Analyse de Antigone de Jean Anouilh. Antigone face à son oncle
De « Créon , sourdement. Et bien, oui, j’ai peur d’être obligé de te faire tuer si tu t’obstines » à «Je suis là pour vous dire non et pour mourir»
I) Un conflit tragique entre un oncle et sa nièce.
La scène débute avec une phrase perturbante qui vient introduire voire résumer le passage qui sera basé sur une dispute entre un roi et sa nièce : “Eh bien, oui, j'ai peur d'être obligé de te faire tuer si tu t'obstines. Et je ne le voudrais pas.” Dans ce passage Créon laisse entendre le fait qu’il n’a pas d’autre choix que de disposer de sa nièce si elle ne lui obéit pas. Cependant il emploie le mot “peur” qui vient dénoncer le fait que ce roi n’a en fait aucune envie de tuer sa nièce mais il y sera amené par son devoir. C’est ce que Créon essaie obstinément à faire comprendre sa nièce qui elle, tente de mener sa révolte.
La réplique enfantine d’Antigone laisse penser que l’on assiste à un conflit actuel entre un oncle et sa nièce “Moi, je ne suis pas obligée de faire ce que je ne voudrais pas! Vous n'auriez pas voulu non plus, peut-être, refuser une tombe à mon frère ? Dites-le”. Cependant le point de vue d’Antigone est tout aussi juste que celui de son oncle ce qui montre que cette scène n’est pas à propos de qui a raison mais plutôt de qui aura le courage de prendre les décisions. Antigone est ironique avec son oncle pour tenter de lui montrer que ce qu’il fait n’est pas juste de son point de vue : ”Et vous l’avez fait tout de même. Et maintenant, vous allez me faire tuer sans le vouloir. Et c'est cela, être roi !”. Antigone montre que son courage lui permet d’être reine d’un point de vue moral, tandis que Créon n’est, à ses yeux pas un roi à cause de son manque de courage et de détermination : ”ANTIGONE - Pauvre Créon ! Avec mes ongles cassés et pleins de terre et les bleus que tes gardes m'ont fait aux bras, avec ma peur qui me tord le ventre, moi je suis reine.” Néanmoins cette fois c’est Créon qui tente de faire comprendre à Antigone que sa souffrance a atteint son comble : “Alors, aie pitié de moi, vis. Le cadavre de ton frère qui pourrit sous mes fenêtres, c'est assez payé pour que l'ordre règne dans Thèbes. Mon fils t'aime. Ne m'oblige pas à payer avec toi encore. J'ai assez payé.” Creon démontre à Antigone qu’il a beaucoup souffert pour garder le pouvoir et il ne veut pas avoir à souffrir davantage en perdant sa nièce, ce qui entraînerait de plus le suicide de son fils Hémon qui est le fiancé d’Antigone. ”ANTIGONE - Non. Vous avez dit « oui ». Vous ne vous arrêterez jamais de payer maintenant !” Antigone continue à insister sans tenir compte de la souffrance de son oncle. Elle se comporte comme une adolescente rebelle. Elle lui rappelle de façon insolente qu’en acceptant de devenir roi il a accepté de se sacrifier.
II) Le difficile métier de roi
Créon répond à Antigone par une métaphore filée maritime qui va justifier le fait que si ce n’est pas lui qui prend les décisions difficiles, personne ne le fera car tout le monde voudrait profiter de sa faiblesse d'où le fait qu’il essaye d’être insensible : “Mais, bon Dieu ! Essaie de comprendre une minute, toi aussi, petite idiote ! J'ai bien essayé de te comprendre, moi. Il faut pourtant qu'il y en ait qui disent oui. Il faut pourtant qu'il y en ait qui mènent la barque.” Ici Créon tente de démontrer qu’il y a deux types de dirigeants, ceux qui vont tout faire dans leur intérêt quitte à faire sombrer son pays et il y a ceux qui vont rester juste et qui vont être susceptibles de se retrouver seuls face à tous les égoïstes avides de pouvoir. De plus Créon va expliquer qu’il n’y a pas de pouvoir sans sacrifice et sans dommage collatéral : ”on tire dans le tas, sur le premier qui s'avance. Dans le tas ! Cela n'a pas de nom. C'est comme la vague qui vient de s'abattre sur le pont devant vous; le vent qui vous gifle, et la chose qui tombe devant le groupe n'a pas de nom.”
III) Un appel à la résistance
Antigone et Créon incarnent tous les deux la résistance. Antigone est une résistante car elle va contre l'autorité royale pour tenter d’accomplir quelque chose qu’elle pense juste et important (enterrer son frère). On peut voir en elle la figure de toute forme de résistance face à l’oppression puisqu’elle est prête à mourir pour une idée. La phrase : “Avec mes ongles cassés et pleins de terre et les bleus que tes gardes m'ont fait aux bras, avec ma peur qui me tord le ventre, moi je suis reine.” pourrait être prononcée par une résistante face à un peloton d’exécution. Créon, quant à lui, se sacrifie pour maintenir l’ordre dans sa cité. Nous pouvons voir dans cette scène tragique un appel lancé par Anouilh à résister au régime de Vichy et à rallier le général De Gaulle pour libérer la France occupée et rétablir l’ordre : “Et toi non plus tu n'as plus de nom, cramponné à la barre. Il n'y a plus que le bateau qui ait un nom et la tempête.” Bien sûr ici le bateau représente la France occupée qui lutte pour reprendre son identité nationale face aux nazis, “la tempête”.
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