Le Menteur de Corneille, analyse linéaire de l'acte II scène 5

Le Menteur de Corneille, analyse linéaire de l'acte II scène 5

La stupéfaction de Géronte se marque par une incrédulité sincère lorsqu'il s'exclame « Impossible ! et comment ? ». Cette réaction montre qu'il est profondément surpris et sceptique face à l'affirmation de Dorante. La stichomythie, caractérisée par une succession rapide de répliques brèves, est utilisée ici par Dorante pour gagner du temps et dramatiser la situation. Dorante cherche à temporiser et à détourner l'attention de son père en adoptant un ton dramatique et implorant, comme le montre son insistance sur des détails invraisemblables. Les marques de soumission de Dorante se manifestent par des gestes de supplication, tels que l'embrassade des genoux de Géronte, soulignant son désir d'obtenir le pardon et de calmer la colère paternelle. Géronte met fin à cette situation en ordonnant à Dorante de parler et de se lever, rétablissant ainsi son autorité et montrant son impatience face aux tergiversations de son fils.

 

 

Le mot de son père que Dorante répète est « On m’a violenté », soulignant la contrainte et la violence subie pour justifier son mariage précipité. Dorante cherche ainsi à se déresponsabiliser en se présentant comme une victime des circonstances. La réplique de Dorante est héroï-comique car elle mêle le dramatique à l'absurde, renforçant le caractère exagéré et invraisemblable de son mensonge. En exagérant la situation, Dorante espère obtenir la sympathie de Géronte tout en évitant la confrontation directe avec son autorité.

 

La réaction de Géronte à l'annonce de son fils est marquée par une incrédulité persistante, comme en témoigne son exclamation « Sans mon consentement ! ». Dorante se justifie en évoquant deux causes extérieures : la violence exercée sur lui et la fatalité qui a conduit à ce mariage. L'allusion à la violence (« On m’a violenté ») et à la contrainte extérieure souligne sa tentative de se dédouaner. En même temps, Dorante essaie de plaire à son père en utilisant des expressions de respect et de supplication, cherchant à minimiser sa propre responsabilité tout en apaisant la colère de Géronte.

 

La plupart des verbes employés par Géronte sont impératifs, ce qui montre son autorité et son désir de contrôler la situation. Les questions de Géronte visent à obtenir des clarifications et à comprendre les actions de Dorante, révélant son scepticisme et son besoin de contrôler les événements. La réplique de Géronte montre qu'il est à la fois perplexe et incrédule face au mensonge de Dorante, illustrant le fossé entre la réalité perçue par Géronte et la fiction inventée par son fils.

 

Le thème de ces vers est la rencontre amoureuse idéalisée, et le champ lexical du regard est prédominant, soulignant l'importance de l'apparence et de l'attraction visuelle. Les temps utilisés sont principalement le passé simple et le passé composé, ce qui donne une dimension narrative et dramatique au récit de Dorante. Les figures de style présentes incluent l'oxymore et des métaphores, renforçant le caractère poétique et romanesque de son mensonge.

 

Les indices de la durée de l'intrigue sont présents dans les références temporelles précises, telles que « six mois » et « un soir ». Ces détails ancrent le récit dans une temporalité crédible et contribuent à la vraisemblance de l'histoire inventée par Dorante. L'étape du récit présentée ici est celle de la progression de l'intrigue amoureuse, où Dorante décrit les péripéties et les moments significatifs de sa prétendue relation. Le polysyndète dans le vers 612, avec l'emploi répété de « et », crée un effet de continuité et d'accumulation, rendant le récit plus dynamique et fluide.

 

L'indicateur temporel qui avance le récit est « Ce fut ce jour-là », qui situe l'événement dans un contexte précis. La parenthèse montre la grande habileté de Dorante à intégrer des détails anecdotiques pour donner de la profondeur à son mensonge. Dorante accélère son récit en utilisant des phrases courtes et enchaînées, créant un rythme rapide qui maintient l'attention de Géronte. L'effet de l'enjambement dans les vers 621-622 contribue à cette accélération, liant les actions de manière fluide et continue. La parenthèse concerne principalement la jeune fille, ajoutant une dimension personnelle et émotionnelle au récit.

 

Le récit de Dorante relève de l’hypotypose et du théâtre dans la manière dont il décrit les événements de façon vivante et imagée. L'effet sur Géronte et sur le spectateur est de créer une forte impression de réalisme et d'immédiateté, rendant le mensonge de Dorante plus convaincant. Dorante cherche à toucher son père en dramatisant les événements et en utilisant des détails sensoriels et émotionnels pour évoquer la pitié et la compassion. La vivacité de la description et l'intensité émotionnelle renforcent l'impact de son mensonge et sa capacité à manipuler les perceptions de son père.

 

Les propos de Dorante semblent être prémédités, comme le montre l'usage fréquent des points de suspension et la répartition réfléchie des répliques. Les points de suspension indiquent que Dorante prend le temps de réfléchir avant de parler, ce qui suggère une certaine préparation de ses réponses. Par exemple, lorsqu'il dit « Mais il est impossible ? », il semble anticiper la réaction de Géronte et ajuster ses propos en conséquence. De plus, le calcul approximatif du temps de réflexion de Dorante révèle qu'il ne répond pas de manière impulsive mais qu'il pèse soigneusement ses mots pour atteindre son objectif.

 

Dorante est confronté à un problème crucial d'obéissance et de respect des conventions sociales de son époque. En tant que jeune homme majeur, il est censé obéir à son père, Géronte, et respecter ses décisions, notamment en matière de mariage. Cependant, Dorante se retrouve marié sans le consentement de son père, ce qui pose un dilemme majeur. Les expressions comme « Sans mon consentement ! » et l'attitude autoritaire de Géronte soulignent l'importance de l'autorité paternelle et le conflit interne de Dorante entre son désir personnel et ses obligations familiales.

 

Le mensonge de Dorante apparaît invraisemblable dans le contexte de la réalité du mariage à cette époque. La rapidité et la facilité avec lesquelles il prétend être marié sans le consentement de son père semblent peu crédibles. En outre, le récit qu'il construit autour de ce mariage, avec des éléments exagérés et dramatiques, renforce l'idée que son mensonge manque de réalisme. Par exemple, la mention d'une « âme de rocher » et la complexité de son histoire montrent un effort pour rendre son mensonge spectaculaire mais peu plausible.

 

Dorante imagine une passion amoureuse digne de la tragédie par l'usage d'expressions dramatiques et exagérées. Par exemple, il parle de son amour comme une force qui « assujettit » son cœur, et décrit la femme aimée avec des termes comme « charmant » et « d'esprit et d'art ». Ces éléments appartiennent au topos de la tragédie, où les sentiments sont souvent amplifiés et idéalisés. Dorante invente ainsi une histoire d'amour impossible, conforme aux codes de la tragédie, en la rendant spectaculaire et héroïque.

 

L'amour de Dorante est décrit comme une conquête amoureuse typique des romans précieux, où la séduction et la persévérance jouent des rôles essentiels. Les expressions qu'il utilise, telles que « je cherchai donc chez elle à faire connaissance » et « les soins obligants de ma persévérance », montrent une progression méthodique et réfléchie de son approche. Ce style rappelle la « Carte de Tendre » de Madeleine de Scudéry, où l'amour est une quête comportant des étapes et des obstacles à surmonter, avec une grande attention aux détails et aux stratégies de séduction.

 

Le récit de Dorante comporte des éléments de mise en abyme d'une scène de théâtre, notamment par l'inclusion de personnages fictifs et d'actions spectaculaires. Le compte des personnages présents et des paroles rapportées, ainsi que les descriptions détaillées des actions comme « se jette au cou de ce pauvre vieillard » et « frappe à la porte », illustrent une théâtralité inhérente à son récit. Cela crée un effet de miroir où Dorante joue un rôle et met en scène sa propre histoire, accentuant ainsi le caractère dramatique et fictif de son mensonge.

 

Dorante imagine plusieurs péripéties pour rendre son mensonge vraisemblable, en incluant divers objets et événements dans son récit. Par exemple, il mentionne « la montre », « le cordon », et « le pistolet », ainsi que des actions comme « Fait marcher le déclin » et « le feu prend ». Ces éléments ajoutent de la complexité et du réalisme à son histoire, rendant son mensonge plus convaincant en multipliant les détails et les rebondissements.

 

Le texte de Dorante se caractérise par une outrance propre au registre burlesque par les contrastes entre les corps et les esprits et les détails excessifs dans les paroles et les actes. Les descriptions exagérées de ses actions, comme « je la lui donne en main, mais voyez ma disgrâce » et « avec mon pistolet le cordon s'embrasse », montrent un style hyperbolique qui accentue le comique de la situation. De plus, les éléments décoratifs et les situations rocambolesques contribuent à créer une atmosphère burlesque où la réalité est déformée pour susciter le rire.

 

La force comique du passage réside dans l'emploi d'un champ lexical militaire, donnant une dimension héroï-comique au texte. Les termes comme « assujettit », « vainqueur », et « conquête » évoquent une bataille amoureuse, transformant la quête de Dorante en une épopée ridicule. La juxtaposition de cette grandiloquence avec la banalité de la situation renforce l'effet comique, tout en soulignant le décalage entre les ambitions de Dorante et la réalité. La comparaison avec les mots de Dorante et la réplique finale de Géronte met en évidence ce contraste humoristique.

 

Dorante est contraint d'improviser ce mensonge parce qu'il se trouve face à un père suspicieux qui pose des questions embarrassantes à sa fille. Pour éviter que la situation ne dégénère et pour sauver les apparences, Dorante doit rapidement trouver une explication plausible pour justifier la présence de la montre et pour calmer les soupçons du père.

 

Dorante échappe à ce premier danger grâce à son habileté et à son esprit vif. Lorsqu'il est confronté aux questions du père, il réagit promptement en inventant une histoire crédible. Il mentionne qu'il a reçu la montre de son cousin Acaste, ce qui détourne l'attention et apaise temporairement les inquiétudes du père.

 

 

Dorante se montre précis sur la date pour renforcer la crédibilité de son récit. En donnant des détails spécifiques, il espère convaincre son interlocuteur de la véracité de son histoire. Cette précision donne l'impression que son récit est basé sur des faits réels et non sur une invention improvisée.

 

Dorante dramatise son récit en utilisant des descriptions vivides et en exagérant les émotions ressenties. Il décrit son effroi et son embarras avec des termes forts, comme "transi" et "pâlit", ce qui crée un effet dramatique et capte l'attention de son auditoire.

 

 

Dans ce premier temps de l'aventure, Dorante joue le rôle d'un menteur habile et d'un manipulateur. Il utilise son intelligence et son charisme pour contrôler la situation et influencer les autres personnages. Son rôle est crucial car il pose les bases de la tromperie qui sera développée dans la suite de la pièce.

 

Dorante doit faire face à la péripétie de la montre. Lorsqu'il est interrogé sur la provenance de la montre, il doit rapidement inventer une nouvelle histoire pour expliquer sa possession et éviter les soupçons.

 

Les talents de narrateur de Dorante sont mis en évidence par sa capacité à improviser des détails convaincants et à raconter une histoire cohérente sous pression. Il utilise des descriptions précises, des émotions exagérées et une logique apparente pour rendre son récit crédible. Son éloquence et sa rapidité de pensée montrent son talent pour la narration.

 

La nouvelle péripétie est introduite de manière brusque lorsque le père de la jeune fille remarque la montre et commence à poser des questions. Cette situation imprévue oblige Dorante à inventer rapidement une explication, ajoutant une tension dramatique à la scène.

 

Cette scène est digne d'un récit d'aventure en raison de l'improvisation, de la tension et des rebondissements inattendus. Les mensonges de Dorante, ses tentatives pour échapper aux soupçons et les réactions des autres personnages créent une atmosphère de suspense et de danger, caractéristiques d'un récit d'aventure.

 

Dorante se peint comme un personnage ingénieux et rusé, capable de manipuler les situations à son avantage. Il montre son habileté à mentir avec aisance et à improviser sous pression, ce qui renforce son image de héros aventureux et charismatique dans cette scène.

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