Etude linéaire Le Préambule et les deux premiers articles La Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne d’Olympe de Gouges

Etude linéaire Le Préambule et les deux premiers articles La Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne d’Olympe de Gouges

Introduction

Olympe de Gouges est une auteure engagée qui a mené différents combats pour l'égalité et la justice. En 1791, elle rédige la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne (DDFC) en réponse à la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen (DDHC) de 1789. Elle y conteste son caractère universaliste, dénonce l'exclusion des femmes de la représentation nationale et réclame pour elles la citoyenneté et les droits qui en découlent. Nous allons étudier le préambule qui précède les 17 articles.

Lecture de l’extrait

Problématiques possibles : En quoi Olympe de Gouges fait-elle de ce préambule une présentation efficace de son projet ?

Nous procéderons à une démarche linéaire en trois mouvements :

  1. l.1 et 2 : → « Assemblée nationale » : un début percutant et efficace
  2. l.2 à l. 14 : de « Considérant que… » à « …au bonheur de tous » : le projet et les objectifs de la DDFC
  3. l.15 à 18 : « En conséquence… » à « …de la Citoyenne. » : une ouverture provocante annonçant les articles

 

Mouvement 1 : un début percutant et efficace

Le préambule débute de manière frappante et dynamique par une énumération ternaire : « Les mères, les filles, les sœurs », dont l’importance sociale est revendiquée et mise en avant par l’apposition « représentante de la nation ». Ce début est déjà polémique. Contrairement au texte de 1789, l’auteure ne veut pas se restreindre à un groupe restreint mais veut prendre en compte toutes les femmes de la nation. Elles ont leur importance car elles constituent la moitié de l’humanité et doivent donc être représentées.

Le rapport de filiation mentionné (mères, filles, sœurs) exclut d’emblée les hommes de manière radicale dans ce rassemblement. L’expression verbale « demandent d’être constituées » remplace dans le premier texte « constitués en assemblée nationale », en parlant des représentants. Cette réclamation souligne l’exclusion des femmes de la vie politique et montre implicitement leur statut inférieur : les hommes les cantonnent dans la sphère privée en tant que mères, filles, sœurs. Olympe de Gouges réclame donc une existence des femmes sur la scène politique dès la première phrase.

Ce texte n’est pas neutre : c’est un texte rhétorique qui a l’apparence d’un discours d’ouverture avec l’utilisation du présent à valeur d’énonciation (« demandent ») et avec une tonalité polémique visible. On comprend en filigrane que les femmes sont considérées comme des mineures, exclues de la vie politique. Elles réclament leurs droits. Ce texte vigoureux et énergique capte l’attention du lecteur dès la première phrase dans sa revendication massive de participer à la vie citoyenne et de rétablir les droits naturels de la femme.

 

Mouvement 2 : le projet et les objectifs de la DDFC

Une fois cette annonce faite, Olympe de Gouges expose le projet et les objectifs de la nouvelle déclaration des droits de la femme en apportant des modifications au texte de la DDHC. Ce passage (l.2 à 14) est construit à l’identique du texte initial : une seule phrase, longue et complexe, structurée ainsi : elle s’ouvre par une subordonnée circonstancielle à valeur causale de « Considérant que » à « de la corruption des gouvernements », suivie de sa proposition principale « ont résolu d’exposer... les droits naturels, inaliénables et sacrés de la femme », prolongée par trois subordonnées circonstancielles de but introduites par « afin que ».

Dans le complément circonstanciel de cause, l’auteure reprend l’énumération ternaire du texte initial : « Considérant que l’ignorance, l’oubli ou le mépris des droits » mais remplace « de l’Homme » par « de la femme », changeant ainsi le sens de la phrase. Ce non-respect des droits de la femme est la cause exclusive des « malheurs publics et de la corruption des gouvernements ». Le caractère exclusif est accentué par l’adjectif « seules ». Dans la proposition principale, l’utilisation du passé composé « ont résolu » emprunte la même détermination que celle évoquée dans le texte initial mais apparaît plus marquée dans sa revendication.

Les termes « naturels, inaliénables et sacrés » affirment l’inscription des droits fondamentaux de la femme au sein de la Nature même. Ces droits sont « sacrés » car garantis par une autorité incontestable : Dieu. Les trois compléments circonstanciels de but structurent l’argumentaire et reprennent les mêmes objectifs que la Déclaration de 1789, garantissant le respect de la parité politique et le bonheur de tous, tout en soulignant l'urgence de donner aux femmes des droits.

 

Mouvement 3 : une ouverture provocante annonçant les articles

Le connecteur logique « En conséquence » donne une valeur conclusive au préambule et annonce les articles à venir. Olympe de Gouges le fait sur un ton polémique, voire ironique et provocateur. Elle remplace « L’Assemblée nationale » par « le sexe supérieur, en beauté comme en courage, dans les souffrances maternelles », attribuant aux femmes une supériorité aux hommes. Elle reprend ironiquement la figure de la galanterie et attribue aux femmes des qualités jusque-là réservées aux hommes, dépossédant ces derniers de ces attributs.

Cette périphrase féministe devient le sujet de « reconnaît et déclare », moment solennel du texte. L’expression « sous les auspices de l’Être suprême » renforce encore l’argument d’autorité divine. Le COD final « les droits de la Femme et de la Citoyenne », avec la reprise des majuscules, confère la même dignité que celle des hommes. Olympe de Gouges annonce ainsi les futurs articles, montrant que l’auteure n’a pas cherché à remplacer la DDHC mais à y ajouter un texte garantissant les droits des femmes.

 

Conclusion

Avec une maîtrise de la rhétorique, énergique et efficace, et une certaine habileté polémique, Olympe de Gouges réussit dans ce préambule à introduire la DDFC et à convaincre de la nécessité d’un tel projet pour les femmes. Cette réécriture, proche du discours rhétorique, porte en filigrane les éléments que l’auteure va reprendre dans les 17 articles et dans le Contrat social. De nombreuses femmes ont ainsi pris la parole politique pour défendre les droits fondamentaux de la femme, comme Simone Veil lorsqu’elle a porté le projet de l’IVG devant l’Assemblée Nationale au début des années 1970.

 

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