Analyse des Fausses confidences, acte II scène 15

Analyse des Fausses confidences, acte II scène 15

INTRODUCTION. CONTEXTE : Pendant la période de la Régence, l’austérité de la fin du règne de Louis XIV laisse place à l’émancipation des mœurs. La fameuse banqueroute de Law est propice au brassage social. Les bourgeois s’enrichissent et deviennent de plus en plus cultivés et côtoient dans les salons les aristocrates. Marivaux s’interroge sur la structure pyramidale de la société. ŒUVRE : Son œuvre Les Fausses Confidences, jouée pour la première fois en 1737, témoigne de l’esprit nouveau à l’aube des Lumières. EXTRAIT : Araminte est dans une posture délicate : elle sait que Dorante a des sentiments pour elle, comme le spectateur l’a appris à la scène 14 de l’acte I mais depuis que son portrait a été livré à Dorante, son amour n’est un secret pour personne. Elle devrait le renvoyer puisqu’il est à son service comme intendant mais ne peut s’y résoudre. Elle décide donc, dans l’extrait que nous allons étudier, de lui tendre un piège : d’abord, elle lui fait écrire une lettre destinée au Comte qui est aussi amoureux d’elle mais Dorante ne parle pas, elle essaie ici de le pousser dans ses retranchements.

PROBLÉMATIQUE : Quel est le stratagème d’Araminte et quelle est sa réussite ?

I) Araminte croit mener le jeu (ligne 1 à 5)

Double énonciation : Araminte s’adresse au lecteur (didascalie) et lui confie son projet de faire révéler à Dorante son amour (verbe d’obligation). Puis s’adresse à Dorante à l'impératif : elle tente de maîtriser la conversation. 

Dorante se laisse faire au jeu d’Araminte pour qu’elle croit dominer le dialogue : vocabulaire poli et courtois, impératif à valeur de demande puis il reste dans le respect avec “secret inviolable” (préfixe privatif) : il ne la trahira pas quoiqu’il arrive, c’est un homme de confiance ; comique de caractère : il représente l’amoureux transi avec le champ lexical lié à l'amour. 

Dorante ment lui aussi : subordonnée de concession et complément circonstancielle de manière “sans espérance" : il fait croire que son amour est impossible alors que le stratagème qu’il a mis avec Dubois depuis le début est pour que son amour ne soit pas sans espérance ; comique de situation pour le lecteur qui connaît les intentions de Dorante et voit Araminte se faire manipuler.

Araminte fait est geste plus explicite en désignant la boîte (didascalie): il est plus difficile pour Dorante de mentir après ; elle sait l’amour de Dorante mais fait comme si elle ne savait rien (conditionnel à valeur hypothétique). 

Dorante nie catégoriquement (phrase courte, négation totale).

Araminte : geste direct pour faire sortir Dorante de ses gonds puisque jusque la ca ne servait à rien : pourtant elle désigne la situation de façon vague (groupe nominal “la chose”, conditionnel). pour autant elle garde le caractère fort qui lui est donné depuis le début avec l’impératif : c’est une femme qui sent qu’elle est manipulé et veut maitriser la situation. 

II) Dorante ne révèle rien  (ligne 5 à 12)

Dorante se détache de la distance respectueuse qu’il avait : il avoue son amour (hyperbole) mais laisse Araminte croire que le portrait est la de façon fortuite : Araminte n’a pas totalement réussi car Dorante ne révèle pas de façon explicite son amour (geste avec la didascalie mais détourne la situation par une question) ; en revanche le stratagème de Dubois fonctionne : Araminte ne sait rien de leur stratagème et en insistant autant cela révèle un intérêt pour Dorante (de plus elle ne le repousse pas quand il est a genoux)

Araminte se laisse prendre à l'intimité créée par Dorante en se jetant à ses genoux : remplace le “vous” par le prénom “Dorante” ; elle le pardonne tout en le condamnant de n’avoir rien dit jusque là pour rester maîtresse de la situation (comique de situation puisque cela est faux) ; elle est contente d’être l’amour de Dorante comme elle éprouve de la pitié et le pardonne : réussite de Dubois.

III) Fin de l’intimité (ligne 13 à la fin)

Marton arrive : rapidité des actions par les verbes d’action qui sont les un à la suite des autres ; nombreuses propositions juxtaposées : le seul crie de Marton révèle le secret (qui n’en est plus vraiment un) de Dorante.

Araminte est dans un trouble avec les interjections et la modalité exclamative qu’elle emploie beaucoup ; elle remet une distance avec Dorante en ne l’appelant plus par son nom mais en réutilisant le “vous”.

Dorante comme le montre la didascalie, ment : il est en fait heureux que Marton les ait vu puisque cela révèle au public leur intimité et va forcer Araminte à se positionner à son égard.  Mais il reste inquiet que cela la pousse à le renvoyer de part son rang : en effet il nie catégoriquement un fait avéré : emploi de mot “non”, et plusieurs négation totale. 

Encore une fois Dubois avait vu juste et leur stratagème fonctionne.

On note l’accusation d’Araminte avec les nombreux “vous”, qualifie Dorante avec l’adjectif “insupportable” (préfixe privatif), regret : dernière phrase.

CONCLUSION : Un peu plus loin, le spectateur/ lecteur apprend que c’est Dubois qui a envoyé Marton, il a peut-être commis une erreur, du moins c’est ce que nous pouvons penser. Arminte est donc prise à son propre piège : elle voulait faire parler Dorante pour le renvoyer ensuite à l’aide des preuves récoltées. Mais elle obtient un aveu indirect qui l’attendrit, de plus, elle a été vue par Marton dans une situation inconvenante, elle redoute à présent de devoir renvoyer son intendant. Dorante, lui, balance entre sincérité et ruse : il ignore qu’Araminte lui tend un piège et il ne connaît pas les objectifs de celle qu’il aime. Mais il préserve le secret du stratagème mis au point avec Dubois. D’ailleurs, nous pouvons rapprocher cette scène de la scène suivante où Dubois se réjouit de tout cela en affirmant : « Voici l’affaire dans sa crise ! ».

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