”.

Ainsi, le sort d’Iphigénie est tragique, c’est pourquoi il suscite la pitié du spectateur.

II) Une scène pathétique

Le registre pathétique est prédominant dans toute la scène. En effet, le dramaturge insiste sur le fort lien d’amour filial qui unit Agamemnon à Iphigénie : “Fille d'Agamemnon, c'est moi qui la première, Seigneur, vous appelai de ce doux nom de père. C'est moi qui, si longtemps le plaisir de vos yeux, Vous ai fait de ce nom remercier les Dieux, Et pour qui tant de fois prodiguant vos caresses, Vous n'avez point du sang dédaigné les faiblesses”. Agamemnon se décrit lui-même comme un père tendre et attentionné, profondément attaché à sa fille cadette qui est la plus douce et la plus jolie de ses trois enfants : “Pour défendre vos jours de leurs lois meurtrières, Mon amour n'avait pas attendu vos prières. Je ne vous dirai point combien j'ai résisté. Croyez-en cet amour par vous-même attesté.” C’est pourquoi Agamemnon a tout tenté pour sauver le destin de sa fille bien-aimée : “les soins d'un père infortuné Qui protégeait en vain ce qu'ils ont condamné.” Mais il n’est pas de taille pour lutter contre les dieux et il ne peux que partager la douleur de celle qu’il doit sacrifier : “les soins d'un père infortuné Qui protégeait en vain ce qu'ils ont condamné.” Le dramaturge souligne la douleur de ce père condamner à supplicier sa fille par le rythme ternaire des vers les plus pathétiques (“Ma fille, il faut céder. Votre heure est arrivée”) mais aussi par les allitérations en [r] (“Montrez, en expirant, de qui vous êtes née : Faites rougir ces Dieux qui vous ont condamnée.”) La mort d’Iphigénie n’impacte pas seulement son père, mais aussi sa mère (“Ma mère est devant vous, et vous voyez ses larmes”) et son fiancé le valeureux Achille (“Il s'estimait heureux, vous me l'aviez permis. Il sait votre dessein, jugez de ses alarmes”).

Le registre tragique et le registre pathétique sont, ici, utilisés dans le but de mettre en valeur la grandeur des Atrides.

III) La grandeur des Atrides

Iphigénie est la digne représentante de sa famille, les Atrides. En effet, elle fait passer son sens du devoir avant son envie de vivre : “Je saurai, s'il le faut, victime obéissante, Tendre au fer de Calchas une tête innocente, Et respectant le coup par vous-même ordonné, Vous rendre tout le sang que vous m'avez donné”. De plus, elle revendique le fait que l’honneur de son père a plus d’importance à ses yeux que son propre bonheur : “Mon coeur, de votre honneur jaloux, Ne fera point rougir un père tel que vous”. Agamemnon, quant-à-lui, estime que Iphigénie devrait se sentir honorée d’avoir été choisie par les dieux pour sauver le peuple Grec : “Songez bien dans quel rang vous êtes élevée”. Iphigénie doit se montrer digne de sa lignée car ce n’est pas uniquement son sang qui sera versé lors du sacrifice, mais aussi celui de son père, Agamemnon, ainsi que celui de tous les Atrides : “Montrez, en expirant, de qui vous êtes née : Faites rougir ces Dieux qui vous ont condamnée. Allez ; et que les Grecs, qui vont vous immoler, Reconnaissent mon sang en le voyant couler”. Le sacrifice d'Iphigénie marque le début de la malédiction des Atrides, puisqu’il va entraîner la colère de Clytemnestre qui assassinera Agamemnon, crime qui ne lui sera pas pardonné par sa fille aînée Electre qui poussera son frère Oreste à venger leur père en la tuant à son tour ainsi que son amant Egisthe considéré comme un usurpateur. La crise personnelle deviendra alors une crise familiale.

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